INVESTITURE ANNONCEE DE RAILA ODINGA : L’opposant file-t-il du mauvais coton ?
L’on croyait que le dernier épisode du feuilleton électoral kényan était la prestation de serment du président Uhuru Kenyatta déclaré vainqueur du scrutin à rebondissements qu’a connu le pays. Mais c’était sans compter avec la ténacité de son frère ennemi, Raïla Odinga qui, porté par une partie de sa base et de ses alliés politiques partisans de la ligne dure, menace d’organiser, le 30 janvier prochain, son investiture. La réaction d’en face ne s’est pas fait attendre. Le procureur général a été en effet on ne peut plus clair sur le sujet : si le chef de l’opposition est intronisé, il sera arrêté pour trahison et risquera la peine de mort. C’est donc dire que la crise est loin d’être derrière les Kényans. Mais l’on peut se demander si le challenger malheureux du chef de l’Etat kényan ne file pas du mauvais coton. En effet, dès lors que la Cour suprême a validé la victoire de Uhuru Kenyatta, celui-ci dispose désormais de la légalité constitutionnelle. C’est pourquoi l’on peut penser que son malheureux challenger, en s’entêtant malgré tout à vouloir organiser une prestation de serment, prend des libertés avec la loi et offre, de ce fait, des verges pour se faire fouetter. Le scénario n’est pas en tout cas inédit et n’est pas sans rappeler les cas malheureux au Gabon d’un certain André Mba Obame, qui s’était fait assigner à résidence, et de Jean Ping, cet autre président autoproclamé qui erre sans Etat ni peuple. Et puis, l’on peut par ailleurs douter du gain politique de cette attitude de l’opposant kényan qui frise la politique de l’autruche car, finalement, l’image qu’il laisse, est celle d’un mauvais perdant qui se bat pour une cause perdue d’avance. Sur qui, en effet, peut-il compter pour gouverner si ce n’est cette poignée d’irréductibles qui semblent prêts au suicide ?
Un éventuel réveil des vieux démons pourrait menacer la stabilité sous-régionale
Cela dit, l’on peut, quelque peu, comprendre la résistance de Raïla Odinga. Au-delà du ressentiment personnel d’être « roulé dans la farine » comme dirait l’autre, il lui est sans doute difficile de trahir la mémoire des nombreux martyrs tombés sur les champs de bataille. Il peut sans doute aussi surfer sur le sentiment de frustration d’une bonne partie des populations qui n’ont pas pris part au scrutin d’octobre et qui, par conséquent, ne se reconnaissent pas dans les nouvelles autorités du pays. Mais, faut-il pour autant appliquer à sa patrie la technique de la terre brûlée ? Tout laisse croire, en effet, que l’investiture annoncée a toutes les chances de mettre à nouveau le feu aux poudres. Selon le chercheur Nic Cheeseman, « si Raïla prête serment, on entrera dans une nouvelle spirale de la violence » avant de conclure que « l’opposition joue à un jeu dangereux ». L’on comprend alors pourquoi de nombreuses personnalités, diplomates, hommes d’affaires, religieux et syndicalistes, se sont donné la main pour tenter une médiation qui, jusque-là, est restée infructueuse. Il est temps que cette initiative soit soutenue par la communauté internationale, car un éventuel réveil des vieux démons qui sommeillent d’un œil dans les anfractuosités du rift africain, pourrait menacer la stabilité sous-régionale. En effet, nul n’ignore le rôle stratégique du pays dans les relations internationales dans l’Océan indien et son poids dans la lutte contre l’extrémisme violent des Shebabs dans la Corne Est de l’Afrique.
SAHO