GAMBIE : Les journalistes, mauvaise conscience de Yaya Jammeh
Pour la deuxième fois consécutive, le directeur de la radio privée, Teranga FM, à Banjul en Gambie, Alagie Sisay, est dans le collimateur de Yaya Jammeh. Porté disparu depuis deux semaines dans des conditions mystérieuses, il a été enlevé par des hommes non identifiés dans la nuit du 17 juillet dernier. Selon Amnesty International, il serait interné sans inculpation au siège de la NIA, l’agence nationale de renseignements qui agit comme la GESTAPO hitlérienne. Il est coupé de tout contact avec sa famille et son avocat. Le cas Alagie Sisay est symptomatique de la répression féroce que le roi ubuesque de la Gambie exerce sur la presse, critique à l’égard de sa gouvernance. Pourquoi ce trop-plein d’adversité du maître de Banjul vis-à-vis des hommes de médias ?, Pourrait-on se demander !
L’évidente raison est que Yaya Jammeh est un dictateur et comme tel, il abhorre la critique et la contestation. Dans la taxonomie des dictateurs du continent, Yaya Jammeh appartient à la catégorie la plus dangereuse, en raison de l’occultisme qu’il cultive et de la stratégie de la terreur qu’il a érigée en mode de gouvernance politique. Fermé à tout débat politique, il a mis sous coupe réglée tout son pays par la dictature la plus féroce en Afrique de l’Ouest, confisquant à son profit le pouvoir de la presse, contrainte à un simple rôle de « laudation ».
L’autre raison est que ce lugubre individu a un passé obscur et toute investigation dans cette ténébreuse arcane de l’histoire, pourrait nuire au culte de la personnalité qu’il s’est bâti. Se hissant au rang des dieux avec le mythe de son invulnérabilité, l’homme s’est forgé une stature de héros sur les rives de la Gambie. Cette mythomanie confine souvent à une paranoïa alimentée par la psychose de l’enfermement qui lui fait apercevoir des ennemis mortels partout, même dans le plus petit des journalistes. Et le fait qu’il déteste les journalistes qui lui renvoient un pâle reflet de son image, prouve qu’il est conscient de ses propres turpitudes. Ces journalistes, en réalité, constituent sa mauvaise conscience.
Mais qui pour arrêter ce féroce prédateur de la liberté de la presse et des droits humains ?
Le peuple gambien semble résigné
L’Union africaine (UA), syndicat des chefs d’Etats à forte ossature de dictateurs, n’en a cure et se complaît dans sa léthargie, quand elle n’accompagne pas tout simplement les dictatures. Quand survient un coup d’Etat, elle monte sur ses grands chevaux, mais quand un dictateur de la trempe de Jammeh torpille les droits humains, elle se claquemure dans une tour de silence. Le Sénégal, son grand voisin, évite au maximum d’égratigner ce chamane d’une autre époque, en raison de la question casamançaise. Quant aux occidentaux, ils n’ont d’yeux que pour leurs intérêts. En effet, la Gambie a une façade maritime avec de faibles droits d’importation et des procédures administratives minimales. Elle est aussi la plateforme de tous les trafics et constitue une enclave qui sert de couverture à tous les commerces illicites et blanchiments de capitaux sales de l’Occident, sans oublier qu’elle est riche en diamants et dispose de puissants atouts touristiques. Dans une Afrique tourmentée par la montée du péril djihadiste, les plages gambiennes constituent des ilots de sécurité pour les Occidentaux avides d’exotisme.
Le peuple gambien, orphelin, par dépit ou par peur de la terreur d’Etat prégnante, semble résigné face aux bouffonneries de cet homme qui est un tragique accident de l’histoire. Face à un tel tableau, la Gambie ne peut être vue que comme une impasse tout aussi tragique et une ironie de l’histoire. C’est ce pays qui abrite la Cour africaine de Justice.
Face à cette tragédie, il ne reste plus qu’à compter sur la magnanimité divine qui, seule, peut, par le biais d’un coup d’Etat, mettre fin aux errements de ce satrape qui légitime amplement le retour des putschs.
SAHO