SUPPRESSION DU POSTE DE PREMIER MINISTRE AU SENEGAL: C’est aux résultats qu’on jugera Sall
devant conduire à la suppression du poste de Premier ministre au Sénégal, est passée à l’hémicycle comme une lettre à la poste, le 4 mai dernier. Cela n’a rien d’étonnant, le parlement sénégalais étant fortement dominé par la majorité présidentielle. Soulignons, si besoin en était encore, que c’est au terme d’une séance marathon qui aura duré 9 heures, que 124 députés ont voté pour et 7 contre. Macky Sall a donc désormais carte blanche pour supprimer une institution qualifiée de prestigieuse sous nos cieux et mettre en œuvre ses réformes. Et ce n’est pas tout. Comme pour diviser la poire en deux, cette révision constitutionnelle établit un nouvel équilibre entre les pouvoirs. Même si elle renforce le caractère présidentiel du régime sénégalais, cette révision qui concerne une vingtaine d’articles de la Constitution, ôte au président le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale. Maintenant que le fait est accompli, l’opposition et la société civile qui étaient vent debout contre cette révision constitutionnelle, vont-elles continuer à ruer dans les brancards? Attendons de voir. De son côté, le pouvoir de Sall ne fait pas mystère de sa volonté de faire taire toute contestation. A preuve, quatre leaders de la société civile qui avaient appelé à battre le macadam, ont été mis aux arrêts. Et comme si cela ne suffisait pas, la marche qui avait été prévue par la société civile, le 4 mai dernier, a été interdite pour, entre autres motifs, menaces de troubles à l’ordre public, tentative de discrédit d’une institution publique. En tout cas, pour le pouvoir, le vin pour ne pas dire le champagne est tiré, il faut le boire. Certes, l’ex-parti au pouvoir, le Parti démocratique sénégalais d’Abdoulaye Wade qui a qualifié cette révision de « sans intérêt », n’a pas encore dit son dernier mot.
Les révisions constitutionnelles en Afrique, cachent le plus souvent des intentions inavouées
Mais l’on se demande ce que peut bien faire un parti laminé par des dissensions internes pour empêcher l’entrée en vigueur d’une loi votée par l’écrasante majorité des députés.
Cela dit, l’opposition n’est certainement pas à blâmer quand on sait que les révisions constitutionnelles en Afrique, cachent le plus souvent des intentions inavouées. Et Macky Sall ne saurait faire exception à la règle d’autant qu’il a déjà prouvé aux Sénégalais que les promesses politiques n’engagent que ceux qui y croient. Du reste, l’on peut trouver à redire sur le fait, pour lui, de n’avoir pas évoqué le sujet pendant la campagne électorale. En tous les cas, cette révision renforce ses pouvoirs et la crainte de l’opposition, c’est la concentration des pouvoirs entre les mains d’un seul individu, qui pourrait conduire à des dérives. Mais après tout , c’est aux résultats qu’on jugera Sall. Si cette réforme peut lui permettre de simplifier les lourdeurs administratives qui caractérisent l’Administration sénégalaise et de créer un million d’emplois en cinq ans comme il le promet, c’est tant mieux. S’il réussit, il fera des émules en Afrique. Dans le bon comme dans le mauvais sens. Le Sénégal vient de rejoindre le Tchad, premier pays africain à supprimer le poste de Premier ministre au cours de ces dernières décennies. C’est une entreprise risquée, mais qui peut s’avérer bénéfique pour les pays africains aux maigres ressources, pour peu que ses initiateurs soient animés d’une réelle volonté de renforcer la démocratie et la bonne gouvernance sur tous les plans.
Dabadi ZOUMBARA
malo
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Intéressant
11 mai 2019