REPRISE DU PALAIS PRESIDENTIEL PAR LES HOMMES DU GENERAL AL-BURHAN : Un tournant décisif dans la guerre au Soudan?
Le conflit soudanais, qui oppose, depuis avril 2023, l’armée régulière dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhan aux Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdan Daglo alias Hemetti, a connu un développement majeur avec la reconquête du palais présidentiel de Khartoum par les troupes d’Al-Burhan le 21 mars dernier. La reprise par les forces gouvernementales de ce palais qui est bien plus qu’un banal bâtiment administratif ou un simple édifice gouvernemental, revêt une portée hautement symbolique d’autant qu’il était devenu une vitrine du pouvoir parallèle exercé par le Général Hemetti et ses hommes. L’occupation par les FSR de ce bastion stratégique, constituait un revers majeur pour l’armée régulière, privant Al-Burhan d’un levier symbolique et opérationnel dans la bataille pour le contrôle de Khartoum. La reconquête de ce lieu emblématique pourrait donc signifier une reprise en main du pouvoir par l’armée et un affaiblissement progressif des FSR. Toutefois, la prudence doit être de mise.
Bien que les forces gouvernementales semblent avoir repris l’initiative sur plusieurs fronts, la situation reste complexe
Car on assiste à une guerre aux multiples fronts, et le Soudan ne se résume pas à Khartoum. Le conflit s’étend bien au-delà de la capitale et les FSR conservent des bastions solides dans l’Ouest du pays, notamment au Darfour, où elles exercent un contrôle quasi total et consolident leur emprise sur la région en coopérant avec certaines milices locales. L’armée peut certes revendiquer un succès stratégique, mais elle ne parvient toujours pas à établir une domination complète sur cette capitale soudanaise fragmentée entre différentes zones encore sous influence des deux factions, et où les combats se poursuivent avec une intensité variable selon les quartiers. En clair, bien que les forces gouvernementales semblent avoir repris l’initiative sur plusieurs fronts, la situation reste complexe. D’autant que la guerre d’usure que semble mener les FSR du Général Hemetti, prend de plus en plus des allures asymétriques où le rapport de forces varie selon les zones géographiques et les alliances de circonstance. En un mot comme en mille, l’opération de reconquête du palais présidentiel par les fidèles du Général Al Burhan, après des mois d’intenses combats urbains qui ont réduit une grande partie de la capitale en ruines, ne signifie pas nécessairement la fin du conflit. Et les Forces de soutien rapide du Général Mohamed Hamdan Daglo en ont apporté la preuve quelques heures seulement après, en ciblant, avec des drones, les positions nouvellement conquises par l’armée. Dans les jours à venir, on assistera probablement à un engrenage de violences dont l’issue demeurera incertaine, étant entendu que le Soudan est devenu depuis le début de la crise, un terrain d’affrontements indirects entre plusieurs puissances ; chacune ayant ses propres intérêts dans le conflit.
Il faudra continuer à chercher des solutions idoines qui pourraient ramener une paix durable
Malheureusement, cette dynamique tragique va s’aggraver puisque tout porte à croire que la guerre va s’enliser, avec comme corollaire un désastre humanitaire dont le Soudan est d’ailleurs coutumier. Au regard de tous ces facteurs aggravants, et du contrôle par les FSR de plusieurs positions stratégiques, on peut dire que le succès tactique indéniable pour l’armée régulière, en fin de semaine dernière, est loin de constituer un tournant décisif dans la guerre. Il faudra donc continuer à chercher des solutions idoines qui pourraient ramener une paix durable dans ce pays qui ne fait plus malheureusement l’actualité depuis un certain moment. Ceux qui pensent que l’une de ces solutions, est la partition du pays, se trompent lourdement. Car il ne s’agit pas, ici, d’une opposition entre deux régions distinctes pouvant être séparées proprement, mais d’une confrontation pour le contrôle de l’ensemble du pays. La résolution de ce conflit armé pourrait plutôt passer par une gouvernance inclusive, un processus de paix structuré et une réforme profonde des institutions militaires et politiques. Ce scénario de sortie de crise dont rêvent tous ces millions de Soudanais pris entre deux feux depuis avril 2023 paraît, malheureusement, encore lointain à ce stade.
« Le Pays »