SCANDALE DES LUMUMBA PAPERS EN RDC : Les Congolais ne sont pas au bout de leurs peines
Dans l’atmosphère déjà bien sulfureuse en RD Congo, le régime de Joseph Kabila se serait bien passé de ce scandale dit des « Lumumba papers », du nom de cette cabale politico-financière qui a privé la Commission électorale nationale indépendante (CENI) des moyens d’organiser à bonne date les élections. En effet, l’un des petits neveux de Patrice Lumumba, Jean-Jacques Lumumba, pendant longtemps cadre de la BGFI-Bank, accuse plusieurs proches du président Joseph Kabila d’avoir effectué des montages financiers douteux destinés, entre autres, à siphonner les fonds de la CENI, afin de l’empêcher de mener à bien ses missions. Le montant cumulé des malversations s’élèverait à 7,5 millions d’euros. L’affaire est une véritable bombe dans le microsome politique kinois. Elle vient apporter la preuve que le glissement controversé du calendrier électoral décidé par le dialogue politique national et légalisé par la Cour constitutionnelle, n’était que l’acte final d’un complot politique, dont les bras financiers étaient à la manœuvre depuis fort longtemps. Le peuple a donc été mené par le bout du nez. De ce fait, du point de vue de l’éthique politique, Kabila n’a pas fait preuve de loyauté envers son peuple. Son attitude confine même au parjure, car il a créé volontairement les blocages à la CENI, pour se soustraire au serment de respecter et de faire respecter la Constitution. Il fait donc lui-même la preuve qu’il est disqualifié pour diriger le pays. Vital Kamheré et ses camarades de l’opposition modérée qui, donnant la communion sans confession, sont allés à la table des négociations, devraient aussi être gênés aux entournures de voir qu’ils ont dîné avec le diable sans même prendre la précaution de se doter de cuillères à longues manches. Les « Lumumba papers » viennent, par ailleurs, lever un pan de voile sur la gouvernance économique de Kabila, où les réseaux mafieux affiliés au pouvoir, déshéritent le peuple par des malversations financières éhontées. Ce n’est ni plus ni moins que de la patrimonisation des biens de l’Etat.
Les griots du régime ne voient dans cette affaire que de l’affabulation
Car, en faisant dans la prédation des ressources du pays, le régime ne fait que perpétuer la vision héritée de ses devanciers au trône comme le roi Mobutu ; celle qui ne fait que de la RD Congo, une bien généreuse vache à lait. Toutefois, en faisant la sommation des crimes économiques, crimes de sang et crimes politiques, ou se rend compte que Kabila ravit la palme à ceux qui lui ont cédé le fauteuil présidentiel. Cela dit, on comprend maintenant aisément l’attachement de Kabila au prolongement de son bail à la tête de l’Etat. Non seulement il veut éviter la reddition des comptes de sa scabreuse gestion du pouvoir, mais il ne veut pas non plus céder à un tiers la vache à lait. Et si cela nécessitait encore de sacrifier des vies humaines, il n’hésiterait pas une seconde. Mais, le plus choquant n’est pas ce scandale qui, véritablement, ne surprend personne en RD Congo, mais le fait qu’il se trouve des intellectuels qui ont vendu leur âme au dictateur, pour ne pas dire au diable, pour défendre l’indéfendable. Les griots du régime, en effet, ne voient dans cette affaire que de l’affabulation, quand bien même l’homme qui accuse, étaye ses dires de documents. Certains incriminés, au lieu de faire profil bas, ont même l’indécence de qualifier ces accusations « d’idioties ». Cette réaction est symptomatique du traitement que le régime fera de l’affaire. Il fera dans le déni, mais les dernières mobilisations du peuple congolais apportent la preuve qu’il n’est pas prêt à avaler toutes les couleuvres. En tout état de cause, cette affaire ne fera que monter davantage le mercure dans une atmosphère politique déjà lourde. Cela dit, il faut se féliciter du courage du dénonciateur qui ne faillit pas à la réputation de son grand-oncle, Patrice Lumumba, père de l’indépendance et martyr de la cause du peuple congolais. « Le lapereau, dit-on, ne peut qu’avoir de longues oreilles ». Jean Jacques Lumumba n’est certainement pas de la même famille lumumbiste dont, ironie du sort, Joseph Kabila se réclame.
SAHO