DIXIEME ANNIVERSAIRE DE LA MORT DU PRESIDENT KADHAFI
20 octobre 2011 – 20 octobre 2021. Cela fait dix ans, jour pour jour, que le guide de la Jamahiriya arabe libyenne, le colonel Mouammar Kadhafi, a trouvé la mort dans des circonstances dont bien des contours restent encore à éclaircir. Une mort qui ne mettra pas fin à la guerre civile déclenchée quelques mois plus tôt à l’Est frondeur, à la faveur d’une insurrection armée conduite par le Conseil national de transition (CNT) qui progressera de Bengazi à Tripoli la capitale, où elle s’installera au pouvoir laissé vacant par un Kadhafi en fuite. Mais refusant toute idée de reddition, l’ex-chef de l’Etat continuait d’appeler ses troupes au combat, avant d’être capturé, désarmé puis tué dans sa région d’origine de Syrte qui était le dernier bastion de résistance de ses partisans. Mais la mort de Mouammar Kadhafi est loin d’être la conséquence d’une simple guerre fratricide entre Libyens. Et aujourd’hui, la conviction de plus d’un Africain est faite que la France porte une lourde responsabilité dans le chaos libyen et ses répercussions dans le Sahel aujourd’hui plus que jamais en proie au terrorisme, pour avoir impulsé l’intervention militaire occidentale qui a abouti à la chute puis à l’assassinat de Mouammar Kadhafi dans les conditions troubles que l’on sait.
Dix ans après la mort du Guide, la Libye est toujours à la recherche de la stabilité
Au demeurant, certains développements survenus bien plus tard, tendent à parler contre l’ex-président français, Nicolas Sarkozy, aujourd’hui dans le collimateur de la Justice, dans la mort de celui qui paraît comme son ancien bienfaiteur dans le financement de sa campagne en 2012. En tout état de cause, il est quasiment certain que l’histoire aurait certainement été autre si Paris, Washington et Londres n’avaient pas joué un rôle prépondérant dans le dénouement de cette guerre entre frères ennemis libyens, par l’appui conséquent porté aux rebelles du CNT à travers l’engagement des forces de l’OTAN dont les bombardements ont fortement influé sur le cours de la guerre. Dix ans après la disparition de Mouammar Kadhafi, le mystère plane toujours sur les circonstances exactes de sa mort. Ce qui suscite beaucoup d’interrogations. Notamment celle de savoir si certains, parmi les acteurs majeurs de cette intervention, n’avaient pas intérêt à voir Khadafi mort plutôt que vivant. Aujourd’hui encore, la question se pose avec d’autant plus acuité que dix ans après la mort du Guide, la Libye est toujours à la recherche de la stabilité. Voguant entre espoirs d’un retour à la normale à travers des élections qui n’en finissent pas de se faire désirer et craintes de voir ces espoirs se réduire finalement en chimères tant l’échéance de la fin de cette année 2021 annoncée pour la tenue de ces élections censées ramener le pays à l’ordre constitutionnel normal, est encore pleine d’incertitudes. Pendant ce temps, la Libye continue de faire face à ses propres démons : ceux de la division et de l’impossible réconciliation entre leaders politiques et militaires pour donner une chance au pays de repartir du bon pied.
Le bout du tunnel pour la Libye paraît à la fois si proche et si lointain
Est de ceux-là, le Maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est, qui continue de tenir jalousement et d’une poigne de fer, son bastion pendant que le gouvernement de Tripoli, reconnu par la communauté internationale et conduit par le nouveau Premier ministre Abdel Hamid Dbeibah, élu en février dernier pour succéder à Fayez-al-Sarraj, peine à asseoir véritablement son autorité sur l’ensemble du territoire. C’est dire si le plus grand défi qui se pose aujourd’hui aux Libyens, est de trouver les ressorts nécessaires pour sortir de cette situation de guerre permanente, leur pays qui est devenu le terrain de rivalités des grandes puissances aux intérêts antagoniques et fortement divergents. Cela est une condition sine qua non à la tenue d’élections véritablement crédibles, inclusives et multipartites. Ce qui n’est pas gagné d’avance dans un pays où la multiplicité des groupes armés reste encore largement rédhibitoire au retour d’un Etat central véritablement fort, sachant l’hostilité affichée des islamistes à la tenue d’élections qu’ils ont de fortes chances de ne pas reconnaître. Dans ces conditions, à quoi servirait un casting des candidats à une élection qui s’annonce plus que jamais comme une arlésienne ? C’est dire si le bout du tunnel pour la Libye paraît à la fois si proche avec ces élections annoncées pour la fin de l’année et si lointain avec les incertitudes qui ne mettent pas le pays à l’abri d’un éventuel nouveau report de la présidentielle. Encore que, dans les conditions actuelles, tout porte à croire que des élections ne règleront pas tout le problème, si les compatriotes du défunt président ne mettent pas du cœur à cultiver entre eux le pardon et la paix en affichant une réelle volonté de tourner la page pour permettre à leur pays de prendre un nouveau départ. A moins que d’ici là, les Libyens ne fassent mentir tous ces pronostics qui aiguisent le pessimisme des uns, à quelque deux mois d’un scrutin dont les contours ont encore du mal à se dessiner de façon bien lisible.
« Le Pays »