PRESIDENTIELLE 2020
Demain 11 juillet 2020, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) tient son congrès extraordinaire à l’issue duquel son candidat à la présidentielle, Roch Marc Christian Kaboré, sera investi. A quelques jours de cet évènement, nous avons posé quelques questions à Clément Sawadogo, 1er vice-président du parti.
« Le Pays » : Où en êtes-vous avec le processus de sélection des candidats du MPP pour les prochaines législatives ?
Clément Sawadogo : Notre parti a déclenché le processus de réception des candidatures aux législatives sur la base des directives établies. Tout militant candidat à la candidature, a la latitude de remplir les formulaires qu’il peut acquérir en double exemplaire, au siège national. Un dossier complet sera déposé audit siège et le deuxième exemplaire, auprès de sa section provinciale. Ce processus se déroule très bien et le délai fixé est le 15 juillet 2020. Par contre, on ne peut pas encore parler du processus de sélection qui ne peut démarrer qu’à l’issue du délai de dépôt. Il est à noter que la phase de sélection connaîtra trois étapes : l’appréciation des candidatures par les collèges provinciaux, le traitement par un comité national chargé de l’examen des délibérations desdits collèges, et la dernière main par la direction nationale du parti.
Il se susurre par endroits qu’il y a des tensions entre militants ; qu’en est-il ?
A ce stade, il n’y a pas matière à « tension » puisqu’on n’est pas encore à la confrontation des candidatures. On n’est qu’à l’expression de la volonté individuelle. Mais il n’est pas faux de dire qu’on observe par endroits une atmosphère de rivalité ouverte ou larvée, se manifestant principalement par la course vers les personnes ressources considérées comme des pièces maîtresses. Qu’il y ait un climat de précampagne à quelque quatre mois de l’élection n’est que très normal !
Le MPP prépare son congrès extraordinaire à l’issue duquel le candidat du parti, Roch Marc Christian Kaboré, sera investi. Pensez-vous que vos militants iront à ce congrès l’esprit serein quand on connaît la situation difficile dans laquelle le pays est plongé depuis cinq ans ?
La situation difficile à laquelle vous faites allusion nous a été imposée par des ennemis de notre Nation, qui sont les terroristes et leurs complices éventuels. Le président Roch Kaboré a été contraint de consacrer une bonne partie de son temps et de ses énergies à organiser la riposte, et naturellement au détriment de la mise en œuvre de son programme. Aujourd’hui, nous constatons avec grand plaisir qu’en dépit de ce contexte plus qu’hostile, le programme présidentiel pour lequel il a été élu a pu être exécuté à près de 75%, à six mois de la fin de son mandat. Pourquoi donc les militants du MPP qui se retrouveront à ce congrès d’investiture seraient-ils dans un esprit de confusion ? Bien au contraire, et vous le verrez, ils sont fiers de leur président, de leur leader et le crieront haut et fort à la face du monde.
La question revient toujours. Il s’agit de cette candidature de Roch alors que le pays rencontre des difficultés !
Je ne vois aucune raison pour laquelle le président Roch Kaboré s’abstiendrait d’une nouvelle candidature. On ne peut pas lui imputer le climat d’insécurité du fait des terroristes sanguinaires, ni même la difficile gestion d’une situation qui va au-delà de nos frontières et concerne toute la sous-région depuis près d’une décennie. Qui que vous soyez au perchoir à ce moment précis, vous auriez eu affaire aux mêmes difficultés. Et plus, n’ayons pas la mémoire courte ! De quels moyens le président disposait-il pour faire face à cette situation quand on sait le niveau de déliquescence de notre armée, de nos Forces de défense et de sécurité (FDS) à son arrivée au pouvoir ? Et qui est responsable de cette faiblesse de notre système de défense ? Certainement pas le président Roch ! Il faut donc tenir compte de tout cela et faire une analyse objective et responsable de la situation. Bien au contraire, le président fut obligé de reconstruire tout notre appareil de défense, ce qui nous a coûté les yeux de la tête, au détriment de ses engagements aux plans économique et social. Mais votre question nous permet de dire que nous savons que certains de nos contempteurs espèrent pouvoir surfer sur la question sécuritaire pour ternir l’image de notre candidat. Nous les voyons venir, mais c’est mal connaître le peuple burkinabè qui est un peuple mûr et qui est très au parfum des tenants et des aboutissants de cette guerre injustement imposée à notre pays. En temps utile, nous leur répondrons.
Comment le parti au pouvoir compte-t-il aborder les prochaines élections et ce, après l’investiture de son candidat ?
