NON-COMPARUTION DE KABILA DANS L’AFFAIRE CHEBEYA SUR FOND D’ARRESTATION DES ASSASSINS DE L’ABASSADEUR ITALIEN EN RDC :Les meurtriers peuvent toujours courir mais la vérité finira par les rattraper
Le suspense n’aura pas été de longue durée. C’est le moins que l’on puisse dire. En effet, siégeant au second degré dans le cadre du double assassinat, en 2010, des défenseurs des droits de l’Homme, Floribert Chebaya et Fidèle Bazana, la Haute Cour militaire qui devrait se prononcer sur la comparution ou non de l’ancien président de la République, Joseph Kabila, a purement et simplement rejeté la requête. Sans se donner la peine de donner de détails, le magistrat a justifié son verdict par son pouvoir discrétionnaire consacré par l’article 249 du Code judiciaire militaire. Du reste, estime-t-il, la requête introduite par les parties civiles qui exigeaient l’audition des personnes mises en cause par le colonel Paul Mwilanbwe condamné à la peine capitale et incarcéré dans le cadre de cette affaire, est mal formulée. Selon le prisonnier de N’dolo, en effet, le planificateur de l’odieux crime serait le général John Numbi qui, lui-même, prenait ses ordres à la présidence.
On peut désormais considérer que la messe est dite
Faisant de ces accusations leur cheval de bataille, une cinquantaine d’organisations de la société civile congolaise, sous la houlette de l’ONG « La Voix des sans voix », avait fortement espéré que le statut d’ancien président et de sénateur à vie de Kabila ne serait pas un obstacle à la comparution de l’ancien chef de l’Etat. Mais avec cette décision qui soustrait l’homme des fourches candines de la Justice, l’on peut désormais considérer que la messe est dite. Mais pouvait-il en être autrement ?
Assurément, non. Et pour cause. Il aurait fallu une forte dose de témérité au juge militaire pour aller pousser le portail massif du ranch où Kabila coule sa retraite dorée, surtout que l’on sait qu’à l’audition, du statut de témoin, l’ancien chef de l’Etat congolais pouvait changer de statut et devenir un accusé. Et qui dit d’ailleurs qu’il en aurait eu l’accès dans la mesure où certainement le locataire des lieux qui jouit du double titre d’ancien président et de sénateur à vie, a bien pris le soin de construire des remparts en béton pour se protéger ? Et puis, l’on imagine difficilement, malgré la brouille entre les deux hommes, comment le président Félix Tshisekedi aurait pu livrer en pâture celui qui l’a fait roi. Ce serait non seulement le summum de l’ingratitude, mais ce serait aussi un précédent dangereux car rien ne dit qu’il échapperait lui-même à un tel sort quand il viendrait à quitter le pouvoir.
Cela dit, il faut tout de même se féliciter du fait que cette requête, même mal formulée, ait troublé le sommeil des commanditaires de l’assassinat du défenseur des droits de l’Homme et de son compagnon d’infortune. L’on peut considérer que ce rendez-vous manqué est un avertissement sans frais pour ces criminels qui ne se sentiront jamais totalement à l’abri. L’on peut même se risquer à dire que ce n’est que partie remise dans la mesure où certainement, il en faudra bien plus pour décourager les OSC qui semblent décidées à n’observer aucune trêve tant que justice ne sera pas rendue à Floribert Chebaya et Fidèle Bazana. Et comme on le dit, quelle que soit la durée de la nuit, le soleil finit toujours par se lever. Tôt ou tard, les mis en cause devront répondre de leurs actes. Mais en entendant de se retrouver devant les tribunaux des hommes, les assassins des deux chevaliers des droits de l’Homme doivent subir le supplice du questionnement du tribunal de la conscience et certainement plus tard, de celui de Dieu. L’on peut d’ailleurs être fondé à nourrir de réels espoirs d’autant plus que sur d’autres dossiers qui intéressent la Justice en République démocratique du Congo (RDC), il y a de réelles avancées. C’est le cas de cette épineuse affaire de l’assassinat de l’ambassadeur italien, Luca Attanasio.
L’arrestation des assassins du diplomate italien, devrait sonner comme un avertissement pour tous ces marchands de la mort
En effet, les auteurs présumés de l’attaque dans laquelle a péri le diplomate, il y a un peu moins d’une année, ont été mis aux arrêts. Même si le meneur du gang est toujours en cavale, les informations recueillies auprès des six personnes arrêtées, font croire que la tragédie serait intervenue suite à un rapt qui a mal tourné. En attendant que les rets de la Justice tombent sur le fugitif, l’on peut déjà féliciter la police de la province du Nord-Kivu qui a traqué sans répit, les malfrats et qui a fini par être récompensée de ses efforts. Sans nul doute que leur exploit vaudra son pesant de consolation dans les cœurs encore meurtris des familles du diplomate et de ses compagnons d’infortune. Et c’est aussi sans doute l’Italie tout entière qui avait été émue par le sort tragique de son légat qui, de surcroît était en mission humanitaire, qui devrait s’en trouver soulagée. Mais ce succès contre les bandes armées parcourant sans discontinuer le territoire congolais et vivant de rapines, doit être considéré comme une victoire d’étape. En effet, il reste beaucoup à faire pour sécuriser l’Ouest de la RDC où les populations, harcelées par des individus armés sans foi ni loi, qui sèment quotidiennement la mort et la désolation, ne savent plus à quel saint se vouer. En attendant, l’arrestation des assassins du diplomate italien, devrait sonner comme un avertissement pour tous ces marchands de la mort : ils peuvent toujours courir mais viendra le jour où la cavale prendra fin.
« Le Pays »