RAPPORT 2014 DE LA COUR DES COMPTES: D’énormes reliquats à recouvrer par l’Etat
Le président de la Cour des comptes, Noumoutié Herbert Traoré, a procédé le 8 février 2016, à la remise du rapport 2014 de la Cour des comptes au président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré. Un rapport de 489 pages comportant trois parties dont la première est consacrée au contrôle des opérations de l’Etat. La deuxième partie aborde les résultats des contrôles exercés sur la commune urbaine de Gaoua et le Conseil régional du Sud-Ouest. La troisième partie, elle, est intitulée : « Contrôle des entreprises publiques », et présente les résultats du contrôle de la gestion du Bureau des mines et de la géologie du Burkina (BUMIGEB), du programme décennal de développement de l’éducation de base (PDDEB) et du projet Ecoles satellites et centre d’éducation de base non formelle (ESCEBNF). De ce rapport, l’on peut retenir que d’énormes reliquats à recouvrer par l’Etat demeurent.
Dans le cadre de sa mission d’information du citoyen et en respect des textes qui la régissent, la Cour des comptes produit annuellement un rapport public conformément aux exigences de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 qui stipule que « la société a le droit de demander des comptes à tout agent public de son administration ». Ce rapport, notamment celui de l’année 2014, a été officiellement remis au président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, le 8 février dernier, à son palais de Kosyam. Il est présenté sous trois parties. La première partie, selon le premier responsable de la Cour des comptes, examine l’opération du budget de l’Etat, notamment l’exécution des lois de finances puisque, selon lui, la Cour des comptes doit produire un rapport qui accompagne la loi de règlement pour le Parlement qui donne quitus au gouvernement pour son exécution. A ce niveau, la Cour a relevé des forces et des faiblesses qui l’ont conduit à faire des recommandations dont les principales portent sur le non recouvrement des frais. Elle a constaté que le budget a été exécuté en déficit ; ce qui veut dire qu’on a dépensé plus qu’il n’a été prévu. Aussi, le Parlement a-t-il autorisé le gouvernement à faire des pré-avances sur les marchés financiers. Là, la Cour a constaté qu’il y a eu abus en 2013, le gouvernement ayant prélevé plus que ce que le Parlement avait autorisé. L’autre observation faite est le problème de chèques sans provisions sur lequel la Cour des comptes a interpellé le gouvernement en 2009 mais qui, en 2013, allait toujours en s’empirant. Près de 18 milliards de chèques sans provisions ont été émis, selon le président de la Cour des comptes. La Cour recommande donc de mettre fin à la prise en charge salariale des agents qui ne relèvent pas du personnel de l’Etat, d’arrêter l’octroi de gratification de fin d’année aux agents, de veiller au respect strict des textes en matière d’octroi d’avances sur salaire ; de débloquer à temps les appuis budgétaires au profit du Fonds et de n’effectuer que des dépenses éligibles sur le FODEL.
Au titre du contrôle de la gestion du centre MURAZ, la Cour des comptes recommande de procéder à la fermeture de tout compte ouvert au profit d’un projet à la fin de celui-ci, de respecter les dispositions relatives à l’ouverture de compte autre que le compte trésor, c’est-à-dire recueillir l’autorisation préalable du ministre en charge des Finances. Elle recommande également de veiller à l’exécution de l’ordre de recette n°001/2011/CM d’un montant de 3 636 385 F CFA, émis à l’encontre de Maxime Méda et produire une copie à la Cour des comptes. Concernant le contrôle du Fonds national pour la promotion du sport et des loisirs (FNPSL), exercices 2010 et 2011, la Cour des comptes a fait des constats et recommande entre autres, l’émission des ordres de recettes pour le trop perçu de salaire s’élevant à près de 6 570 121 F CFA par deux agents détachés auprès du Fonds, d’arrêter les préfinancements faits par le Fonds au profit du ministère des Sports et des loisirs ; d’élaborer des critères d’éligibilité aux subventions du FNPSL. Pour ce qui est du contrôle de la gestion des ambassades du Burkina Faso à Copenhague, au Brésil et à Addis-Abeba, exercice 2011 et 2012, les résultats des travaux de la Cour des comptes ont relevé des faiblesses à ce niveau également et formulé des recommandations. Au niveau du contrôle de l’exécution des lois de finances, gestion 2013, le résultat de la loi de règlement dégage un solde déficitaire de 47 456 602 769 F CFA. Aussi, les restes à recouvrer demeurent-ils importants selon la Cour des comptes. Ce qui a suscité de nombreuses recommandations.
