CENTRE PENITENTIAIRE AGRICOLE DE BAPORO : Une prison pas comme les autres
Là où vivent les prisonniers, personne ne souhaite y passer un seul instant. Propos humiliants, traitements inhumains et dégradants, tortures psychologiques, détournements de dons, odeurs d’excréments, agressions, viols, trafics de médicaments, de drogue ou de divers objets. Bref, c’est, entre autres, l’idée qu’on a des centres de détention. Du moins, le milieu carcéral nous est présenté comme une zone de non-droit où vivent des délinquants de la pire espèce. Si cette image est fondée sur une certaine réalité, force est de constater qu’il y a des moments où il faut relativiser une telle position. En tout cas, deux journées entières et une nuit passés au Centre pénitentiaire agricole de Baporo nous ont montré un autre visage, plus vertueux, de la prison. Nous n’y étions pas en tant que prisonnier, mais comme journaliste, témoin de faits et d’une réalité particulière. A Baporo, voilà ce que nous avons vu, entendu…
Baporo commence par un long voyage. Mercredi 14 octobre 2015. Gare routière de la compagnie Rahimo, sise à Kalgondin (ex-secteur 30). 7h30. Nous voici à bord d’un autobus pour le village de Baporo, localité située dans la Boucle du Mouhoun, à environ 175 kilomètres de Ouagadougou. A l’entrée de la commune de Tanghin Dassouri, juste après le péage, le car qui a, ce jour-là, trente-cinq passagers à son bord est arrêté par les Forces de défense et de la sécurité pour un contrôle d’identité. « C’est nouveau ça ! », s’étonne une passagère qui semble peu informée de la situation sociopolitique nationale. Un passager, assis juste derrière elle, la taquine : « On dirait que toi, tu n’es pas au courant de ce qui se passe dans pays-là dèh ! Depuis le putsch avorté du 16 septembre, nous sommes menacés par des djihadistes. C’est normal que la gendarmerie et la police nationale sortent pour ce genre de contrôle. On ne sait pas qui est qui ». Pendant ce temps, nous entendons un agent crier juste à côté du véhicule: « Sortez tous et présentez-nous vos pièces d’identité. Ceux qui n’en ont pas, mettez-vous à côté ». Le contrôle fini, nous voilà à nouveau dans le car. Après cinq kilomètres de parcours, soit à la sortie de la ville de Tanghin Dassouri, notre autobus dont le chauffeur semble pressé au regard de la vitesse avec laquelle il a traversé la ville (plus de 60 km/h), est à nouveau stoppé. Après vérification de nos pièces d’identité par les pandores de la Brigade de gendarmerie de Tanghin Dassouri, nous embarquons pour Boromo, première escale de la compagnie de transport Rahimo. A notre vue, les paysans, dans leurs champs, nous saluent comme pour nous souhaiter bon voyage.
10h30. Nous sommes au péage, à l’entrée de la ville de Boromo. Nous demandons l’indulgence du chauffeur pour descendre. Car, nous devons rencontrer le Directeur d’établissement pénitentiaire de Baporo, Eric Batieno. Le village de Baporo que nous traversons à chaque fois que nous allons à Bobo-Dioulasso sans faire escale, est coincé entre la ville de Boromo et le village de Zawara, dans la province du Sanguié. L’aridité du sol de la localité, ce mercredi 14 octobre, laisse percevoir qu’une goutte de pluie n’y était pas tombée depuis plus de deux semaines. Le bas niveau d’eau du fleuve Mouhoun traversant la route nationale no1, en donne une parfaite illustration. Dans les champs situés aux abords de la route, les braves paysans récoltent le maïs, une espèce beaucoup cultivée dans cette partie du Burkina.
Une prison à ciel ouvert
Au péage où nous passons 35 minutes à attendre M. Batieno, nous faisons la connaissance d’un instituteur, natif de Baporo. Comme des élèves et leur maître, il nous fait un cours magistral de l’histoire du Centre pénitentiaire agricole de Baporo (CPAB). De son récit, il ressort que le CPAB existe depuis le temps de la Révolution, d’où son appellation par les populations de Boromo et environnants « Sankar-pougô » (NDLR : le Champ de Sankara).
