LA NOUVELLE DU VENDREDI : Avoir une tête occidentale
Il y a quelques années, invité à un festival, je visitais une bibliothèque à Sikasso au Mali où quelques-uns de mes ouvrages étaient lus. Je feuilletais un document sur la symbolique des cheveux dans l’Égypte antique, lorsque l’un des responsables que je devais rencontrer, arriva. C’était un vieux professeur d’histoire à la retraite offrant son temps et son savoir à la commune. Me voyant avec le livre sous la main, il engagea une conversation après notre brève présentation :
– Dans la mythologie, à l’image de certains grands guerriers, prêtres, mages, prédicateurs ou guérisseurs, la puissance et la spiritualité sont fortement liées à la chevelure. Le port de cheveux était réservé à certains et interdit à d’autres dans l’échelle sociale. Pour la femme, elle était et constitue jusqu’à notre ère moderne un symbole de sexualité, de finesse et de séduction. D’où, pour beaucoup, le port de voile dans les lieux de prières ou de rites. Le culte de la chevelure dans la doctrine des rastas qui prend sa source en Ethiopie, est très profond. Je crois et j’espère que je ne me trompe pas que les cheveux d’un humain continuent parfois de pousser même après sa mort. Dans certains rites à l’ouest du Burkina et au Mali dans notre région, des femmes portent des cheveux d’ancêtres défunts suivant une certaine lignée. C’est vous dire que la chevelure, pour tout homme ou toute femme, a une certaine signification symbolique et spirituelle.
Pendant une heure, me montrant des chapitres d’un livre sur le sujet, le vieil homme me parla. Je finis par lui poser cette question :
– Papa, que pensez-vous de la femme africaine moderne et riche, croyante et porteuse de mèches pour le prestige dont elle ignore la provenance ?
L’homme resta silencieux un moment, il alla sur une étagère chercher un autre livre écrit récemment qui retrace la piste des mèches depuis l’Inde, l’Italie via l’Afrique.
– Ces cheveux dont l’élite, la nouvelle femme africaine, porte fièrement pour avoir une tête occidentale proviennent de sacrifice. De vrais sacrifices dans le sens propre du terme. Dans cette partie du monde, offrir sa chevelure aux dieux est la plus grande preuve de soumission et d’adoration. Dans un monde où l’argent domine sur la spiritualité, certains piétinent la morale et récupèrent ces déchets-sacrifices, les transforment et en font un paquet de fric sur la tête des Africaines. Je sais que ce n’est pas une chose rationnelle et vérifiable, mais porter les cheveux d’une autre personne dont on ignore le vécu et les antécédents, doit certainement avoir un impact sur la spiritualité. C’est la raison pour laquelle, certaines croyances interdisent purement et simplement le port des mèches. Mon fils, ce que je vais te dire n’engage que moi, je crois que la femme africaine n’a vraiment pas besoin de cet accoutrement occidental (mèches, perruques) pour afficher sa beauté et sa valeur. Nous avons nos tresses ou nos nattes naturelles à l’africaine. Une valeur et un patrimoine. Pourquoi alors vouloir copier l’autre, lui ressembler, l’autre qui ne voudra jamais vous ressembler ? Si un économiste faisait un rapport financier de ce que ces faux cheveux à l’occidentale coûtent à notre chère …
– Que pouvons-nous faire ? Lui ai-je demandé
– Comme le poisson qui pourrit toujours par la tête, le changement de mentalité doit venir de l’élite. Si dans les rencontres de haut niveau, les colloques, les séminaires, l’Africaine portait fièrement et sans complexe ses belles tresses ou ses belles nattes …
Ousseni Nikiema , 70 13 25 96
[email protected]
jeunedame seret
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Mes frères; belle remarque. Mais sachez que vous en avez aussi le remède; qui consiste non seulement à relater, mais à en moquer publiquement. Pour décourager élites et errantes dans leurs objectifs. Merci déjà pour cette expression ouverte en littérature.
30 novembre 2018