INSTALLATION DE LA 15e LEGISLATURE AU SENEGAL : La rupture sera-t-elle au rendez-vous ?
Le 2 décembre 2024, était jour d’installation des députés de la 15ème législature au Sénégal. Une cérémonie solennelle qui marque l’ouverture officielle de la première session ordinaire du nouveau parlement, aux termes du décret présidentiel signé quelques jours plus tôt par le président Bassirou Diomaye Faye et fixant la date de ladite cérémonie. Et ce, au lendemain de la proclamation, par le Conseil constitutionnel, des résultats définitifs des législatives anticipées du 17 novembre dernier, qui ont confirmé la large victoire du parti au pouvoir dans un scrutin qui n’était pas gagné d’avance. Toujours est-il qu’avec 130 élus sur 165, le PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), est aujourd’hui la principale force politique au sein de l’Assemblée nationale où la coalition Takku Wallu Sénégal conduite par l’ancien président Macky Sall, ne compte que 16 députés, contre sept pour la coalition Jam Ak Njerign de l’ex-Premier ministre Amadou Ba. Quant à la formation du maire de Dakar, Barthélémy Dias, elle s’en sort avec trois députés. Autant dire qu’avec cette majorité écrasante, le président Bassirou Diomaye Faye a désormais les coudées franches pour dérouler son programme de gouvernement. Lequel a connu quelques cahotements à l’allumage, en raison des blocages presque systématiques de l’ancienne législature qui était essentiellement dominée par les partisans de l’ancien président Macky Sall.
La Représentation nationale n’est pas loin d’être une Assemblée monocolore
Toujours est-il qu’avec l’ouverture de cette session inaugurale qui a commencé par l’appel nominal des députés, suivi de l’élection du président de l’institution parlementaire et des membres du bureau, c’est une nouvelle page de gouvernance qui s’ouvre au Sénégal. La question qui se pose désormais est de savoir si la rupture prônée par les nouveaux dirigeants du pays, sera au rendez-vous jusqu’au sein de l’hémicycle. La question est d’autant plus importante que les nouveaux arrivants au pouvoir, ont promis de gouverner autrement. Eux qui ne manquaient pas de critiques à l’encontre de leurs devanciers, principalement l’ancien parlement accusé, à l’époque, à tort ou à raison, d’être à la solde de l’Exécutif. C’est pourquoi, avec la nouvelle configuration politique du pays marquée par la domination du PASTEF au parlement, on attend de voir si l’Assemblée nationale va systématiquement entériner les décisions du gouvernement, ou si les députés se montreront très regardants sur certaines décisions. Autrement dit, on attend de voir si, dans son fonctionnement, l’institution parlementaire se comportera en caisse de résonance de l’Exécutif dont les décisions y passeront alors comme une lettre à la poste, ou si, dans son contrôle de l’action du gouvernement, elle saura aussi prendre du recul. C’est tout l’intérêt et le défi de cette législature où avec 130 députés pour le parti au pouvoir sur 165, la Représentation nationale n’est pas loin d’être une Assemblée monocolore.
Revenir sur la loi d’amnistie votée par l’ex-président Macky Sall
Autant dire que si l’installation de ce parlement largement dominé par le parti au pouvoir, n’est pas une nouveauté au Sénégal, son fonctionnement apparaît comme un test grandeur nature pour le duo Faye-Sonko dans leur volonté de marquer la rupture dans la gouvernance. Et le parlement doit savoir aussi incarner cette rupture. Car, ce n’est pas tout ce qui vient de l’Exécutif qui est toujours favorablement accueilli par le peuple ou perçu comme allant dans le sens des intérêts de ce dernier. On en veut pour preuve le récent exemple du Kenya où le projet de budget 2024-2025 prévoyant des hausses de taxes et voté par le parlement kényan, a donné lieu à des violences meurtrières qui ont contraint plus tard le gouvernement à reculer. En tout état de cause, maintenant qu’il s’est donné les moyens d’opérer tranquillement ses réformes, le président Bassirou Diomaye Faye a cinq ans pour convaincre ses compatriotes de la justesse de son programme. Et c’est peu dire qu’il sera jugé à l’œuvre, tel un maçon au pied du mur. Pour le reste, on espère que le nouveau pouvoir ne fera pas dans la chasse aux sorcières ; tant il se susurre déjà qu’il compte revenir sur la loi d’amnistie votée par l’ex-président Macky Sall. Ce qui promet déjà des débats houleux à l’Assemblée nationale où il appartient à l’opposition parlementaire de se battre pour exister. Et ce, par la force de l’argument et non par l’argument de la force.
« Le Pays »