11h10. Nous voilà dans une 4×4 noire climatisée, en direction du CPAB. A quelque deux-cents mètres après le pont du fleuve Mouhoun, nous bifurquons à gauche. Nous voilà à l’intérieur d’une forêt qui s’étend à perte de vue. A l’entrée de cette futaie, juste après le bitume, un moulin surgit brusquement, ensuite des bâtiments, des champs de maïs et d’arachides. Le temps d’admirer le biotope, nous sommes déjà au poste de garde de la prison. Une dizaine de détenus visiblement heureux et très occupés semble ignorer notre présence. La majorité est en uniforme rouge. Cette couleur nous rappelle la célèbre prison américaine de Guantanamo, avec cette image d’atrocités en toile de fond. D’autres sont en tenues ordinaires. Sous un soleil de plomb, cinq détenus, torse nu, vannent du haricot et du maïs. A côté d’eux, quatre autres s’attèlent à charger une dizaine de tas de bananes dans un pick-up. Sous un arbre, trois autres coupent du gombo frais. Non loin de deux bornes fontaines, un détenu lave une moto en fredonnant une chanson. A côté de lui, un autre fait la lessive. Plus loin, dans un champ, un autre groupe de détenus récolte de l’arachide. A côté d’eux, sous un petit hangar, des Gardes de sécurité pénitentiaire (GSP) sont en train de suivre leurs mouvements. Bref ! Contrairement aux Maisons d’arrêt et de correction où les prisonniers sont enfermés dans des cellules, au CPAB, les pensionnaires semblent jouir d’une relative liberté. Le CPAB est une prison semi-ouverte. Pas de clôture. Les prisonniers sont libres de leurs mouvements. Les journées se meublent de travaux que les prisonniers abattent chaque jour avec beaucoup d’entrain. En tout cas, l’oisiveté n’y a pas sa place.
A 11h 50, dès notre arrivée au poste de garde, Eric Batieno nous présente aux membres de la Garde de sécurité pénitentiaire (GSP), dont le chef de poste, Lookman Sawadogo. Nous saisissons la balle au bond pour un petit entretien avec ce dernier en vue d’avoir les identités des catégories de détenus de cette semi-prison. Au nombre de 42, les détenus, confie M. Sawadogo, viennent de différentes Maisons d’arrêt et de correction du Burkina. Les nouveaux, au nombre d’une trentaine, sont en uniforme rouge et font l’objet d’une surveillance particulière. Par contre, les anciens, une dizaine, sont habillés en tenues ordinaires et se promènent sans surveillance. Dans ce centre, aucune présence de femmes, encore moins de mineurs. Et selon Lookman Sawadogo, le CPAB, depuis sa création officielle en 1995, s’inscrit en droite ligne d’une nouvelle politique pénitentiaire au Burkina : la réinsertion sociale des détenus. D’où le traitement particulier dont bénéficient tous ses pensionnaires. Aux dires de M. Sawadogo, le CPAB, contrairement aux autres prisons, reçoit périodiquement des condamnés qui ont purgé plus de la moitié de leur peine. Du moins, des prisonniers qui manifestent la volonté de faire quelque chose de leurs mains pour subvenir à leurs besoins, une fois leurs peines purgées, au lieu de retourner dans la délinquance. « Ce qui fait que les tentatives d’évasion sont rares dans cette prison. Et même, les prisonniers qui s’en évadent sont généralement retrouvés suite à des avis de recherche », soutient-il. Tous s’adonnent à deux activités majeures : les travaux champêtres et l’élevage.
