ROCH POUR L’ADOPTION DE LA NOUVELLE CONSTITUTION PAR VOIE PARLEMENTAIRE « On ne peut pas changer les règles du jeu à la fin du jeu », dixit Wilfried Zoundi, député CNT
Des responsables du Comité de veille parlementaire du Conseil national de la Transition (CV/CNT) étaient face à la presse hier 25 avril 2018, à Ouagadougou, pour donner leur lecture de la situation politique nationale ainsi que leur position sur bien d’autres sujets, notamment l’adoption de la Constitution de la Ve République, la sécurité, le retard dans la mise en œuvre des lois adoptées sous la Transition, etc.
Les 19 et 20 avril derniers, le président du Faso échangeait successivement avec les partis de l’opposition politique et ceux de la majorité présidentielle sur, entre autres, le processus d’adoption de la nouvelle Constitution pour le passage à la Ve République. L’objectif était de recueillir les suggestions de chaque camp. Mais du côté de la majorité, le choix est clair, étant donné que le chef de l’Etat a opté pour la voie référendaire. Un choix qui n’est pas du goût du Comité de veille du Conseil national de la Transition (CV/CNT) pour qui le débat sur la question n’a plus sa raison d’être, en ce sens qu’il a été déjà tranché. Selon le comité, lors des tournées régionales, internationales, l’option qui a été retenue et ayant fait l’objet de consensus est celle référendaire, parce que « considérée comme la voie directe, l’expression démocratique par excellence ». « Le président du Faso, en prenant le décret n° 2016-216 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la commission constitutionnelle, a prévu, en son article 17, que le projet de Constitution allait être adopté par voie référendaire. Lors des débats au sein de la commission constitutionnelle, l’opposition avait des représentants de même que la majorité et la présidence du Faso. Il y a eu un consensus autour de la voie référendaire. C’est à notre grand étonnement que nous avons appris que le président du Faso avait fait le choix pour la voie parlementaire. C’est quand même étonnant ! C’est pourquoi nous disons qu’on ne peut pas changer les règles du jeu à la fin du jeu », a déclaré Wilfried Zoundi, chargé des questions de recherches au sein du CV/CNT. Selon lui, toutes les Constitutions adoptées au Burkina Faso l’ont été par voie référendaire. De ce fait, il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement en 2018. « Il convient de rappeler que toutes les quatre Constitutions qui ont été adoptées par le Burkina, l’ont été par voie référendaire. Si en 1960, nous avons eu les moyens pour le faire, en 1970, 1977 et en 1991 on a eu les moyens pour le faire, on ne peut pas comprendre qu’en 2018, il en soit autrement », a-t-il affirmé, ajoutant que le problème de moyens qui est brandi, ne tient pas la route. « D’aucuns disent que le coût du référendum est élevé. Mais contrairement à ce qu’on dit, le référendum va coûter 11 milliards de F CFA. Si on veut mettre le fichier à jour, cela fera 17 milliards de F CFA. Si pour les quatre Constitutions, on a pu le faire et qu’en 2018, on revient poser la question de moyens, c’est dire que le Burkina a mal atterri ou du moins il n’a pas encore démarré. D’ailleurs, ce n’est pas évident que le coût soit supporté par le seul Etat burkinabè. Pour nous, Il n’y a pas de débat car le choix référendaire est un choix consensuellement adopté. Et à notre étonnement, on voit l’opposition qui est évasive sur la question », a indiqué M. Zoundi. Pour les conférenciers, l’Etat doit opter pour le référendum, seule option raisonnable et légitime. « Ni aucun prétexte, ni aucun oubli et quelques sous-calculs ou lourdeurs politiques, quels que soient les acteurs politiques, ne doivent en aucun cas virer dans une entente entre eux et priver le peuple de son référendum légitime », a précisé David Moyenga.
Une table ronde du comité de veille parlementaire prévue courant mai
Il faut noter que cette conférence de presse a été l’occasion, pour ses animateurs, d’informer la population et surtout attirer l’attention des autorités actuelles sur le retard constaté dans le cadre de la mise en œuvre des « lois audacieuses votées sous la Transition ». Selon M. Moyenga et ses camarades, cela fait bientôt trois ans que des lois, entre autres sur le bail locatif, le code minier, les pupilles de la Nation, les résultats de l’enquête parlementaire sur la fraude fiscale, la déclaration des biens des autorités, ont été votées, mais souffrent dans la mise en œuvre. « Il y a plus d’une centaine de responsables d’institutions qui doivent déclarer leurs biens mais qui ne l’ont pas fait et cela n’émeut personne », a regretté M. Moyenga qui a par ailleurs fustigé au passage la création du poste de Haut représentant du chef de l’Etat. A son avis, pour un pays comme le Burkina Faso, on n’a pas besoin de plus de 25 ministères. Il a déploré que de nos jours, le nombre de ministères dépasse la trentaine. Pire, qu’on en rajoute à chaque renouvellement de gouvernement. « On a créé des postes farfelus comme par exemple le poste de haut représentant du chef de l’Etat. Qui connaît la notion de ce poste ? A quoi sert-il si ce n’est pour semer les brouilles institutionnelles et l’incohérence au sommet de l’Etat ? On n’est pas contre lui. Mais si on doit rester dans le principe, je ne peux pas défendre cette vision de gestion vertueuse de l’Etat tenant compte de nos ressources et venir supporter quelqu’un qui, lui-même, a défendu cela à un moment donné, pour ensuite venir accepter ce poste. Il (NDLR : parlant de Chérif Sy, l’occupant dudit poste, président du CNT) aurait pu décliner. Ce poste est d’ailleurs dangereux parce que ne connaissant pas le rôle qu’il joue. Qui contrôle d’ailleurs ce poste, quel est son budget ? …Sous l’ancien régime, nous avons dénoncé le concept des conseillers occultes à la Présidence et autres. Mais après l’insurrection, on ne doit pas revenir sur tout cela. C’est pourquoi je dis que ce poste pose un problème de légitimité et de légalité. Il n’est pas légitime, il n’est pas légal parce que dans aucun texte, ni dans la Constitution, nulle part ailleurs ce poste n’a été proposé… D’ailleurs, l’autre principe qu’on viole, c’est la réduction du pouvoir de nomination du chef de l’Etat pour éviter des pouvoirs avec trop de pouvoirs. Un chef de l’Etat ne peut pas se lever et créer un poste comme il le veut dans un pays. Non ! Ce sont les institutions qui doivent donner le ton », a soutenu M. Moyenga.
Concernant la tentative de « coup d’Etat et de déstabilisation » de Auguste Denise Barry, le CV/CNT souhaite que « toute la lumière soit faite de façon diligente car le temps, en droit, est l’ennemi redouté de la manifestation de la vérité ; il dissipe les souvenirs, altère les preuves et met en danger les droits des victimes ».Sur la question sécuritaire, le CV/CNT a invité les autorités à doter les FDS de moyens humains, matériels nécessaires et efficaces afin de leur permettre de parer à toute éventualité. « Si nous perdons le Nord, c’est notre Etat qui en pâtira. D’où la nécessité et l’urgence, pour le gouvernement, d’assurer la présence de l’Etat et l’effectivité des services publics sur l’ensemble du territoire et ce, sans discontinuité », ont dit les conférenciers qui ont annoncé la tenue, courant mai 2018, de la table ronde du comité de veille parlementaire sur les grands actes de la Transition politique et historique.
Colette DRABO