DOLEANCES DES TRAVAILLEURS DU BURKINA A L’OCCASION DU 1ER MAI 2024 : Le pouvoir se montrera-t-il réceptif ?
Traditionnellement, à l’occasion de la commémoration de la Journée internationale du travail, le 1er-Mai, les organisations des travailleurs au Burkina Faso, réunies au sein de leur faitière, l’Unité d’action syndicale (UAS), en plus des différentes manifs qu’elles organisent sur l’ensemble du territoire national, remettent au gouvernement leur cahier de doléances. Cette année, les syndicats n’ont pas voulu déroger à cette règle à Ouagadougou où il était prévu une marche pour remettre au ministre d’Etat en charge de la fonction publique et du travail, leur plateforme revendicative. La manif n’a cependant pas été autorisée par les tenants du pouvoir en raison, sans doute, du contexte national caractérisé par la crise sécuritaire. Mais au-delà de cette raison officielle, l’on sait que les rapports entre le gouvernement de la transition et certaines organisations syndicales sont très tendus. A preuve, le Secrétaire général de la Confédération générale du travail au Burkina Faso (CGTB), Moussa Diallo, a été radié des effectifs de la Fonction publique par le dernier Conseil des ministres, pour abandon de poste alors que l’interessé qui aurait échappé de justesse à un enlèvement, était contraint à la clandestinité.
Le 1er-Mai a créé les conditions d’un dialogue de sourds
C’est, sans doute, ce climat de terreur que les syndicats et certaines organisations de la société civile ont décrié à travers diverses publications et conférences que la manif devrait, à nouveau, dénoncer. Toute chose qui n’a pas été du goût du pouvoir accusé d’être à l’origine de purges contre ceux qui se montrent critiques vis-à-vis de la gouvernance du capitaine Ibrahim Traoré. Mais au-delà de cette situation très délétère en termes de respect des libertés individuelles et collectives, le cahier de doléances comporte des revendications visant à améliorer le pouvoir d’achat des travailleurs et partant les conditions de vie des ménages dans un contexte national et international caractérisé par la vie chère. L’on sait, en effet, que la conjoncture mondiale caractérisée par la guerre en Ukraine, a pour effet d’entrainer la flambée des prix de certains produits de grande consommation. Cette situation est aggravée au niveau national par la grave crise sécuritaire et humanitaire sans précédent que traverse le Burkina Faso. En effet, la crise a eu pour effet d’interrompre la production agricole et sylvo-pastorale en raison du fait que les paysans ont été contraints très souvent d’abandonner les terres agricoles et tous leurs moyens de production pour se réfugier dans les grands centres urbains où ils vivent de l’assistance humanitaire. L’insécurité a aussi perturbé les circuits de desserte et d’approvisionnement dans de nombreuses régions du pays. A cela, il faut ajouter la forte pression fiscale exercée sur les travailleurs et les entreprises aux fins de mobiliser les ressources nécessaires pour conduire la guerre de libération engagée contre les groupes armés terroristes qui avaient mis sous coupe réglée des pans entiers du territoire.
Chacun devrait mettre de l’eau dans son vin
Le contexte économique national difficile s’est, sans nul doute, aussi détérioré par les relations tendues entre le Burkina Faso et certains pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avec des répercussions inévitables sur la circulation des biens et des marchandises. C’est dans ce contexte très difficile que l’Exécutif appelle encore les travailleurs à serrer la ceinture. Une chose plus facile à dire qu’à faire dans la mesure où, comme le dit le proverbe, « ventre affamé n’a point d’oreilles ». En un mot, le 1er-Mai, pour cette année, a créé les conditions d’un dialogue de sourds. Cela dit, il serait bien dommage que les deux parties ne saisissent pas l’occasion pour renouer le fil du dialogue. Faut-il le rappeler, gouvernement et syndicats ne sont pas des adversaires mais des partenaires. Pour preuve, les syndicats sont à l’origine de nombreux progrès dans le pays. L’on pourrait, à titre d’exemple, citer le rôle actif que les organisations syndicales ont joué dans l’amélioration de la gouvernance politique et économique. Il est donc impératif que les deux partenaires se parlent dans la mesure où toute dégradation du climat social, pourrait fragiliser l’unité nationale pourtant indispensable à la poursuite de la guerre contre les groupes armés terroristes. Cela dit, chacun devrait, au nom de l’intérêt supérieur de la nation, mettre de l’eau dans son vin et savoir raison garder. Et c’est dans ce sens qu’il faut déjà saluer les efforts consentis par les travailleurs pour soutenir l’effort de guerre à travers le prélèvement à la source de 1% du traitement salarial et de 25% sur les primes et autres indemnités. Dans la même dynamique, l’on peut saluer les efforts faits par le gouvernement pour résoudre certains problèmes des travailleurs à travers certaines mesures fortes comme le relèvement du SMIG et l’apurement de la dette sociale. Les sacrifices consentis de part et d’autres doivent donc se poursuivre. Mais il appartient surtout au gouvernement de ne pas trop tirer sur la corde.
« Le Pays »