HomeA la uneDIALOGUE NATIONAL AU TCHAD : L’éternel recommencement ?  

DIALOGUE NATIONAL AU TCHAD : L’éternel recommencement ?  


Ouvert le 20 août dernier, le dialogue national inclusif souverain, censé durer trois semaines, a du mal à enchaîner les séances et de la peine à entrer dans le vif du sujet au Tchad. En effet, quand ce ne sont pas des difficultés organisationnelles qui retardent les travaux, ce sont des acteurs majeurs de la scène politique qui rechignent à s’asseoir sous l’arbre à palabres. Sont de ceux là, le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), du nom de ce mouvement rebelle non signataire de l’accord de Doha, qui répond aux abonnés absents. Il en va de même pour Wakit Tamma, une coalition de partis politiques et d’organisations de la société civile, qui est dans le boycott et qui posait certains préalables, au nombre desquels l’engagement ferme et irrévocable du président de la transition, à ne pas se porter candidat à la prochaine présidentielle censée marquer le retour du pays à l’ordre constitutionnel. C’est dire si pour ce dialogue qui se voulait pourtant celui de l’espoir, les obstacles ne manquent pas. Et l’on se demande si la participation des autres composantes, suffira, à elle seule, à tracer les sillons de la réconciliation et à tirer le pays de l’engrenage des pouvoirs militaires qui répondent à la loi du plus fort, pour l’arrimer résolument à la démocratie.

 

Plus  qu’une opportunité, ce dialogue national inclusif est une chance qui s’offre aux Tchadiens

 

C’est le défi majeur qui se présente aujourd’hui au Tchad qui n’est pas à son premier dialogue et qui a besoin de sortir du cercle vicieux de l’éternel recommencement. Autant dire que plus qu’une opportunité, ce dialogue national inclusif est une chance qui s’offre aux Tchadiens, de solder les comptes du passé pour prendre un nouveau départ. Sauront-ils la saisir ? L’histoire le dira.  En tout cas, le plus grand mal que l’on souhaite, c’est que les acteurs politiques se mettent à la hauteur de l’histoire, pour ne pas répéter les erreurs du passé. A l’image de la Conférence nationale souveraine de 1993, dont les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs au point que les Tchadiens se voient obligés, 29 ans plus tard, de remettre le couvert d’un autre dialogue national qui se veut aussi souverain et inclusif. Mais pour quels résultats quand la méfiance et la suspicion semblent  l’emporter sur la bonne foi et la sincérité chez certains acteurs ? A commencer par les frondeurs qui refusent de s’asseoir autour de la table du dialogue sans certains préalables. Il y a ensuite l’attitude du  président de la transition qui continue d’entretenir le flou sur ses intentions, après avoir pourtant donné des gages de rendre le pouvoir aux civils au terme des dix-huit mois de transition et s’être engagé, au début de la transition, à ne pas se présenter aux futures élections. Pourquoi  alors autant de difficultés à  clarifier une situation qui aurait autant d’avantage que de mérite de mettre ses compatriotes en confiance, s’il n’y a pas anguille sous roche ? De là à penser que la souveraineté conférée à ce dialogue national inclusif n’est pas innocent, il y a un pas que certains, qui demandent aujourd’hui encore des garanties, ont vite fait de franchir.

 

 

Si Déby fils est animé d’autres intentions, il est à craindre qu’il ne finisse par se faire prendre à son propre piège

 

Comment peut-il en être autrement quand la désignation même des délégués participants, est aussi sujette à caution ? Certains, à l’image de l’opposant Succès Masra, estimant que « 90% des membres sont proches de la junte ». Dès lors, l’on peut comprendre leurs réticences qui pourraient répondre de la logique de ne pas se laisser prendre dans l’entourloupe d’un dialogue dit inclusif et souverain, qui remettrait les dirigeants de la transition dans le jeu électoral. C’est dire si Déby fils a l’occasion d’entrer dans l’histoire de son pays par la grande porte, si son objectif, à travers ce dialogue national, est d’arrimer, au terme de la transition,  son pays à la démocratie sans chercher à jouer ensuite les premiers rôles. En cela, il marcherait dans les pas du colonel nigérien, Salou Djibo, qui a mis fin, en 2010, aux velléités monarchistes du président Mamadou Tandja, l’homme du Tazarché. Et qui a remis le pouvoir aux civils un an plus tard, avant de se retirer dans la plus grande dignité. Le Tchad et toute la communauté internationale lui en seraient grandement reconnaissants. Mais si le président de la transition tchadienne est animé d’autres intentions, il est à craindre qu’il ne finisse par se faire prendre à son propre piège. Et que la montagne d’espoirs de ce dialogue, n’accouche d’une minuscule souris de conclusions qui ne feront pas bouger les lignes de la réconciliation, pas plus qu’elles ne feront progresser le Tchad dans le sens de la démocratie. Il ne reste plus qu’à toucher du bois pour que les difficultés à l’allumage de ce dialogue national, ne soient pas prémonitoires d’immenses désillusions. Car, c’est seulement quatre jours après l’ouverture officielle du dialogue, que les participants ont pu véritablement s’asseoir autour de la table pour engager les discussions.

 

 « Le Pays »


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