Des travaux champêtres
Pour ce qui est des travaux champêtres, tous les détenus y sont soumis. « Même ceux qui n’ont jamais vu de daba depuis leur naissance », renchérit le chef de garde, Lookman Sawadogo. Après ce petit entretien, nous voilà dans un autre véhicule, avec trois agents dont Narcisse Sawadogo, pour une tournée dans les champs. Durant cette excursion, nous constatons que l’exploitation agricole de Baporo est une véritable réussite. Sur une superficie de plus de 100 ha, nous révèle Narcisse Sawadogo, ce sont environ 80 ha qui sont exploités pour l’agriculture et l’élevage. « Pour cette saison agricole, ce sont 30 ha qui ont été exploités pour la culture du maïs. A cela s’ajoutent une petite superficie de 6 ha pour le sorgho, 2 ha pour l’arachide, 2 ha pour le gombo et 2 ha pour le Nébié », précise-t-il. Parcourant, les champs de maïs, nous faisons un constat désolant. Une partie des champs de maïs a été inondée par une abondante pluie tombée entre le 5 et le 15 septembre derniers dans la région. Conséquences, « environ 20 ha sur les 30 ha de maïs et 3 ha sur les 6 ha de sorgho sont irrécupérables», explique le Directeur de l’établissement pénitencier de Baporo, Eric Batieno. La pension de Baporo dispose également d’une bananeraie de plus de 2 ha. La récolte se fait en fonction de la demande et les revenus servent aux petits besoins du centre. En saison sèche, des activités culturales de contre-saison s’y mènent, grâce à la petite irrigation. « En cette période, on y cultive des légumes, du manioc, etc. », souligne M. Batieno.
14h30. Nous sommes de nouveau au poste de garde. Les entretiens se poursuivent. Cette fois-ci, avec les détenus. Tous fuient notre micro et notre appareil photo. Les commentaires vont bon train : « Ned pa toin gomé», « Ra gnok-maam photo yé ! », « fo ya anna ? », « Journaliste, ayo ! Ragnok maam photo yé !», etc. Il faut entendre par là : « Je ne peux pas parler », « Ne me photographie pas », « Tu es qui ? », « Journaliste, ne me prends pas de photo ». De tentative en tentative pour avoir des interviews avec les prisonniers, nous faisons chou blanc.
On est traité comme chez soi à Baporo
16h00. Une nouvelle équipe de GSP arrive pour relayer l’équipe en poste depuis la veille. Un détenu court vers une cloche. Après un « Pan ! Pan ! Pan ! », le son de cloche, tous les détenus sont en rangs serrés devant le poste de garde. Après un décompte, tous les détenus se remettent à nouveau au travail. Certains qui ont déjà fini leur corvée du jour vont jouer au ballon sur un petit terrain aménagé à cet effet. Une ambiance bon enfant règne sur le terrain. On peut entendre ceci d’un GSP à l’adresse d’un détenu : « Couzo (NDLR : cousin) ! Aujourd’hui, je veux que tu marques 2 buts. Si tu le fais, je te dois un cadeau ». « Je ferai de mon mieux, chef », répond le détenu.
17h45. Arrivée des troupeaux de la pâture, conduits par deux détenus en tenue ordinaire. Tous épuisés, ils déclinent tout entretien.
A 18h00. Le soleil s’éclipse définitivement. Un détenu court à nouveau vers la cloche pour sonner le rassemblement. Après l’appel, les pensionnaires, tous présents, prennent la direction de leurs cellules. Nous saisissons la perche pour les suivre dans leurs dortoirs. Quatre bâtiments leur servent de cellules. Dans cette cité, il y a deux sortes de cellules d’une superficie de 40m2 avec au maximum, 10 détenus par cellule. Dans chaque cellule se trouvent des lits et des nattes avec des moustiquaires imprégnées et des couvertures. Dans une des cellules réservées, dit-on, aux détenus anciens, il y a deux lits avec matelas et des couvertures sous des moustiquaires imprégnées. Par contre, dans une des cellules des nouveaux détenus, c’est une odeur d’urine qui nous accueille à la porte. Dedans, on trouve des nattes, des moustiquaires, des couvertures et des seaux. « Comme nous ne pouvons pas sortir la nuit pour nos besoins, nous utilisons ces récipients », nous confie un détenu, l’air sympa. Ce qui nous donne le courage d’engager une conversation avec lui (NDLR : lire encadré).
Le temps de terminer notre entretien avec le détenu, un GSP nous propose de poursuivre nos entretiens le lendemain. « Ce sont de nouveaux détenus. Eux, à la nuit tombée, nous les conduisons tous dans leurs cellules respectives et ils n’en ressortent qu’au lever du jour», me précise le GSP, Narcisse Sawadogo.
