MACRON ET LES HARKIS
« Aux combattants, je veux dire notre reconnaissance, nous n’oublierons pas. Je demande pardon, nous n’oublierons pas ». C’est par ces mots que le chef de l’Etat français, Emmanuel Macron, a battu, au nom de la France, sa coulpe face aux Harkis et à leurs descendants, estimant que le pays a manqué à ses devoirs envers eux. En rappel, les Harkis sont des supplétifs de l’armée française recrutés durant la guerre d’Algérie (1954-1962) pour lutter contre le Front de libération nationale (FLN). Leur nombre est estimé à environ 200 000. Aux lendemains des Accords d’Evian, le 18 mars 1962, consacrant la défaite française, le gouvernement français refuse leur rapatriement massif. Seuls 42 000 d’entre eux, accompagnés parfois de leurs femmes et enfants, ont pu rejoindre la France où ils ont transité par des camps dans des conditions indignes. 40 000 autres ont pu aussi rejoindre la métropole par des filières clandestines. Ceux qui sont restés en Algérie, considérés par le nouveau régime comme des traitres, ont subi de sanglantes représailles. La demande de pardon du président français est donc un véritable ouf de soulagement pour les nombreuses familles qui portent dans leurs mémoires, les souvenirs atroces des Harkis. Et cela est d’autant plus vrai que, par la même occasion, Emmanuel Macron a annoncé que le gouvernement « porterait avant la fin de l’année, un projet visant à inscrire dans le marbre de nos lois, la reconnaissance et la réparation à l’égard des Harkis ». L’on peut donc espérer qu’au-delà des mots, la repentance de l’Etat français aura un impact significatif sur les conditions de vie des descendants des Harkis qui ont éprouvé et continuent d’éprouver toutes les difficultés à s’insérer dans la société française.
L’armée américaine devrait tirer leçon du mea culpa de Macron pour gérer la situation de ses auxiliaires afghans
Au-delà du réconfort moral et matériel des familles directement concernées, c’est aussi certainement un pas de plus dans le dégel des relations franco-algériennes longtemps marquées du sceau de la défiance. Cela dit, Emmanuel Macron et l’ensemble de la nation française doivent savoir qu’un Harki peut en cacher bien d’autres. En effet, durant les deux guerres mondiales, des milliers d’Africains enrôlés de force dans les armées coloniales sous le sobriquet de « tirailleurs sénégalais », se sont battus, souvent au prix de leurs vies, pour la France. Eux et leurs descendants n’ont pas eu droit aux mêmes égards que les Harkis. Certains ont même payé de leur vie, l’ingratitude de la France au Camp de Thiaroye au Sénégal, le 1er Décembre 1944, pour avoir manifesté pour réclamer le versement de leur pécule. Plusieurs autres, après leur démobilisation, ont bu le calice de la misère jusqu’à la lie. Il est donc aussi temps que leur sort et celui de leurs ayants droit émeuvent la France et donnent aussi droit à des réparations. Mais il semble évident que sans une pression forte des Africains, le déclic ne viendra pas tout seul. On sait, en effet, que pour le cas des Harkis, des plaintes pour crimes contre l’humanité avaient été déposées contre la France et que la pré-campagne pour l’élection française a quelque peu contraint Emmanuel Macron à passer à l’action. Mais en attendant, pour éviter les regrets tardifs et les souffrances atroces endurées par les Harkis et leurs descendants, l’armée américaine qui se trouve dans les mêmes conditions en Afghanistan aujourd’hui que l’armée française en Algérie en 1962, devrait tirer leçon du mea culpa de Macron pour gérer la situation de ses auxiliaires afghans qui font déjà l’objet de chasse aux sorcières de la part des Talibans.
SAHO