EVENTUELLE INTERVENTION MILITAIRE DE LA CEDEAO AU NIGER : Un sabre… à double tranchant
Dans le cadre de l’opérationnalisation de l’option militaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour déloger, le cas échéant, les tombeurs du président Mohamed Bazoum du palais présidentiel de Niamey, les chefs d’état-major des pays de la CEDEAO, tiennent, depuis le 17 août, un conclave de deux jours pour sortir de leur laboratoire, les meilleures options de la stratégie d’intervention et du plan d’action en cours de finalisation. Prend aussi part à cette réunion des patrons des armées de l’organisation sous-régionale, le commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de la CEDEAO, le Ghanéen Abdel Fatau Moussa qui était déjà présent à la réunion qui a dessiné les contours de la force en attente dont le contingent pour l’expédition punitive de Niamey, tirera, à en croire certaines sources, l’essentiel de ses effectifs de pays contributeurs comme le Sénégal, le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Nigeria. C’est dire toute la détermination de la CEDEAO à se faire respecter dans le bras de fer qui l’oppose à la junte au Niger, quitte à mettre à exécution ses menaces d’intervention militaire si les auteurs du coup d’Etat du 26 juillet dernier, ne se plient pas à ses injonctions de rétablir le président déchu, dans ses fonctions.
La CEDEAO joue gros dans le dossier nigérien
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les couteaux semblent tirés entre les deux parties qui peinent à nouer le dialogue pour donner une chance à la diplomatie. Et l’on peut comprendre la position de la CEDEAO qui, au-delà de sa réputation, joue sa crédibilité si ce n’est sa survie dans sa volonté de jouer les gendarmes de la démocratie dans son espace géographique. Mais dans le cas d’espèce, plus qu’un couteau, l’intervention militaire envisagée pour réinstaller le président Mohamed Bazoum dans son fauteuil, paraît pour le moins un sabre… à double tranchant. Pour cause. Au-delà de toutes considérations politiques, si la CEDEAO réussit à jouer avec succès les Rambo à Niamey, il ne fait pas de doute qu’elle sortira plus que jamais renforcée dans sa volonté de sonner le glas des coups d’Etat dans l’espace communautaire. Mais si elle échoue à réinstaller par la force du canon, Mohamed Bazoum dans son fauteuil, elle pourrait non seulement creuser le tombeau de son autorité, mais aussi ouvrir grandement la porte à tous les apprentis-putschistes encore tapis dans l’ombre et qui n’attendent qu’une occasion favorable pour passer à l’action, avec l’assurance d’une quasi- impunité. C’est dire si la CEDEAO joue gros dans le dossier nigérien qui peut sonner le cor de sa réhabilitation comme il peut la conduire dans un bourbier de sables mouvants derrière des dunes de sable. D’autant que plus le temps passe, plus des voix et pas des moindres s’élèvent de plus en plus en faveur d’une solution diplomatique, quand elles n’affichent pas clairement leur opposition à l’option militaire envisagée.
L’urgence de la situation sécuritaire devrait davantage préoccuper les protagonistes
Même au sein des partenaires occidentaux de la CEDEAO, l’unanimité est loin d’être faite sur l’option militaire qu’un pays comme l’ancienne puissance coloniale, par exemple, la France, se dit prête à soutenir, pendant que d’autres, à l’instar des Etats-Unis, l’Allemagne ou encore l’Italie, privilégient la voie du dialogue avec les putschistes. Il n’en va pas autrement au sein de la CEDEAO elle-même qui reste fortement divisée, au regard de la désolidarisation de certains pays membres comme le Togo, le Cap-Vert ou en encore la Sierra Leone, par rapport à l’option militaire. De quoi fragiliser la position de la CEDEAO contre laquelle ne sont pas loin de jouer aussi le temps et l’opinion. Qu’à cela ne tienne ! Tant qu’il n’y a pas de contre-ordre, tout porte à croire que les experts militaires de la CEDEAO s’évertueront à appréhender le problème sous tous ses angles, à l’effet de proposer aux chefs d’Etat de l’institution communautaire, la meilleure formule. En tout état de cause, que ce soit par la voie diplomatique ou l’option militaire, il urge de trouver rapidement une solution à cette crise nigérienne au risque de la voir s’enliser. D’autant que pendant que les gens se battent pour le pouvoir à Niamey, les terroristes, eux, continuent de semer la mort et la désolation au sein de populations sans défense. C’est ainsi que des sources sécuritaires font état d’une dizaine d’attaques en l’espace de trois semaines depuis le coup d’Etat, avec à la clé une cinquantaine de morts laissés sur le carreau. C’est dire toute l’urgence de la situation sécuritaire qui devrait davantage préoccuper les protagonistes. Aussi bien les tombeurs de Mohamed Bazoum qui ont justifié, entre autres, leur coup de force par l’argument sécuritaire, mais aussi la CEDEAO qui n’a pas toujours montré la même promptitude à vouloir réinstaller un président déchu dans son fauteuil, qu’à voler au secours de populations victimes du terrorisme. En attendant, l’heure semble aux préparatifs de la guerre à Accra et l’organisation sous-régionale n’est pas loin de jouer à quitte ou double. Car, si le raid de ses troupes sur Niamey devait avoir lieu, la CEDEAO n’aurait pas d’autre choix que de faire un boulot le plus clean possible, ou…disparaître.
« Le Pays »