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REDEFINITION DE LA STRATEGIE MILITAIRE ET CIVILE FRANÇAISE EN AFRIQUE : Le tournant ?


La France a-t-elle enfin décidé d’acter la mort de la Françafrique, annoncée plus d’une fois mais toujours renvoyée aux calendes grecques ? L’on pourrait le penser avec la tenue du Conseil de défense convoqué par l’Elysée afin de redéfinir la stratégie militaire et civile en Afrique. Les discussions sur la thématique devraient avoir pour support le rapport de Jean-Marie Bockel, du nom de l’envoyé personnel du président Emmanuel Macron chargé de repenser la stratégie de l’ancienne puissance coloniale en Afrique. L’on peut donc espérer que cette fois-ci sera la bonne. Car, ce n’est pas la première fois que l’on parle du redimensionnement de la présence française sur le continent noir. En effet, l’on garde en mémoire qu’après le clash entre Paris et Bamako, qui a entrainé le départ de la force Barkhane du Nord-Mali, la France s’était promise de revoir sa stratégie militaire sur le continent en inventant un nouveau modèle de partenariat reposant sur une réduction de ses effectifs militaires déployés et sur une augmentation de l’offre de formation, d’accompagnement et d’équipements.

 

Quel que soit le dispositif mis en place, l’enjeu de la présence militaire française en Afrique, reste le même

 

Mais cette réforme a été devancée par l’accélération du rythme des évènements en Afrique de l’Ouest avec le départ des troupes françaises qui avaient utilisé le Niger comme base de repli. Mais cette fois-ci, il y a lieu de croire qu’il sera mis fin à la procrastination maladive de la France sur la question. Et pour cause. Le développement du sentiment anti-français sur le continent, a atteint des sommets jusque-là inégalés. Il faut le dire, il ne fait plus bon être Français en Afrique et encore moins militaire français et cela, particulièrement dans les pays du Sahel où les populations estiment à tort ou raison que les groupes terroristes qui sèment la mort et la désolation dans la région, bénéficient de la complicité de la France. La présence militaire française ne peut être que plus discrète afin d’éviter les contestations. La seconde raison qui milite pour une redéfinition urgente de la politique française en Afrique, est l’apparition sur le continent, de nouveaux concurrents stratégiques qui ne s’encombrent pas de conditionnalités comme le font les puissances occidentales. C’est le cas de la Russie, de la Chine, de la Turquie ou de l’Iran. Face à ces concurrents qui ont le vent en poupe, la France ne peut que repenser sa politique pour s’adapter à cette nouvelle dynamique au risque d’être entièrement expulsée du continent où elle a cependant de puissants intérêts géostratégiques à défendre.  Cela dit, si la redéfinition de la stratégie militaire française sur le continent, est inéluctable, les questions que l’on peut se poser, sont les suivantes : quelle sera l’étendue des réformes envisagées ? La nouvelle politique africaine de la France, parviendra-t-elle à pacifier les relations entre la France et ses partenaires africains ?  Il est encore difficile de répondre de façon très claire à ces questions, le rapport de Jean-Marie Bockel n’ayant pas encore été rendu public.

 

Si le continent veut donc mettre fin à « l’indépendance sous haute surveillance », il devrait, lui-même, assumer les conditions de sa propre souveraineté

 

Mais l’on sait, pour répondre à la première interrogation, que l’armée française réduira de façon significative son empreinte permanente et baissera le drapeau sur ses emprises historiques. Pour preuve, il est annoncé le départ des éléments français déployés au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Gabon. Il est aussi annoncé la fermeture des bases permanentes telles qu’elles existaient jusqu’alors.  A ce que l’on dit, la nouvelle philosophie reposera désormais sur des emprises partagées qui seront placées entièrement sous l’autorité des pays hôtes où il n’y aura que des Détachements de liaisons interarmées (DLIA) qui auront pour mission d’accueillir des missions temporaires dont la taille fluctuera au gré des exercices, des formations et des opérations. C’est dire donc qu’il s’agit d’un dispositif qui se veut léger pour répondre aux besoins des partenaires et qui a l’avantage de moins exposer l’armée française aux contestations et aux campagnes de désinformation sur les raisons de sa présence dans certains pays africains. Mais cela suffira-t-il à ramener la France dans le cœur des Africains ? L’on peut en douter dans la mesure où quel que soit le dispositif mis en place, l’enjeu de la présence militaire française en Afrique, reste le même : la France est là pour défendre ses intérêts. Le Général Charles De Gaulle l’a dit : « Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts ». Cela dit, la question est de savoir si ces intérêts français sont compatibles avec les intérêts des Africains qui, en plus de trainer la lourde rancœur du passé, sont désormais très regardants sur la gestion et l’exploitation de leurs ressources naturelles. C’est dire donc que l’avenir des relations entre la France et les Etats africains dépendra de la capacité de l’Hexagone à inscrire au cœur de ses actions, les intérêts de ses partenaires africains et c’est tout le défi que le Conseil de défense devra relever même si l’on peut, d’ores et déjà, se poser la question de savoir comment la France peut objectivement décider de son partenariat stratégique avec l’Afrique en l’absence de cette dernière. En attendant d’en savoir plus sur les conclusions de ce Conseil de défense, l’Afrique devrait prendre de l’avance en prenant les bonnes résolutions. Car, chaque fois qu’une base militaire française est installée en Afrique, c’est avec la complicité d’un Chef d’Etat africain. Si le continent veut donc mettre fin à « l’indépendance sous haute surveillance », il devrait, lui-même, assumer les conditions de sa propre souveraineté.

 

« Le Pays »

 

 


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