NOUVELLE ANNEE : Nouveaux espoirs et craintes
Sur les robustes planches du Temps, les rideaux viennent de tomber sur 2018. Ce dernier cède ainsi sa place à 2019, parée de ses beaux et tout-nouveaux atours. A l’instar de ses ascendantes, tout comme de ses sœurs cadettes, l’année naissante viendra, à son tour, livrer sa part de spectacle tout à la fois horripilant et désopilant, heureux et malheureux, triste et joyeux, pour ensuite disparaitre à jamais derrière les collines brumeuses du Temps. Il faut espérer que lorsque viendra l’heure, pour 2019, de débarrasser à son tour, le plancher, les larmes de joie des humains et acteurs de la scène que nous sommes, auront largement noyé celles de la tristesse et de la tragédie. En attendant, bonjour 2019 ! Adieu 2018 marquée par ses ombres et lumières aux plans national et international. Que retenir de 2018 au Burkina Faso, cette infime portion de la planète, cuite et recuite par le soleil depuis Mathusalem ? Au chapitre de l’économie, force est de constater que l’embellie tant espérée, n’est toujours pas au rendez-vous. L’albatros peine à prendre son envol, tant ses ailes continuent d’être plombées par le poids d’une morosité économique qui s’apparente aujourd’hui à un fil à la patte dont le Burkina a du mal à se défaire. Tant et si bien que le pays dit des Hommes intègres, se voit contraint de réduire la voilure de ses ambitions en revoyant à la baisse ses prévisions budgétaires et, pour ainsi dire, de fonctionner en mode austérité, si l’on en juge par la loi de finances 2019, adoptée récemment par notre Représentation nationale. Qui plus est, cette loi de finances consacre la création de nouvelles taxes et le relèvement du taux de certains impôts. Toutes choses qui provoquent déjà des grincements de dents dans de larges secteurs de l’opinion nationale déjà éprouvée par un contexte de vie difficile voire intenable.
La météo sociale annonce un temps orageux
Vent debout contre cette avalanche de taxes et d’impôts annoncés, des acteurs syndicaux et de la société civile estiment qu’elle contribuera à pressurer encore plus le pauvre contribuable burkinabè qui verra son pouvoir d’achat davantage altéré. En tout état de cause, la météo sociale annonce un temps orageux pour les jours à venir, des partenaires sociaux ayant laissé entendre qu’ils descendraient dans la rue pour une fois encore faire entendre leur voix. Que nous réserve donc le front social pour l’année 2019 ? On croise les doigts. Gageons que les partenaires sociaux prendront la pleine mesure des limites à ne pas franchir, dans l’intérêt commun. Quant aux tenants du pouvoir actuel, ils devraient davantage travailler à incarner et à impulser une dynamique de gouvernance plus vertueuse. Mais également à se montrer plus pro-actifs, plus imaginatifs, plus ingénieux, plus fermes et plus justes dans leur quête permanente de promotion du bien-être social. En tout cas, nous avons la faiblesse de croire que ce pays n’a pas encore tout livré de ce qu’il recèle de potentiel inexploité ou sous-exploité. Ce pays doit rêver grand et faire de ce rêve, une réalité. Et pour cela, les autorités devraient méditer l’aphorisme suivant, et en faire leur vade-mecum : « Si vos rêves ne vous effraient pas, c’est qu’ils ne sont pas assez grands ». Rêve, ardeur au travail, discipline, sens aigu de l’ingéniosité ont incontestablement contribué à faire la grandeur des nations développées. Comparaison n’est pas raison, mais la République populaire de Chine avec laquelle le Burkina Faso semble avoir été bien inspiré, de rétablir, en 2018, ses relations diplomatiques, offre un bel exemple qui devrait nous donner à réfléchir. Fondée quelque 10 années seulement avant les indépendances de la plupart de nos Etats africains, cette République entamait sa politique de réforme et d’ouverture, il y a à peine quarante ans, en 1978 exactement. Aujourd’hui, le pays de Mao Zedong, fort craint de l’Etat le plus puissant du monde, se hisse au rang de deuxième puissance économique mondiale. Tout cela n’a pas été bâti ex-nihilo. En tout état de cause, dans un pays comme le Burkina où les chantiers du développement restent encore immenses et où « tout est prioritaire », nos gouvernants devraient constamment avoir à l’esprit, le bilan qu’ils lègueront à la postérité. En tout cas, à moins de deux années de la fin de son premier mandat, on ne peut pas dire que les Burkinabè soient particulièrement ravis et satisfaits de ce que « Roch la solution », aura apporté comme réponses à leurs aspirations profondes. Les résultats des sondages à l’échelle nationale, ne disent pas autre chose. Ces sondages exhalent un parfum de déception et même de craintes quant à l’avenir. Roch Marc Christian Kaboré devra donner des gages s’il veut se donner des chances de renouveler son bail au palais de Kosyam.
