SORT DES OPPOSANTS AU CONGO-BRAZZAVILLE
Après tant d’autres, Paulin Makaya est en train de subir la dure loi que le régime du président Denis Sassou Nguesso a taillée pour les opposants, surtout ceux qui ont l’outrecuidance de se porter candidats à la présidentielle. Comme par enchantement, ils finissent par tomber malades, et comme toujours, un motif est trouvé pour empêcher leur sortie du territoire pour des soins. Quand, dans quelques rares cas, l’autorisation de sortie finit par arriver, c’est que le régime sait que le bénéficiaire est à l’article de la mort et qu’il ne reviendra plus vivant au Congo. C’est donc une façon subtile et impitoyable de se débarrasser des opposants gênants. Il est même permis de se demander si les maladies des opposants ne sont pas provoquées par le régime qui trouve là un moyen efficace de les neutraliser. C’est, en tout cas, une pratique dont se servait le président Mobutu du Zaïre pour régler le sort de certains de ses prisonniers. Paulin Makaya a vécu dix-sept ans d’exil. Rentré au Congo, il a passé mille cent jours en détention avant d’être libéré en septembre dernier. Gravement malade, il demande à se rendre à Londres pour des soins. Ce qui lui est refusé, pour la deuxième fois. La première fois, c’était en 2018. Si le Congo disposait d’hôpitaux de référence comme le Kenya ou la Tanzanie, le problème se poserait avec moins d’acuité. Mais les dirigeants congolais savent que les hôpitaux occidentaux sont là pour eux, pourquoi en construire encore au Congo ? Pour le peuple ? Qu’il se débrouille ! Au XXIe siècle, refuser à quelqu’un le droit d’aller se soigner par le médecin de son choix, est une atteinte grave aux droits de la personne. Où sont donc les organisations de défense des droits humains ? Où sont les gouvernements occidentaux toujours prêts à défendre les violations des droits humains en Russie, en Biélorussie et en Chine ?
S’il est vrai que les dirigeants doivent montrer la voie, il est aussi vrai que le peuple doit jouer son rôle de sentinelle
Tout se passe comme si la violation des droits des Africains avait peu d’importance, comme si la vie de l’Africain n’était pas encore bien acceptée par tous. En réalité, l’impression est faite que l’intérêt de l’Occident pour l’Afrique se résume aux intérêts économiques. Le sort des Africains eux-mêmes intéresse peu. Dans la mesure où le président Sassou Nguesso sait donner satisfaction à l’Occident dans ce qui l’intéresse, il a les mains libres pour mener le Congo et les Congolais à sa guise. En faisant le vide autour de lui, il prépare le terrain de sa succession par son propre fils Denis Christel Sassou Nguesso. Cela semble être la tradition en Afrique centrale. Après Ali qui a succédé à son père au Gabon, Mahamat en a fait de même au Tchad après la mort d’Idriss Déby. Au Cameroun, en Guinée équatoriale et au Congo Brazzaville, tout est mis en place pour une succession dynastique. Et le peuple congolais dans tout ça ? C’est parfois à tort que l’on s’en prend exclusivement aux autocrates. Car, comme disent les Chinois, le peuple est l’eau, le gouvernement est le bateau. La navigation du bateau dépend de l’état de l’eau dans le fleuve. Si l’état d’esprit du peuple n’est pas favorable, c’est en vain que l’autocrate tentera de se maintenir au pouvoir. Or, à quelques petites interruptions près, Sassou est au pouvoir depuis pratiquement la disparition de Marien Ngouabi en 1977. Il est donc difficile de condamner le régime congolais sans interroger en même temps la réactivité du peuple congolais. S’il est vrai que les dirigeants doivent montrer la voie, il est aussi vrai que le peuple doit jouer son rôle de sentinelle. S’il refuse ou s’il échoue à le faire, même un dirigeant bien intentionné peut se muer en autocrate.
Apolem