PROCES DU PUTSCH MANQUE:« A travers Fatoumata Diawara, c’est le Général Bassolé qu’on vise » (Me Dieudonné Bonkoungou)
L’audition de Fatoumata Thérèse Diawara s’est poursuivie devant le Tribunal militaire ce 29 octobre 2018. Avec pour chefs d’inculpation : trahison pour avoir tenté de faire infiltrer des forces étrangères en vue de prêter main forte aux éléments de l’ex-RSP pour consolider le putsch de septembre 2015 et complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat.
L’essentiel des éléments à charge contre Fatoumata Thérèse Diawara se trouve dans les éléments sonores, selon le procureur militaire. L’accusée n’a pas soutenu les familles des militaires de l’ex-RSP, selon le parquet, mais a plutôt motivé les éléments de l’ex-RSP à se battre. Elle dit respecter les opinions du parquet et fait comprendre au tribunal qu’elle a informé le Général Diendéré, son beau-père au moment des faits, de n’avoir pas pu récupérer l’argent avec le G Général Bassolé qui se faisait arrêter. Sur les faits de trahison, Fatoumata Thérèse Diawara indique que tout ce qui est à voir avec la Côte d’Ivoire, c’est grotesque et elle ne sait pas pour quelles raisons elle va appeler des militaires de ce pays à venir déstabiliser le Burkina. Le parquet lit un sms d’un certain Malal Dia du Sénégal qui propose d’exfiltrer l’accusée. Le même auteur écrit : « J’ai dit au président Macky Sall de sécuriser Fatou ». Une plaisanterie selon l’accusée pour qui « notre génération est inconsciente » et « ce petit n’a rien à voir avec les faits ». Pour Me Hervé Kam, avocat de la partie civile, ces sms remontent au 23 septembre 2015, date à laquelle le Général Diendéré a dit regretter le putsch et entendait se mettre à la disposition de la Justice. La « Fatou » dont il est question dans le sms n’est personne d’autre que l’épouse du Général, fait croire l’avocat, comme le parquet, et il y a une cohérence absolue entre les faits et l’on ne saurait nous faire croire à une plaisanterie. « Ce qui nous unit dans cette salle d’audience, c’est la procédure, même le juge ne peut prendre des libertés avec la procédure », ajoute-t-il, tout en confiant : « Arrêtons de traumatiser la procédure, on a assez traumatisé les hommes ». Me Kam rappelle qu’il y a 3 conversations, à savoir la conversation avec les deux généraux, Diendéré et Bassolé, et la conversation avec le colonel Zakaria Koné de la Côte d’Ivoire. Lorsqu’il pose des questions en lien avec les écoutes, l’accusée fait comprendre qu’elle ne souhaite plus répondre. « Un aveu de reconnaissance des faits », dit l’avocat à l’intention de l’accusée. Pour Me Séraphin Somé, « la femme a un préjugé favorable et quand on est femme enceinte au moment des faits, comme l’accusée, on vous donne le bon Dieu sans confession ». Fatoumata Thérèse Diawara fait la victime, selon l’avocat. « Les victimes sont celles que nous défendons, pas l’accusée devant vous. Elle fait partie de ceux qui ont fait du tort à nos clients », confie-t-il, avant d’ajouter à son égard ceci : « Vous avez posé des actes indignes de la génération censée assurer la relève de ce pays, des actes indignes d’une femme. Ce sont vos actes qui vous condamnent ».
« Il faut des preuves, au-delà des aveux »
Lorsque Me Seydou Roger Yamba, conseil de l’accusée, prend la parole, il demande au parquet de donner le nom d’une seule personne décédée après le 3 septembre 2015. « Ça n’existe pas », répond-il à sa propre question. Sur les écoutes, Me Yamba se demande si le tribunal va croire au parquet qui a soutenu que c’est la voix de l’accusée, en l’absence, selon l’avocat, de toute expertise. « L’aveu n’est pas la meilleure des preuves en matière pénale, au-delà des aveux, il faut des preuves », clame-t-il, précisant que le « droit pénal est le droit de la précision, de la concision » et il ne voit pas où se trouve l’infraction de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat.
