CONSEIL NATIONAL DU CDP POUR LE REFERENDUM : L’opposition ne doit s’en prendre qu’à elle-même
Trois actes forts, allant dans le sens de la matérialisation de la tenue d’un référendum au Burkina sur l’article 37, peuvent être observés aisément. Le moins que l’on puisse dire est qu’ils ont une cohérence dans leur enchaînement chronologique et ont, de ce fait, le mérite de dissiper les dernières zones d’ombre.
Un pas décisif vient d’être franchi dans la marche du pouvoir vers le référendum
Il y a eu d’abord la sortie du président du Faso à Dori en décembre 2013, à l’occasion de la commémoration du 43e anniversaire de l’indépendance du Burkina Faso. En marge de cette activité, Blaise Compaoré avait fait part de son intention de soumettre le sort de l’article 37 à l’arbitrage du peuple.
Le deuxième acte fort plaidant pour le référendum est le meeting que vient d’organiser le Front républicain à Bobo. Le pouvoir a mis les petits plats dans les grands pour que le meeting soit perçu comme un témoignage de l’adhésion du peuple à son projet de référendum. Et l’on a vu la marée humaine qui a déferlé sur Bobo-Dioulasso.
Le troisième acte fort en vue du référendum est le conseil national du CDP dont les travaux se sont tenus le samedi 26 avril dernier à Ouagadougou. Avec cette importante rencontre, l’on peut dire qu’un pas décisif vient d’être franchi dans la marche du pouvoir vers le référendum. En effet, le maître-mot de ce conseil était le référendum, repris en chœur par des militants venus de toutes les contrées du Burkina pour célébrer une messe à la gloire de Blaise Compaoré qui, à leurs yeux, est un véritable don de Dieu au Burkina. La grande inconnue reste la décision finale de celui qui est au cœur de la division du pays, Blaise Compaoré. Quel épilogue ce dernier réserve-t-il à ses compatriotes ? Va-t-il franchir le Rubicon ? Ces questions, bien des Burkinabè se les posent aujourd’hui avec certainement la peur au ventre, parce que seules les réponses du principal intéressé à ces questions peuvent contribuer à baisser ou à augmenter l’angoisse des Burkinabè, qui est observable aujourd’hui. Les Burkinabè devront certainement patienter avant de connaître la décision de l’enfant terrible de Ziniaré. Blaise Compaoré traînera les pieds avant de se déterminer au regard des adversités auxquelles il pourrait faire face. Avant de les évoquer, il est indispensable de dire avec force que, dans le principe, personne ne devrait être contre un référendum. Mais au Burkina, l’on peut avoir des raisons objectives de s’inscrire en faux contre l’idée d’un référendum dont l’objectif, on le sait, est de permettre à un individu de s’accrocher au pouvoir. Blaise Compaoré sait que le référendum dont tout le monde parle aujourd’hui est celui de tous les dangers. Lui qui travaille pour la paix chez les autres, peut-il en même temps, par son comportement, prendre le risque d’embraser volontairement son pays ? En réalité, l’on peut dire que si Blaise Compaoré met du temps pour faire connaître sa décision, c’est qu’il est face à une décision cornélienne. Certes, ses partisans le poussent à aller droit dans le mur, mais Blaise Compaoré semble redouter la réaction d’un certain nombre d’acteurs, au cas où il se déciderait à franchir le Rubicon. Il y a d’abord la réaction du monde des travailleurs. Apparemment, l’on assiste à une trêve sociale suite aux mesures sociales que le gouvernement a prises récemment pour l’amélioration des conditions de vie et de travail des populations. Mais cette lune de miel entre le pouvoir et les syndicats pourrait être de courte durée. En effet, si l’on en croit la Coalition nationale contre la vie chère et la corruption (CCVC), ces mesures ne sont pas à la hauteur des attentes de la population parce qu’elles « cachent mal des tentatives de récupération politicienne en même temps qu’elles révèlent leur caractère précaire et révocable ». Le message du front social est clair. Il pourrait trouver matière à actions dans la tenue d’un référendum et la mise en place d’un sénat dont les coûts ne sont pas négligeables.
Blaise Compaoré sait qu’il a l’antidote de son opposition
La deuxième catégorie d’acteurs dont le pouvoir pourrait redouter la réaction est la communauté internationale et les partenaires au développement. Déjà, la France et les Etats-Unis auraient fait connaître leur opposition à tout tripatouillage de la Constitution. Blaise Compaoré ne peut pas prendre le risque d’effaroucher Paris et Washington en modifiant l’article 37, surtout à quelques mois de la tenue, aux Etats-Unis, d’un sommet USA-Afrique organisé par Barack Obama, qui n’est pas tendre vis-à-vis des hommes politiques dont le sport favori est le tripatouillage des Constitutions pour s’éterniser au pouvoir. Blaise Compaoré ne voudrait pas se présenter à ce grand rendez-vous, avec l’image d’un roi. Le dernier acteur dont la réaction pourrait contrarier Blaise Compaoré et le mettre en difficulté, est l’opposition politique. Mais là, il faudrait nuancer les choses. En réalité, tout ce méli-mélo politique auquel l’on assiste aujourd’hui pourrait aussi être imputable à l’opposition politique. En effet, c’est elle qui a contribué à brouiller le jeu politique et à dégoûter bien des Burkinabè de la chose politique. Comment les Burkinabè peuvent-ils continuer à accepter d’être floués par une telle opposition ? Certes, des opposants qui croient à un idéal noble existent, mais ils sont quantité négligeable. Mais la majorité des opposants ne résistent pas à l’appel de l’œsophage. Sous nos tropiques, la voie royale pour résoudre ses problèmes alimentaires, accéder à la fortune et à la gloire, est bien souvent celle de la politique. Blaise Compaoré sait qu’il a l’antidote de son opposition. Le moment venu, il dressera une table bien garnie de victuailles et de couverts, avec la certitude que ceux et celles qui vont y accourir, toute honte bue, dépasseront le nombre des couverts. Ailleurs, en Afrique, l’opposition est plus cohérente et responsable. C’est pourquoi elle a pu susciter dans des pays comme le Niger, le Ghana, le Sénégal, l’alternance. De ce point de vue, l’opposition burkinabè ne doit s’en prendre qu’à elle-même. Cela dit, le salut du Burkina viendra peut-être de la société civile, la vraie. Dans l’état actuel des choses, et pour de multiples raisons liées à la sociologie politique du Burkina et au rapport de force sur le terrain, l’alternance apparaît de plus en plus comme une arlésienne. Et l’on imagine mal comment elle peut se produire sans passer par la case de la confrontation. Dieux sauve le Burkina.
Pousdem Pickou