PRE-DIALOGUE TCHADIEN A DOHA : C’est la bonne foi qui manque le plus
Ouvert le 13 mars dernier à Doha au Qatar, le pré-dialogue tchadien suspendu pour 72 heures afin de permettre aux différentes parties prenantes d’aplanir quelques difficultés, devait reprendre hier, 16 mars dernier. Mais finalement, il a été ajourné pour 48 heures supplémentaires. En rappel, le principal point d’achoppement entre les parties prenantes à ce pré-dialogue, est lié à l’éviction du médiateur Goukouni Weddeye. Pour les représentants du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad, en effet, il était hors de question qu’ils se retrouvent « autour de la table avec le gouvernement tchadien, face à face, sans médiateur ». Mais cette difficulté a trouvé une solution avec la décision du Qatar qui tient à la poursuite des travaux, d’adjoindre à son rôle de simple facilitateur du dialogue, celui de médiateur. Le second point de désaccord était le nombre jugé pléthorique des participants au pré-dialogue. 59 groupes armés sont à Doha pour prendre part au pré-dialogue ; toute chose qui n’est pas du goût du FACT qui y lit une volonté des autorités tchadiennes de diluer la voix des principaux groupes armés dans les négociations.
Les difficultés procédurales montrent tout le climat de méfiance qui prévaut à Doha
Il avait été convenu, de ce fait, de réduire le nombre des représentants de chaque partie, à une dizaine de personnes en vue de faciliter les débats ; ce qui n’allait pas être sans difficultés au regard de la détermination de tous les politico-militaires à faire entendre leur voix. Cela dit, toutes ces difficultés qui ne sont que procédurales d’abord, montrent tout le climat de méfiance qui prévaut à Doha. Ces questions de forme dissimulent mal les montagnes de problèmes auxquels doivent s’attaquer les différents acteurs du dialogue tchadien dans l’objectif de les aplanir afin d’ouvrir la voie au dialogue national. Même si l’on dit que tous les sujets sans tabou, seront débattus, l’on imagine aisément que l’une des questions principales est la problématique de la paix durable dans ce pays dont l’histoire est écrite en lettres de sang sur fond de profonds clivages ethniques qui ont alimenté toutes les guerres civiles ayant secoué le pays. Et cette question de la paix est consubstantiellement liée à la problématique de la gouvernance du pays, qui ne manquera pas de s’inviter aux débats avec la probable candidature de Mahamat Idriss Déby, président de la Transition tchadienne, à sa propre succession avec pour conséquence immédiate, la perpétuation de la dynastie Deby au Tchad. On sait que l’homme est resté évasif sur la question, cachant mal son intention de rester au pouvoir et encouragé en cela par la France et les Occidentaux qui, pour la plupart, voient en lui la meilleure garantie de la préservation de leurs intérêts géostratégiques dans la bande sahélo-saharienne. Dans ces conditions, la question que l’on peut, en toute logique, se poser, est la suivante : quelles sont les chances de succès de ce pré-dialogue de Doha ? Il n’y a pas de place pour un optimisme béat face à la question, surtout que derrière les questions politiques, il y a des rancunes personnelles liées à la mort de l’ancien président Idriss Deby et des desseins personnels. Les seules lueurs d’espoir sont liées aux aspirations du peuple tchadien qui montre toute sa lassitude face à ce climat permanent de guerre.
On peut déjà se féliciter de la tenue de ce pré-dialogue qui permet aux Tchadiens de se parler dans un langage différent de celui des armes
Les médias se sont fait l’écho de ce désir ardent de paix en rapportant les attentes des populations tchadiennes vis-à-vis de la rencontre de Doha. « Je veux qu’ils déposent les armes ! Depuis les années 1960 jusqu’à aujourd’hui, on ne fait que parler seulement de la guerre et de la guerre. Les armes, ce n’est pas la solution», a laissé entendre un habitant de N’Djamena. Mais pour que cette aspiration à la paix passe du rêve à la réalité, il faut que le peuple tchadien se donne les moyens d’exercer la pression sur la classe politique qui a pris en otage sa vie dans l’étau de ses intérêts. Du reste, il y va de l’intérêt des parties prenantes d’aller dans le sens de la volonté populaire. Car, de toute évidence, le temps joue contre l’un ou l’autre camp. Du côté du pouvoir, la légitimité conférée à Mahamat Deby par la Transition, tire à sa fin tandis que du côté des groupes armés, une évolution positive de la situation en Libye, les priverait de base-arrière. Il est donc nécessaire pour les deux camps de trouver un accord cadre de principe, permettant dans les meilleurs délais, la tenue d’un dialogue national inclusif qui puisse offrir aux Tchadiens, pour la première fois de leur histoire, un ordre constitutionnel normal, gage de paix et de stabilité politique. En attendant, l’on peut déjà se féliciter de la tenue de ce pré-dialogue qui permet aux Tchadiens de se parler dans un langage différent de celui des armes. Cela traduit un certain assouplissement des positions qui n’a été possible que grâce au changement des hommes, toute chose qui, du même coup, montre aux Tchadiens, la voie à suivre vers la paix, celle de l’alternance.
« Le Pays »