La deuxième partie du rapport aborde les résultats des contrôles exercés sur la commune urbaine de Gaoua et le Conseil régional du Sud-Ouest. La Cour des comptes y a relevé des dysfonctionnements liés aux décisions de déblocage qui ne sont pas justifiées dans leur entièreté et des indemnités qui sont payées en deçà de ce qu’il faut ; les textes en vigueur n’ayant pas été appliqués. A ce niveau, des recommandations ont été aussi formulées à l’attention de chaque structure contrôlée. La mission de la Cour étant, selon son président, de s’assurer, que ce soit à l’avantage du personnel ou de la collectivité, que les règles sont observées.
Du contrôle des entreprises publiques et des projets et programmes de développement
Le troisième point du rapport porte sur le contrôle des entreprises publiques et des projets et programmes de développement. Ce point présente les résultats du contrôle de la gestion du Bureau des mines et de la géologie du Burkina (BUMIGEB) qui est une entité étatique et ceux du Programme décennal de développement de l’éducation de base (PDDEB) et du Projet Ecoles satellites et centres d’éducation non formelle (CEBNF). Au titre du contrôle de la gestion du BUMIGEB, exercices 2010 et 2011, le rapport recommande de poursuivre le recouvrement, de mettre en demeure les responsables impliqués (actuel et ancien chef de service financier et comptable et le caissier), de justifier le manquant de caisse de 16 116 711 F CFA ayant fait l’objet de manipulation d’écritures. Il recommande par ailleurs de prendre des dispositions pour le recouvrement des sommes payées en trop à l’entreprise Nayig Nimba SARL (excédent de paiement de 4 114 006 F CFA) et de prendre des dispositions pour les remboursements des rémunérations de 75 408 785 F CFA indûment perçues par des agents en fin de détachement.
En ce qui concerne le PDDEB, des irrégularités liées à l’état des infrastructures réalisées ont été constatées avec des écoles construites en un temps record qui sont soit décoiffées ou délabrées ou qui, même à l’état neuf, ne donnent pas envie, a souligné Noumoutié Herbert Traoré, d’y travailler, sans compter les chantiers qui n’ont même pas encore démarré. Des bitumes pas bien exécutés, il en existe aussi, pour ne citer que ceux-là. C’est pourquoi M. Traoré a estimé qu’il faut travailler à ce que les ouvrages soient de qualité pour éviter d’investir éternellement dans les mêmes domaines.
Les difficultés que connaît la Cour des comptes, notamment l’insuffisance de personnel, ont été aussi évoquées à cet entretien avec le chef de l’Etat qui, selon le président de l’institution, y a prêté une oreille attentive. La Cour des comptes a fait son travail, de l’avis de M. Traoré. A l’image du médecin, il a diagnostiqué la maladie, prescrit l’ordonnance, quitte au patient maintenant d’aller s’acheter les produits pour guérir son mal. Pour lui, ce rapport ne sera pas un rapport en trop parce que le président Kaboré les a rassurés qu’il permettra de demander des comptes aux uns et aux autres pour améliorer la gouvernance financière au Burkina Faso. Une chose est cependant sûre, il n’y a pas de quoi s’alarmer, a rassuré M. Traoré.
Christine SAWADOGO
Quelques chiffres émanant du rapport de la Cour des comptes
Le résultat de la loi de règlement, gestion 2013, dégage un solde déficitaire de 47 456 602 769 F CFA
Des restes à recouvrer :
Les impôts sur les bénéfices des sociétés : 13 919 917 965 F CFA soit 99,78% de restes à recouvrer par rapport aux émissions ;
Les impôts sur les revenus des personnes physiques : 20 207 800 628 F CFA soit 81,05% de restes à recouvrer par rapport aux émissions ;
La taxe patronale d’apprentissage (recettes et exercices antérieurs) : 15 429 392 026 F CFA soit 100% de restes à recouvrer par rapport aux émissions ;
La taxe sur le chiffre d’affaires : 70 214 483 356 F CFA soit 99,99% de restes à recouvrer par rapport aux émissions ;
La taxe de développement touristique : 24 252 773 900 F CFA soit 97,23% de restes à recouvrer par rapport aux émissions ;
Le BNC/PP (recettes des exercices antérieurs) 12 583 448 985 F CFA soit 100% de restes à recouvrer par rapport aux émissions ;
Au titre du budget, gestion 2013, la Cour a constaté l’émission d’un emprunt obligataire d’un montant effectivement mobilisé de 121 600 000 000 F CFA alors que le montant autorisé par le Parlement était de 55 000 000 000 F CFA.
Les chèques rejetés étaient estimés à 18 560 867 087 F CFA au 31/12/2013.