Il est 20h. Les cellules des nouveaux détenus sont hermétiquement fermées, celles des anciens détenus sont ouvertes et un grand silence y règne. Beaucoup n’avaient pas encore rejoint leurs dortoirs. « La nuit, généralement, les anciens détenus restent au poste pour suivre la télé avec les agents », me confie M. Sawadogo.
Il est 21h. Poste de garde. Six détenus en tenue ordinaire sont présents. « Monsieur le journaliste, vous n’avez pas sommeil ? Nous, nous allons dormir, car beaucoup de travail nous attend demain », lance un des détenus. Alors, nous le suivons dans sa chambre. Grand fut notre étonnement, lorsque nous découvrons que c’est le moulin installé à l’entrée principale du centre qui lui sert de dortoir. Là, nous parlons de tout et de rien sur la vie quotidienne. Il nous dit qu’il s’appelle A. O. C’est lui qui est chargé de la gestion du moulin du centre. Il a été condamné par le Tribunal de grande instance de Ouahigouya à 24 mois de prison ferme pour détournement d’argent. Il lui reste environ 5 mois pour purger sa peine. A Baporo, il a appris la meunerie et à sa sortie de prison, il entend mettre à profit son expertise de meunier pour gagner sa vie. Il est 23h00. Assis sur son lit, nos paupières commencent à s’alourdir. Malgré cela, nous tenons bon. Entre-temps, nous avons eu un moment de somnolence. Pour chasser le sommeil, nous décidons de nous dégourdir les jambes en prenant congé de lui. 23h 35, nous voilà à nouveau au poste de garde. Un GSP nous interpelle: « C’est mieux de venir t’asseoir que de vouloir dormir avec les détenus ». Un message que je prends comme un avertissement, car rien ne me dit que ma sécurité est garantie à 100%. Quelques minutes après, je m’étale sur son lit jusqu’aux premiers chants du coq. Jeudi 15 octobre. Il est 6h00. Les détenus commis à la préparation du petit déjeûner sont déjà dans la cuisine. Le garde ouvre les portes des cellules des nouveaux détenus. On s’étire par-ci, on bâille par-là. Les détenus musulmans cherchent à exécuter la « Suub », première prière de la journée.
Un cheptel important
Nous prenons congé d’eux, appareils en main, pour aller découvrir les potentialités pastorales du centre. A notre sortie des dortoirs, nous faisons un tour à la cuisine, puis à la porcherie pour des images. Ensuite, au poulailler puis à l’enclos pour bétail. Le centre dispose d’un grand cheptel. Le bétail se chiffre à 400 têtes (moutons et bœufs), les porcins à 3. Par contre, la volaille a du mal à prendre forme, avec seulement une centaine de poules et pintades. Pour la santé de toute cette potentialité pastorale, le GSP, Narcisse Sawadogo, qui a bénéficié d’une formation à l’Ecole nationale de santé animale (ENESA) a été nouvellement affecté au centre. Cet agent technique d’élevage se bat chaque jour pour redynamiser l’élevage au sein de la prison de Baporo. Autrefois, le centre faisait recours à des vétérinaires privés pour les soins des animaux. Un des détenus qui conduisent quotidiennement les animaux au pâturage confie qu’ils sont choisis en fonction de leur engagement et de leurs connaissances en matière d’élevage. « Chaque dimanche, nous sommes motivés avec la somme de 750 F CFA par individu », témoigne-t-il. Son souhait : que le centre puisse, à la fin de sa peine, l’accompagner avec un peu d’argent pour qu’il puisse se lancer dans l’embouche bovine.
7h15, le 15 octobre. Nous sommes au poste de garde où se trouvent la plupart des détenus pour le petit-déjeuner. Nous nous faisons une place au milieu d’eux pour déguster leur repas. Après quelques tartines, un détour à la direction administrative. 8h22. Nous sommes dans le bureau du Directeur d’établissement pénitentiaire de Baporo, Eric Batieno, pour un entretien (voir encadré). Après cet entretien qui aura duré 2h00, nous voilà dans la ville de Boromo à la rencontre d’anciens pensionnaires du CPAB. Un agent du centre nous conduit chez Ollé Serge Palm et Abdoulaye Konaté. (NDLR : lire confidences d’ex-détenus du CPAB). Après deux heures d’entretien avec ces ex-détenus du CPAB qui ont réussi leur réinsertion sociale, nous rebroussons chemin pour le centre.