Assurément, le défi sécuritaire reste entier au Burkina
Il est vrai que la situation sécuritaire actuelle, a grandement contrarié les plans de l’Exécutif burkinabè. Et rien ne pointe à l’horizon, qui permette de croire que demain sera meilleur. Car, marquée par les expéditions criminelles et barbares des terroristes, 2018 s’achève, hélas, sur une symphonie dramatique, marquée par les larmes, le deuil et le doute. Nos Forces de défense et de sécurité continuent de payer de leur vie, leur croisade engagée contre la vermine terroriste, particulièrement à l’Est et au Nord et dans bien d’autres régions où l’état d’urgence vient d’être décrété, toujours en proie à la furie meurtrière de ces illuminés sanguinaires offensant avec impertinence et entêtement Allah. Assurément, le défi sécuritaire reste entier au Burkina, même s’il faut se féliciter de la décision de nos plus hautes autorités, de revoir à la hausse le budget alloué à la lutte contre le fléau terroriste. Cela ne règlera pas tout, certes. Mais c’est un pas supplémentaire dans la bonne direction.
Toujours est-il que 2019 se présente comme une année charnière, les élections générales de 2020 avançant à grands pas. Il serait désastreux pour l’image du Burkina et pour celle de « notre » démocratie, que des populations entières soient privées du droit de vote parce que les terroristes auront « marqué leur territoire ». Trop de larmes ont été versées. Trop de sang a coulé. Il faut arrêter cette folie meurtrière . Au chapitre judiciaire, 2018 aura été marquée par l’ouverture et le déroulement du procès du putsch manqué de septembre 2015. La responsabilité des uns et des autres sera-t-elle véritablement située dans cette affaire en vue de l’éclatement de la vérité ? Rien n’est moins sûr. La défaite étant, comme on dit, «orpheline », des mis en cause qui assument courageusement leurs actes, on n’en voit pas fréquemment dans le box alors que la faute aux lourdes conséquences humaines, psychologiques et sociales, est bel et bien là. Qui a fait quoi ? Chacun tente de se défausser, de se défendre et de se débiner. Il faut espérer, en tout cas, que ce procès ne sera pas celui de la grande désillusion et, in fine, de la déception parce qu’il n’aura pas servi la noble cause de la vérité pas plus qu’il n’aura ouvert la voie à la catharsis attendue de tous. En dehors de ce procès, il y a tous ces dossiers pendants, auxquels il faudra absolument donner suite dans l’intérêt du peuple burkinabè. Affaires Thomas Sankara, Dabo Boukary, celle du juge Nébié, le dossier de l’insurrection populaire, etc., pour tout cela, la soif de justice reste intacte. Une année nouvelle a éclos, suscitant des espoirs nouveaux et qu’il nous appartient à tous de rendre féconde. La foi du pèlerin chevillée au corps, avançons sans coup férir. La récompense est au bout de l’effort permanent.
Bonne année 2019 à toute la société adamique !
Cheick Beldh’or SIGUE, Directeur général, Directeur de publication des Editions « Le Pays »
Chevalier de l’Ordre national