Notre parti reste serein et concentré autour d’un timing méticuleusement arrêté depuis notre congrès tenu le 7 mars dernier, qui avait adopté la stratégie du parti pour ces élections. Notre solide organisation sur le terrain, le dynamisme de nos militants, la force de notre bilan et l’attractivité du nouveau programme pour le quinquennat seront, inch Allah, les éléments déterminants de notre victoire à ces élections.
Tout le monde ne se prépare pas pour les élections. La preuve est que certains réclament leur report. Qu’en pensez-vous ?
Ceux-ci ont tort parce que la conséquence inévitable d’un tel schéma est d’ajouter une crise à la crise. La mise en panne de la Constitution est en soi chrysogène et porteuse de gros risques pour le pays. De plus, les auteurs de cette idée oublient-ils qu’un régime de transition est nécessairement faible du fait même de son manque de légitimité ? D’autres questions peuvent être posées : Quelle garantie avons-nous qu’à l’échéance indiquée pour cette transition, on en aurait fini avec la menace terroriste ? L’exemple de nos frères Maliens n’indique pas que cette stratégie est porteuse. Au total, il faut faire très attention avec ce genre de propositions qui, en fait, visent en dernière analyse à permettre à des candidats se déclarant vaincus à l’avance, de chercher des portes de sortie pour accéder au « partage du gâteau » opéré dans une salle de conférence. Les données sécuritaires de notre pays n’indiquent pas l’impossibilité d’organiser les élections. Elles seront certes difficiles dans certaines localités que les efforts de nos FDS et VDP peuvent permettre de réduire à la portion congrue. Allons donc aux élections, c’est mieux ainsi !
Votre parti prépare le congrès d’investiture de son candidat alors que plusieurs dignitaires sont aux prises avec la Justice. Cela devrait-il être un handicap pour le président sortant ?
Je voudrais commencer, sur cette question, par déplorer les faits de corruption avérés, d’où qu’ils viennent. Ils sont répugnants et indéfendables. Pour moi, ce n’est pas une question de système mais plutôt de comportements individuels que les autorités habilitées doivent prendre en charge (notamment l’ASCE et la Justice). Parce qu’au niveau système, tous les dispositifs existent dans notre pays pour promouvoir une gestion publique saine, avec l’adoption des récentes lois avec leurs décrets d’application, qui luttent contre la corruption ainsi que l’érection de tribunaux supplémentaires spécialisés. La volonté politique a donc été concrétisée mais il faut en plus que les acteurs soient sérieux, ce qu’aucun régime ne peut garantir à 100%. Il faut aussi relever que les faits auxquels vous faites allusion sont souvent révélés par la presse qui fait bien son travail mais n’est pas un tribunal. Certaines dénonciations ne sont pas fondées et dans tous les cas, la présomption d’innocence s’applique à tout le monde. Attendons donc les résultats des investigations pour nous faire une opinion plus nette sur chaque cas. Au stade de dénonciation, tout est permis, y compris les risques de chantages odieux. Faisons donc très attention à ne pas ingurgiter tout ce qu’on raconte contre X ou Y avant maturation des éléments du dossier.
Que répondez-vous à ceux qui disent que vous préparez des fraudes ?
A ce jour, personne n’a pu accuser le MPP de réelles velléités de fraude. La fraude n’est ni dans notre programme, ni dans nos pratiques. Nous avons remporté les dernières élections sans fraude et à égalité de conditions avec les autres candidats, puisque nous n’étions pas au pouvoir. Nous assistons cependant à des accusations farfelues de certains de nos adversaires qui n’en ont d’ailleurs pas la moindre illustration. Il n’y a pas lieu de s’attarder sur de simples vues de l’esprit.
Entre gouvernement et syndicats, c’est un dialogue de sourds. Comment en est-on arrivé là ?
Les rapports étaient pourris dès le départ, à partir du moment où des leaders syndicaux ont juré d’avoir la peau du régime avant même qu’il n’ait eu à poser ses premiers actes. Ils ont accueilli le nouveau pouvoir dès début 2016 par des grèves, mouvements d’humeur et autres déclarations grossières du genre « vous n’aurez pas l’occasion de franchir la frontière ». Il était donc déjà clair que ce régime n’était pas celui attendu par ces syndicats qualifiés de rouges. Et il fallait tout faire pour l’abattre. On pourrait aussi évoquer quelques erreurs de jeunesse que nous avons commises. La remise à plat des rémunérations des agents de l’Etat aurait dû être lancée dès le départ. Mais disons-le tout net, nous avons beaucoup cru à la bonne foi des acteurs en face en procédant par une série de négociations en cascades, pensant ainsi calmer les ardeurs de ceux qui s’estimaient insatisfaits. Peine perdue, nous n’étions pas dans le même jeu !
Propos recueillis par Fidèle KONSIAMBO