15h00. Nous quittons nos « amis » et le personnel du centre. Direction, Ouagadougou.
Mamouda TANKOANO
Vie à la maison d’arrêt et de correction, et au CPAB. Le témoignage d’un détenu
Qu’est-ce que vous mangez ce soir ?
Le détenu : « La même nourriture qu’on nous a servie à midi »
Et c’est suffisant ?
« Oui ».
Qu’est-ce que vous mangez généralement ?
« Le tô. En période intense de travaux champêtres, nous prenons de la bouillie chaque matin. A 10h, le café pour éveiller nos sens. Le tô, le riz ou le haricot à midi. Mais ceux qui n’apprécient pas le menu du jour préparent parfois ce qui leur plaît ».
Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
« Je m’appelle B. K. Je viens de la Maison d’arrêt et de correction de Dédougou. Je suis marié et père de 5 enfants, dont 2 inscrits à l’école ».
Pourquoi avez-vous été condamné ?
« J’ai été condamné pour vol de moto ».
Pour combien de temps l’avez-vous été?
« Trente-six mois de prison ferme ».
Depuis combien de temps, êtes-vous ici ?
« Six mois ».
Comment trouvez-vous la vie au centre, comparativement à celle de la Maison d’arrêt et de correction de Dédougou ?
«Ici, il n’y a pas de problème. Nous sommes mieux traités qu’à la maison d’arrêt et de correction. On mange bien. On se lave tous les jours. En cas de problème de santé, le centre s’occupe de nous. Vous l’avez constaté vous-même, c’est une prison à ciel ouvert. Nous recevons permanemment de la visite. Quant à nos camarades auxquels les parents ne viennent pas rendre visite, nos chefs (NDLR : les GSP) mettent des unités dans leurs téléphones portables presque chaque week-end pour qu’ils puissent communiquer avec leurs proches. Ce qui ne se fait pas dans les maisons d’arrêt et de correction».
Quelle expérience avez-vous de la maison d’arrêt et de correction de Dédougou?
« L’expérience que j’ai vécue à la MACOD (Maison d’arrêt et de correction de Dédougou) est très amère. Là-bas, les conditions de détention sont déplorables. Les détenus sont entassés dans leurs cellules comme des poissons dans des boîtes de sardine. On voit trois, quatre, parfois cinq détenus sur une seule natte. Certains détenus dorment à même le sol. Vous pouvez passer des semaines sans vous laver. Ce qu’on qualifie pompeusement de lit se résume à un moulage de béton, sur lequel nous posons une simple natte. Le premier choc, c’est l’odeur. Celle des excréments. Des agressions, un terme pudique pour parler des viols, y sont fréquentes. Souvent, nous subissons des humiliations comme si nous n’étions pas des êtres humains. Quant aux repas, il n’y a pas de petit-déjeuner. Parfois, quand on nous livre à manger, la quantité est insuffisante et la qualité douteuse, si fait que nous n’avons pas envie de manger… ».
Ici, avez-vous des intimités ?
« (Rire). Ici, il n’y a pas de femmes. Nous ne sommes pas des gays non plus pour le faire entre hommes ».
Souhaitez-vous un jour quitter ce centre ?
« Oui ».
Que ferez-vous une fois libéré ?
« Ici, j’ai appris à cultiver et à faire surtout du jardinage. A ma sortie de prison, au lieu de me servir de mes dix doigts pour voler, je m’en servirai pour travailler, surtout pour faire du jardinage afin de subvenir à mes besoins et à ceux de ma famille ».
Regrettez-vous l’infraction qui vous a conduit à cet endroit ?
« Je regrette beaucoup. Faire la prison, je ne le souhaitais pas, pour un responsable comme moi. C’est parce que ma femme me comprend, sinon elle aurait rejoint sa famille».
Est-ce qu’il vous est arrivé un jour de tenter de vous évader du CPAB ?
« Non, je n’ai jamais voulu fuir. Fuir n’est pas la solution. Car, avec les avis de recherches, on finira par me retrouver. C’est mieux de purger totalement ma peine et de sortir en toute liberté, que de me promener avec un crédit de peine sur moi ».