Me Latif Dabo, à propos de l’interprétation que le parquet fait des sms que l’accusée a émis ou reçus, estime qu’« on fait dire à une chose muette ce qu’elle n’a pas dit ». Tout ce que Fatoumata Thérèse Diawara émet comme son ou onomatopée est interprété à charge contre elle, déplore-t-il, avant de demander pourquoi le parquet instruit-il forcément à charge, vaille que vaille ? « Il ne faut pas voir dans les blagues, dans les éléments les plus puérils des éléments infractionnels », lance-t-il au parquet. Me Bonkoungou Dieudonné, avocat de la défense, prenant la parole, confie : « je me demande depuis vendredi si c’est Fatoumata Diawara qui est à la barre ou bien le Général Bassolé, tant on s’est focalisé sur les éléments de conversation ». Pour si peu, dit-il, cette dame se tient à la barre jusqu’à se rompre le dos, déplore-t-il, ajoutant qu’à travers Fatoumata Diawara, c’est le Général Bassolé qu’on vise. A la fin de son audition, l’accusée a présenté ses condoléances aux familles des victimes et souhaité prompt rétablissement aux blessés. A sa suite, c’est le Malien Sidi Lamine Oumar qui passe à la barre pour le chef d’inculpation, à savoir « incitation à la commission d’attentat à la sûreté de l’Etat ».
Ce que l’accusé rejette. Pour son Conseil, Me Zanliatu Aouba, le Tribunal militaire est incompétent pour juger Sidi Lamine Oumar parce qu’il est civil et non militaire. Les dispositions de l’article 48 du code de justice militaire permettent au tribunal militaire de juger les complices et les co-auteurs d’une infraction par rapport aux militaires auteurs d’infraction, alors que Sidi Lamine Oumar n’est pas poursuivi pour complicité mais pour « incitation », de l’avis de l’avocate. L’incitation et la complicité sont deux infractions très différentes, des faits prévus et réprimés par des dispositions législatives différentes. A ce titre, son client ne peut être justiciable du Tribunal militaire, mais des juridictions de droit commun comme les tribunaux de grande instance, la chambre criminelle qui peuvent, selon elle, connaître des infractions contre les civils. En clair, Me Aouba demande que le tribunal se déclare incompétent et renvoie le parquet militaire à se pourvoir autrement, à déférer les faits aux juridictions de droit commun compétentes. Le parquet militaire n’est pas de cet avis et demande au président du tribunal de déclarer « irrecevables » les exceptions d’incompétence soulevées par l’avocate. Le président du tribunal a requis l’avis des autres avocats sur cette requête de Me Aouba. Pour permettre aux différents avocats de prendre connaissance du mémoire déposé par l’avocat à cet effet, le président du tribunal a suspendu l’audience qui reprend ce matin à 9h. L’audience de ce 30 octobre sera suspendue à 13h. Cela, à cause de l’enterrement du soldat Médanimpo Lompo, accusé dans le procès du putsch manqué, décédé le 27 octobre 2018 des suites d’accident alors qu’il revenait de Koudougou où il était allé voir sa famille.
Lonsani SANOGO
Des propos à l’audience
« On a assis une conviction sur des faits qui n’existent pas. Il y a un film déjà tracé. Quand tu ne joues pas le rôle, tu ne dis pas la vérité », Me Seydou Roger Yamba
« N’accusons pas un arbre d’être enragé, la rage n’attrape que les animaux », Me Seydou Roger Yamba
« Cette dame est humaine. Ne pas être humain, c’est ce qui serait contraire à la morale », Me Seydou Roger Yamba
« Tout ce que Fatoumata Diawara émet comme son, comme onomatopée est interprété à charge contre elle », Me Latif Dabo
« Si les gens ont des doutes sur l’appel (de l’accusée) à attaquer le camp Paspanga, à la prise de la RTB, il viendra l’heure d’exhiber les pièces à conviction », parquet militaire
« Vous avez posé des actes indignes de la génération censée assurer la relève dans ce pays », Me Séraphin Somé à l’endroit de l’accusée
« Je me demande depuis vendredi si c’est Mme Diawara qui est à la barre oubien c’est le général Bassolé », Me Dieudonné Bonkoungou