LANCEMENT AVORTE DE L’OPERATION DDR AU CONGO : A quand le retour du Pool dans la République ?
Prévu pour le 8 juin dernier, le lancement de l’opération de Démobilisation-Désarmement-Réinsertion (DDR) d’ex-combattants du Pool, n’a pu démarrer comme prévu, en fin de semaine dernière. Au nombre des raisons explicatives de ce rendez-vous manqué, les exigences de l’ancien chef rebelle, Frédéric Bintsamou alias Pasteur Ntoumi, qui veut voir clair dans sa propre situation. En effet, il exige des autorités de Brazzaville qu’elles lui déterminent un statut, en lui attribuant une fonction officielle. Une question hautement politique, qui mérite d’autant plus d’être traitée avec toute l’attention des autorités de Brazzaville qu’elle semble déjà affecter cette opération attendue depuis de longues années et censée tourner définitivement la page de la guerre civile qui a ravagé le pays entre 2016 et 2017, suite au soulèvement des rebelles du Pool contre Brazzaville. De négociations en négociations, les belligérants étaient parvenus à un accord de cessez-le-feu, avant d’en arriver à la cessation des hostilités.
Il faut espérer que le rendez-vous manqué du 8 juin dernier, n’est qu’un retard à l’allumage
A présent, le DDR est d’autant plus nécessaire qu’il se présente aujourd’hui comme le parachèvement d’une œuvre de rapprochement entre frères congolais qui ont accepté de fumer le calumet de la paix, et d’enterrer la hache d’une guerre qui traîne encore ses stigmates et dont les blessures peinent véritablement à se cicatriser. C’est pourquoi il faut espérer que le rendez-vous manqué du 8 juin dernier, n’est qu’un retard à l’allumage d’une opération qui, au-delà des 10 000 ex-combattants concernés par la démobilisation et le désarmement, concerne ces milliers de personnes affectées par le conflit et parmi lesquelles se comptent des déplacés internes qui seront tous réinsérés dans des projets de développement comme l’agriculture. C’est dire si les enjeux de ce processus de DDR sont immenses non seulement pour les populations concernées, mais aussi pour le gouvernement de Brazzaville qui a besoin de reprendre la main sur cette partie du pays qui n’est pas loin d’échapper à son contrôle et à son autorité, mais qui a besoin de signer son retour dans la République. Autrement dit, la région du Pool doit cesser de faire l’exception de l’insoumission à l’autorité de Brazzaville. C’est pourquoi, les revendications du Pasteur Ntoumi visant à assurer ses arrières, ont beau paraître maximalistes pour se payer une nouvelle vie si ce n’est pour se faire une place au soleil, tout porte à croire que Brazzaville a à gagner si les autorités congolaises parviennent à prendre le problème par le bon bout. Car, on imagine difficilement le leader du Conseil national des républicains (CNR) continuer à jouer les rebelles et à se terrer dans sa « forteresse inexpugnable » de la forêt du Pool, s’il est investi de fonctions officielles. Mais la question est de savoir si le gouvernement congolais fera droit aux revendications de l’ancien « délégué général chargé de la promotion des valeurs de paix et de la réparation des séquelles de guerre ».
Il faut encourager les parties dans la voie du dialogue
La question est d’autant plus fondée que l’on peut se demander si les couacs qui ont fait capoter le lancement de cette importante opération de DDR, ne sont pas symptomatiques de divergences dans la préparation de l’événement voire dans l’opérationnalisation du projet. Quoi qu’il en soit, il appartient aux Congolais d’accorder leurs violons de sorte à éviter que l’ancien chef des milices Ninja et sa suite continuent de constituer une épine dans la botte du pouvoir de Brazzaville. Autrement, si le DDR devait prendre du plomb dans l’aile, il y a à craindre un retour en arrière ou, à tout le moins, que cela ne marque un coup d’arrêt potentiellement préjudiciable à la continuation d’un processus qui avait pourtant suscité l’espoir avec la signature des accords de paix en décembre 2017. Toujours est-il qu’aujourd’hui, ce processus a besoin, de part et d’autre, de gages de bonne foi pour mieux se renforcer. Il y va de la paix au Congo, particulièrement dans cette région du Pool qui porte malheureusement encore les blessures de la guerre. En tout état de cause, le Congo n’a pas besoin de renouer avec le langage des armes. C’est pourquoi il faut encourager les parties dans la voie du dialogue qu’elles ont choisie, et à travailler à aplanir toutes les difficultés pour l’instauration d’une paix durable. Il faut surtout espérer que ce lancement avorté du DDR, ne contribuera pas à creuser davantage le fossé de la méfiance entre les protagonistes d’une crise qui n’a que trop duré, dans un pays où les défis du développement restent encore entiers.
« Le Pays »