Propos recueillis par M.T.
Le Directeur d’établissement du CPAB, Eric Batieno : « La plupart des détenus qui sont libérés du centre s’intègrent facilement dans la société »
Pouvez-vous nous présenter le personnel administratif du CPAB ?
Eric Batieno : « Au CPAB, nous avons une direction, un service de sécurité, un service de greffes, une intendance et une infirmerie. Le service de greffes constitue la mémoire du centre. Il a la fiche d’identité individuelle de tous les détenus. L’intendance, elle, est chargée de la gestion du patrimoine du centre et l’infirmerie fonctionne 24h/24 ».
Dans quelle circonstance peut-on affecter un détenu à Baporo ?
« Le CPAB reçoit des détenus qui bénéficient d’une semi-liberté. Une personne qui n’a pas encore été jugée coupable ne peut pas être affectée au CPAB. Pour arriver au CPAB, il faut avoir purgé la moitié de sa peine dans une maison d’arrêt et de correction. Si un détenu n’a pas eu de bon comportement durant son séjour dans une maison d’arrêt et de correction, celui-ci ne peut pas être affecté au CPAB. Ceux qui y sont affectés sont des détenus susceptibles de changer. Souvent, ce sont les détenus eux-mêmes qui manifestent la volonté de venir à Baporo par l’intermédiaire de la Commission d’application des peines. Lorsque les détenus viennent et que nous leur demandons pourquoi ils ont demandé à venir au CPAB, ils nous répondent ceci : « Nous voulons participer au développement du pays par nos petites actions ». La particularité du CPAB est que nous formons tous les détenus que nous recevons. Nous leur assurons une formation afin qu’ils puissent se réinsérer socialement, une fois leur peine purgée. Ce qui fait que nous leur assurons un suivi post-carcéral ».
Depuis l’ouverture de ce centre pénitencier et jusqu’aujourd’hui, combien de détenus ont-ils été reçus?
« Je ne saurai apporter des chiffres exacts. Mais, le centre a une capacité d’accueil de 80 détenus. Actuellement, nous en avons 42. Le nombre varie car il y a des moments où nous avons une soixantaine de détenus. Au début de cette campagne agricole, il y avait environ 55 détenus ».
Que deviennent les détenus qui sont libérés du centre ?
« La plupart de ceux qui sont libérés du centre s’intègrent facilement dans la société. Vous pouvez trouver des exemples dans toutes les localités du Burkina. Il y en a qu’on accompagne avec des petits moyens, d’où le suivi post-carcéral de tous les détenus qui finissent de purger leur peine ».
Au CPAB, vous faites de l’agriculture. Pouvez-vous nous dire le nombre de tonnes que le CPAB produit par an ?
« La campagne précédente, le centre a produit environ 15 tonnes de maïs, sans compter le haricot, le gombo, etc. Pour cette saison, nous comptons produire 45 tonnes de maïs, 6 tonnes de sorgho, 1 tonne d’arachide, 2,5 tonnes de gombo frais et 2 tonnes de niébé ».
A qui sont destinées les productions du CPAB ?
« Les productions agricoles, notamment le maïs, le sorgho, le niébé sont aussi destinées aux autres Maisons d’arrêt et de correction. La banane que nous produisons est vendue à travers le pays. La recette est enregistrée dans un cahier de suivi et l’argent sert à subvenir aux petits besoins du centre ».
Quelles sont les difficultés auxquelles est confronté le CPAB ?
« Le CPAB a les mêmes difficultés que tous les autres centres d’agriculture et d’élevage. Le CPAB est confronté à plusieurs difficultés dont le problème de matériels avec le nombre insuffisant de tracteurs. A présent, nous avons un tracteur, mais c’est insuffisant, au regard de nos capacités d’exploitation et de production. Nous avons aussi des problèmes récurrents de semence à chaque saison pluvieuse. L’Etat fait un effort dans ce sens, mais, beaucoup reste à faire. En plus de ces difficultés d’ordre matériel, nous avons aussi des difficultés liées aux aléas climatiques ».
Propos recueillis par M.T.
