DEPART DE LA CHANCHELIERE ALLEMANDE VU D’AFRIQUE
Angela Merkel, chancelière de l’Allemagne depuis 2005, vient de faire valoir ses droits à la retraite. Pendant 16 ans donc, soit 4 mandats, le peuple allemand lui a fait confiance à travers le Bundestag, c’est-à-dire le parlement. Durant ce temps, elle aura travaillé sans relâche à tirer son pays vers le sommet de l’Europe et du monde. C’est donc à juste titre que 80% de ses compatriotes ont salué son œuvre à la chancellerie. Vu d’Afrique, l’on peut se permettre de tirer son chapeau à cette grande dame qui a pris la décision de quitter le pouvoir alors que la Constitution de son pays ne l’y obligeait pas. L’on peut d’autant plus reconnaître la grandeur de son acte, qu’elle quitte les affaires à un moment où presque tous les signaux de son pays sont au vert. L’on peut d’abord s’arrêter, ici, pour oser un parallèle avec l’Afrique, notamment avec les assoiffés du pouvoir. En effet, sous nos tropiques, il n’est pas rare de rencontrer des présidents qui ne se rassasient jamais de pouvoir. Et ce faisant, ils n’hésitent pas à donner un coup de canif à la loi fondamentale afin de s’accorder une prolongation de leur mandat pour, soutiennent-ils, terminer leurs chantiers.
Ceux qui risquent d’être gênés aux entournures sont les dictateurs
L’illustration parfaite de ce scénario est le fameux « Tazarché », ou continuité en haoussa, de Mamadou Tandja du Niger. Et cela lui a valu d’être déposé par Salou Djibo. Cette boulimie du pouvoir, lui a donc été fatale. Quand ces présidents assoiffés de pouvoir sont dans une situation où l’économie de leurs pays respectifs est relativement bonne, il ne leur viendra jamais à l’esprit de quitter de manière volontaire le pouvoir. Bien au contraire, ils travaillent à modifier la Constitution, pour s’accrocher ad vitam aeternam à leur fauteuil. Et l’argument principal qu’ils brandiront dans ce scénario, est que leur bilan plaide pour qu’ils ne quittent pas les affaires. Et la foultitude de Raspoutine qui arpentent leurs somptueux palais, se chargeront de servir aux populations, rendues crédules par la pauvreté et l’analphabétisme, la thèse selon laquelle un président qui a un bon bilan, est un don du Très-Haut. De ce point de vue, il n’a pas vocation à être changé. Ainsi naissent les présidents indispensables. Dans cette catégorie, l’on peut loger Paul Kagamé et toutes proportions gardées, des présidents comme Téodoro Obiang Nguéma Mbasogo et Paul Biya pour ne citer que ceux-là. Dans l’un et l’autre cas, les assoiffés du pouvoir ne quittent jamais volontairement les affaires. Même quand ils sont diminués par la maladie ou encore la sénilité, ils ne s’imaginent jamais une autre vie en dehors du pouvoir. Ce fut les cas de Bourguiba en Tunisie et de Boutef en Algérie. Pour cette race de dirigeants, seuls la mort et les putschs peuvent les contrarier. Mais parmi les assoiffés de pouvoir, ceux qui risquent d’être gênés aux entournures par le départ volontaire d’Angela Merkel, sont les dictateurs qui brandissent le cas de cette dernière pour étayer leur thèse favorite selon laquelle, la démocratie n’est pas incompatible avec la longévité au pouvoir.
Angela Merkel a porté aussi l’Afrique dans son cœur
Mieux, ces présidents ne manquent jamais l’occasion d’exhiber la Constitution allemande, notamment sa disposition qui a permis à dame Merkel d’être chancelière depuis 2005, pour démontrer que la limitation des mandats est contre-indiquée en démocratie. Et de renchérir que le cas allemand est là, pour persuader ceux qui en doutaient encore. De ce point de vue, on peut dire que le départ de Merkel du pouvoir alors qu’elle avait encore la possibilité de rempiler pour un cinquième mandat, ôte aux assoiffés du pouvoir qui peuplent nos tropiques, un argument pour davantage s’accrocher à leur fauteuil. Un président comme Denis Sassou N’guesso, n’avait pas craint d’évoquer, en effet, le cas de la chancelière allemande pour justifier ses énièmes mandats. Mais à l’analyse, on peut se rendre compte que ces arguments sont spécieux. D’abord, ces assoiffés du pouvoir feignent d’oublier que même en Allemagne, les mandats du président sont limités à deux. Ensuite, le régime allemand est un régime parlementaire. De ce fait, c’est le Bundestag qui élit le chancelier. Enfin, ce qu’ils oublient de mentionner et cela à dessein, c’est que l’Allemagne a plus de 60 ans de construction démocratique derrière elle si fait que le peuple allemand ne peut pas s’accommoder d’un dictateur assoiffé du pouvoir. Et cette posture dure depuis que la page nazie a été refermée. Comparaison n’est donc pas raison. Cela dit, Angela Merkel, en plus d’avoir rendu de grands services à son pays, a porté aussi l’Afrique dans son cœur. En effet, l’arrivée de plus de 900 000 migrants syriens en Allemagne en 2005, l’a conduite à proposer une nouvelle politique africaine pour lutter contre les causes de l’émigration. Ensuite, dans le cadre du G20, elle a initié un plan Marshall pour l’Afrique. En outre, Merkel a permis aux forces armées de son pays, d’être présentes au Mali aux côtés des autres pays européens pour traquer les terroristes. Enfin, Angel Merkel a eu le courage de reconnaître le génocide des peules Hereros en Namas dans l’actuelle Namibie, par l’empire allemand. Pour toutes ces raisons, on peut dire que Angela Merkel est entrée dans l’histoire de son pays par la grande porte.
« Le Pays »