DEMANDE DE PARDON DE BLAISE COMPAORE A SES COMPATRIOTES : Un pas vers la réconciliation nationale, qui intervient sur le tard
Blaise Compaoré est sorti de son mutisme sur sa responsabilité dans l’assassinat de Thomas Sankara, en faisant un étonnant mea culpa depuis le palais de Kosyam et à travers un message lu par le porte-parole du gouvernement burkinabè. L’ancien président du Faso décline dans le texte, tous les malheurs qui frappent le Burkina Faso, avec notamment le terrorisme et les conflits communautaires, avant d’appeler à la réconciliation nationale et de demander pardon à toutes les victimes de son règne. Il y a 21 ans de cela, il s’était prêté au même exercice mais dans un contexte différent dans la cuvette densément occupée du Stade du 4 Août, mais il n’avait pas eu, à l’occasion, une empathie particulière pour la famille de son « ami et frère » Thomas Sankara, dont l’exécution, en 1987, a été l’une des pires atrocités de l’histoire politique du Burkina. Cette fois-ci, Blaise Compaoré a voulu se débarrasser du poids de ce passé lugubre, en faisant publiquement amende honorable, et en s’adressant directement aux héritiers du père de la Révolution burkinabè dont la mort violente lui a été imputée par la Justice en avril dernier. L’on est bien loin du « ils ont eu ce qu’ils méritaient » que le fringant capitaine des années 80, avait lancé au lendemain de l’exécution, à la kalachnikov, de ses compagnons d’armes, Boukari Lengani et Henri Zongo en 1989, certainement parce que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. L’âge et le destin qui sont les siens, ne lui permettant plus de diluer dans les soubresauts politiques qu’a connus notre pays, ses propres responsabilités dans la commission des crimes au cours de son interminable « magistère ». En cette année 2022 voulue par les autorités de la transition comme année de la réconciliation nationale, cette démarche de Blaise Compaoré est à saluer, d’autant qu’il ne formule pas de demande d’excuses, qui, étymologiquement, disculpe et met hors de faute, mais plutôt de pardon qui prouve qu’il a enfin pris conscience et assume la nature préjudiciable de la sauvagerie que des soldats surexcités avaient exécutée en son nom et pour son compte, le 15 octobre 1987.
Cette « adresse à la Nation » pourrait faire bouger les lignes de fracture entre Burkinabè
Reste à savoir si cet acte de contrition publique de l’ancien président, pourra faire refermer les portes du passé et tourner la page de la judiciarisation de sa responsabilité dans les événements d’il y a 35 ans. Rien n’est moins sûr, car la Justice qui a décidé de ne pas laisser fleurir l’impunité, a fait tomber la foudre sur lui en le condamnant à perpétuité, au terme d’un procès que lui et son ancien chef de la sécurité avaient volontairement snobé. En somme, le message compatissant de Blaise Compaoré solde moins les comptes d’un passé sulfureux qu’il essaie d’ouvrir un futur plus serein et sans emballement pénal pour lui, puisque certains membres de la famille de Thomas Sankara ont réagi en affirmant que sa rédemption n’aura de sens que s’il s’adresse directement à elle et aux autres victimes, sans recourir à ce canal de communication dont ils doutent de l’authenticité, de la fiabilité et de la sincérité. Beaucoup auraient aimé, en effet, voir Blaise Compaoré, même ânonnant ou radotant, lire ce message ou à défaut, toucher davantage le cœur des ayants droit de ses victimes en s’adressant à eux par le truchement de sa fille présente à Kosyam, depuis le palais de justice ou le mémorial Thomas Sankara sis au Conseil de l’entente, ce haut lieu de toutes les vilenies du régime du Front populaire. Certains vont jusqu’à penser que l’aveu de culpabilité contenu dans les deux paragraphes d’une brièveté suspecte dédiés à la demande de pardon, n’émane pas de Blaise lui-même, et qu’il s’agit ni plus ni moins d’une mise en scène orchestrée par le président Damiba, le CDP canal historique et le régime ivoirien qui a offert le gîte et le couvert à celui qui a été chassé par son peuple, il y a huit ans de cela. Tout ce micmac viserait à faciliter le retour de ce dernier, car c’est davantage le mal du pays et la distance amère qui sépare sa résidence cossue de Cocody-Danga de son Ziniaré natal, qui expliqueraient cette effervescence à laquelle on assiste depuis quelques semaines. Et non pas un quelconque sentiment de culpabilité et de remords de l’infracteur, comme on veut le faire croire. En tout état de cause, cette « adresse à la Nation » pourrait faire bouger les lignes de fracture entre Burkinabè en ce qu’elle peut susciter l’indulgence ou même la pitié chez beaucoup de Burkinabè. Mais n’oublions pas que la réconciliation nationale tant prônée ne signifie pas absolution des crimes, et encore moins application à géométrie variable de la loi au Burkina Faso. Pour que le vœu exprimé par Blaise Compaoré de voir les Burkinabè unis pour la défense du pays soit exaucé, il faudra impérativement que la justice et l’équité ne soient pas une chimère aux yeux de nos compatriotes. Et pour les en convaincre, l’ancien homme fort du pays doit donner le ton, en revenant purger sa peine, quitte à bénéficier par la suite, d’un aménagement de peine ou même d’une liberté totale ou définitive si la loi le permet.
Hamadou GADIAGA