Témoignage d’anciens détenus
Ollé Serge Palm
«Je suis jardinier. Célibataire et sans enfant. Je suis ancien pensionnaire de Baporo. J’ai été libéré en décembre 2014. J’ai été arrêté et jugé en février 2013 pour vol de moto alors que je faisais la classe de 3e. J’ai été condamné à 24 mois de prison ferme. Alors, j’ai passé 17 mois à la Maison d’arrêt et de correction de Boromo avant d’être transféré avec 14 autres détenus au CPAB où je devais purger le reste de ma peine. Mais, grâce à la grâce présidentielle, j’ai été libéré à deux mois de la fin de ma peine. Durant mon séjour à Baporo, j’ai appris à faire du jardinage. Avant, je ne savais pas travailler dur pour subvenir à mes besoins. J’attendais toujours qu’on me tende la main. Mais durant mon séjour au CPAB, j’ai travaillé sans relâche. J’ai beaucoup médité sur la vie. Aujourd’hui, je suis heureux. Car, grâce au jardinage, j’arrive à subvenir à mes petits besoins et à ceux de mes parents ».
Abdoulaye Konaté
« Je suis ancien pensionnaire de Baporo. Originaire de Banfora. Je suis vendeur de bois de chauffe. Autrefois, vendeur de bovins et de caprins, j’ai été arrêté en décembre 2012 pour vol de bœufs. Deux mois après mon jugement, j’ai entendu parler du Centre pénitentiaire de Baporo à la Maison d’arrêt et de correction de Banfora. Surtout le traitement dont bénéficient les pensionnaires qui s’y trouvent. Alors, j’ai demandé à y être transféré. Quand je suis arrivé, mes chefs (NDLR : les GSP) m’ont trouvé une charrette et un âne que j’utilisais pour aller couper le bois de chauffe et le vendre en ville (NDLR : Boromo). C’est le seul travail auquel je me suis consacré durant mon séjour au CPAB. Pour m’encourager dans ma tâche, mes chefs me donnaient quelque chose en retour sur la recette de chaque charrette. A la fin de ma peine, le centre a décidé de m’accompagner pour que je puisse me réinsérer socialement car je suis marié et père de deux enfants. La direction du centre m’a donné une charrette et un âne. Aujourd’hui, j’utilise cette charrette pour couper du bois et revenir le vendre à Boromo afin de m’occuper de ma famille ».
Propos recueillis par M.T.
Le CPAB, l’autre famille d’un détenu
S’il y a une histoire qui nous a beaucoup touché, c’est celle du détenu qui ne veut pas quitter le CPAB. Le jour même où nous sommes arrivé au CPAB, ce dernier était activement recherché par le personnel. En effet, il s’est évadé le 10 octobre alors qu’il lui restait moins de deux mois de peine à purger. « Et ce n’est pas sa première fois », a confié le Directeur d’établissement pénitentiaire de Baporo, Eric Batieno. Ce prisonnier que nous appelons X ne veut plus quitter le CPAB car étant à son deuxième passage en ces lieux. « Chaque fois que sa peine tend vers son terme, il s’évade pour écoper d’une peine plus lourde. Nous avons tout fait pour ce détenu. Mais, il lui faut un suivi psychologique approfondi », a expliqué le Directeur d’établissement pénitentiaire de Baporo, Eric Batieno. Au moment où nous nous entretenions avec M. Batieno, sa Maison d’arrêt et de correction d’origine venait de signaler sa présence dans son village natal.
M.T
jumel
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renseignez vous! Baporo n’est pas situé dans la boucle du Mouhoun, mais dans le centre oust, province du sanguié
19 novembre 2015Dj engagé
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aff a suivre… Pour plus de valorisation et de realisme si le gov oeuvre a accompagné necessairemt en materiel e fonds pr transfrmé les peines de ces personnes la xa va allegé de facon sigifian la depense de létat dans les prisons e pourquoi 1 seul centre de ce genre o Burkina ?cè 1e politique à salué courag chapo ns compton sur Eric Bationo e ses hommes pr q les detenu du faso soit tous transformé é réinseré….ensemble oeuvron pr 1 Burkina meilleur …
19 novembre 2015