OPERATION MILITAIRE RUSSE EN UKRAINE : Quelles répercussions sur l’Afrique ?
Après plusieurs semaines de menaces et de vives tensions avec l’Occident, le président russe, Vladimir Poutine, a finalement lancé, dans la nuit du 23 au 24 février, une opération militaire en Ukraine au motif de répondre à l’appel à l’aide des séparatistes de l’Est. « J’ai pris la décision d’une opération militaire spéciale », a déclaré, dans une allocution télévisée, le patron du Kremlin, peu avant l’entrée en action de l’aviation militaire russe qui a, dans la foulée, lancé des frappes contre plusieurs villes ukrainiennes où l’on signale déjà des morts. Dénonçant au passage la politique agressive de l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) à l’égard de la Russie dont l’Ukraine serait, selon lui, l’outil, le président russe a aussi adressé un message à ceux « qui tenteraient d’interférer avec nous […] ; ils doivent savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et conduira à des conséquences que vous n’avez encore jamais connues ». Un ton à la fois belliqueux et martial qui dit tout de la détermination de l’homme fort de Moscou dont on se demande s’il n’est pas encore nostalgique de la grande fédération de son pays.
La question est de savoir si le monde va s’engager militairement dans une guerre d’envergure
Ce que l’on craignait est donc arrivé, avec cette intervention militaire russe en Ukraine. Une attaque qui paraissait une ligne rouge à ne pas franchir pour les Occidentaux, avec à leur tête les Etats-Unis d’Amérique qui n’ont eu de cesse de multiplier, ces derniers temps, les mises en garde contre Moscou. Même les appels à la raison et autres suppliques du Secrétaire général de l’organisation des Nations unies, Antonio Gutterres, depuis le Conseil de sécurité de l’ONU où se tenait une réunion de crise, n’y ont rien fait. Maintenant que Poutine a franchi le Rubicon, la question est de savoir si le monde va s’engager militairement dans une guerre d’envergure. Ce, au moment où dans la plupart des capitales européennes, les condamnations et les sanctions se multiplient contre Moscou. Vu d’Afrique, cela paraît une guerre à la fois si lointaine, géographiquement, mais si proche en raison de l’impact qu’elle pourrait avoir sur le continent noir. Alors, quelles répercussions sur l’Afrique ? La question est d’autant plus fondée qu’il ne fait pas de doute que cette guerre en Ukraine, dans laquelle est impliqué l’Ours russe, aura de fortes répercussions sur le plan économique à l’échelle mondiale. Déjà, on annonce une hausse des prix du gaz, du pétrole et de certaines céréales comme le maïs et le blé dont la Russie est une grande pourvoyeuse. Pour des économies africaines déjà fortement éprouvées du fait de la pandémie du Covid-19 doublée de la crise sécuritaire liée à la question du terrorisme en pleine expansion en Afrique de l’Ouest notamment, une inflation des prix de ces produits d’importation ne pourrait que contribuer à les fragiliser davantage, avec le renchérissement du coût de la vie pour des populations déjà fortement éprouvées.
L’Afrique aurait tort de ne pas se sentir concernée par cette guerre qui se déroule à mille lieues de chez elle
Si l’on ajoute à cela la famine qui s’annonce avec fracas dans de nombreux pays africains en raison, entre autres, de la mauvaise pluviométrie liée aux changements climatiques par endroits, sans oublier les effets pervers de la crise sécuritaire au Sahel, par exemple, qui ont tenu de nombreux paysans éloignés de leurs champs respectifs, le prix à payer de cette guerre menée par Vladimir Poutine en Ukraine, pourrait être lourd de conséquences pour les Africains. Surtout si cette guerre devait s’étendre dans la durée. C’est dire si l’Afrique aurait tort de ne pas se sentir concernée par cette guerre qui se déroule à mille lieues de chez elle. Pour autant, peut-on s’attendre à entendre des voix officielles s’élever sur le continent noir, pour condamner Moscou, à l’instar de celles qui se font entendre de l’autre côté de l’océan ? Rien n’est moins sûr. Et pourtant, la situation devrait interroger. Surtout si dans la complexité de ces relations de tensions entre Kiev et Moscou, une partie de ce qui se joue en toile de fond, devait être lié au projet d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et à l’Union européenne (UE) que Moscou ne voit pas d’un bon œil. De ce point de vue, l’on peut se demander quel impact une telle incursion militaire de la Russie en Ukraine, pourrait avoir sur l’image d’un Poutine qui ne manque pas d’admirateurs sur le continent africain où de plus en plus d’opinions revendiquent la liberté, pour les pays africains, de choisir leurs partenaires. Ce en raison d’une volonté de rupture avec l’ordre ancien souvent soupçonné de néo colonialisme.
« Le Pays »