SOMMET DE LA CEDEAO SUR LE COVID-19
« Evolution de la situation et impact de la pandémie du coronavirus dans l’espace communautaire ». Tel a été le thème du sommet extraordinaire de la CEDEAO tenu, hier, 23 avril 2020, entre les quinze chefs d’Etat de la sous-région ouest-africaine. Une rencontre de haut niveau qui vise à réfléchir à une réponse globale et sous-régionale face à la maladie, mais aussi à répondre à l’impératif de voir comment cela va s’exercer dans un contexte d’urgence. Pour un sommet d’une telle envergure et d’une telle importance, on aurait, en temps normal, scruté la présence physique des chefs d’Etat qui auraient effectué le déplacement. Mais coronavirus oblige, c’est par visioconférence que Mahamadou Issoufou, président en exercice de l’instance régionale, et ses pairs africains ont échangé sur la lancinante question du Covid-19 qui crée l’émoi partout dans le monde entier. Pour une première inédite, c’en est une. Car, il y a de cela quelques années, on ne se risquerait pas à parier sur la tenue effective d’un tel sommet virtuel sur le continent noir. C’est dire si cahin caha, l’Afrique se met au diapason des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Et c’est déjà çà.
La pandémie du coronavirus s’est fortement traduite par une sorte de repli sur soi à travers la fermeture des frontières
Cela dit, comment faire convenablement face à la pandémie du Covid-19 qui est en passe, si ce n’est déjà fait, de dérégler l’ordre mondial et les habitudes et autres rapports interhumains ? Telle est l’autre problématique de cette session extraordinaire de la CEDEAO, qui nécessite une action coordonnée face à l’évolution de la maladie qui a mis en berne presque toute l’activité économique mondiale. En tout cas, sur le plan des rapports entre Etats, la réaction à la pandémie du coronavirus s’est fortement traduite par une sorte de repli sur soi à travers la fermeture des frontières et autres suspensions de vols internationaux. Une situation qui, au-delà de son aspect mesure préventive contre la propagation de la maladie, frise l’égoïsme tant à l’épreuve du virus mortel, l’attitude des Etats n’a jamais autant répondu à la sagesse africaine qui veut que « quand un caillou tombe du ciel, chacun protège sa tête ». Et la CEDEAO n’échappe pas à cette règle puisqu’en dépit de ses textes fondamentaux qui prônent la libre circulation des biens et des personnes, les frontières, se sont fermées les unes après les autres en raison de la pandémie du Covid-19, laissant parfois des passagers en rade à certaines frontières si ce n’est à mi-chemin entre deux pays. C’est dire toute l’importance de ce sommet virtuel sur l’urgence à freiner le coronavirus à travers une stratégie unitaire. Et la participation de tous les 15 chefs d’Etat de la sous-région, en dit long sur l’intérêt qu’ils portent tous, sans exception, à une question devenue, par la force des choses, la principale préoccupation de l’heure. Cela, compte tenu de l’ampleur de la maladie qui n’épargne aucun des pays membres même si ceux-ci sont frappés à des degrés divers. Il y a aussi l’impact économique qui se fait déjà lourdement sentir en raison des mesures restrictives prises au niveau de chaque pays.
Tant qu’il restera un seul cas d’infection dans un des pays, la menace restera entière et permanente pour toute la sous-région
C’est pourquoi l’on est porté à croire que cette concertation de haut niveau pour aller à une mutualisation des forces, était une nécessité. D’autant que sur le plan mondial, la compétition est devenue rude et sans pitié dans la course aux équipements de protection contre la maladie. Comment ne pas le croire quand il se dit qu’un pays comme les Etats-Unis, par exemple, a surenchéri sur une cargaison de commandes françaises de masques de protection pour les détourner à son profit, au moment où ces équipements se font plutôt rares et que la planète entière est engagée dans une sorte de compétition et de course contre la monre pour s’en procurer ? Si ce n’est pas la loi du plus fort, cela y ressemble bien. C’est pourquoi, pour se donner des chances de faire porter leur voix, les pays de la CEDEAO ont raison d’avancer groupés. Car, déjà, certains gouvernements sont contraints de lâcher du lest, avec la réouverture de certains lieux publics comme les marchés ou certains lieux de culte, parce que la situation devient de plus en plus intenable. Dans le même ordre d’idée, on peut se demander combien de temps encore les pays résisteront à la fermeture des frontières, au moment où l’on ne saurait dire si le pic de la maladie est passé ou est encore à venir sur le continent africain en général et l’espace CEDEAO en particulier. Avec le recul, on se demande si ce sommet n’aurait pas dû arriver plus tôt, d’autant que la seule véritable alternative qui se présentait à l’Afrique, était la prévention. Mais comme il n’est jamais trop tard pour bien faire, on espère que les mesures qui sortiront de cette concertation de haut niveau pour servir la cause des populations, seront suivies d’effets. Car, il y a véritablement urgence à aller vite et bien, au regard de la vitesse de propagation du virus parti de Chine en décembre 2019 et qui n’a mis que quelque trois mois pour toucher toute la planète. C’est le principal défi qui se présente aujourd’hui aux chefs d’Etat. Car, tant qu’il restera un seul cas d’infection dans un des pays, la menace restera, telle une braise ardente sous la cendre, entière et permanente pour toute la sous-région. C’est pourquoi il est impératif d’aller à cette mutualisation des forces à travers une solidarité agissante. Autrement, tant que prévaudront les égoïsmes nationaux, quelles que soient les mesures prises, le risque est grand que le succès ne soit pas au rendez-vous.
« Le Pays »