VIE CHERE AU BURKINA : Éviter à tout prix les émeutes de la faim
Au Burkina Faso, comme dans bien des pays de la sous-région ouest-africaine, l’on assiste à une envolée des prix des denrées de première nécessité et plus particulièrement, des produits alimentaires. La manifestation la plus évidente de cet affolement du cours des produits alimentaires sur le marché, est que le panier de la ménagère a perdu de son volume. De nombreuses organisations actives dans la vie de la Nation, n’ont de cesse d’interpeller les décideurs sur cette situation comme ce fut encore le cas, tout dernièrement, de la Conférence épiscopale Burkina/Niger. En exprimant leurs inquiétudes, les prélats se sont fait l’écho de structures œuvrant dans le domaine de la sécurité alimentaire comme la Confédération paysanne du Faso (CPF) ou l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) qui, fidèles à leur mission, ont, à plusieurs reprises, sonné l’alerte. Quelles sont les causes et les conséquences de cette alarmante insécurité alimentaire et surtout quelles sont les dispositions à prendre par les pouvoirs publics, pour en amoindrir les impacts sur les couches les plus vulnérables de notre société ? Telle est la question que l’on peut se poser.
L’insécurité a empêché de nombreux Burkinabè de vaquer à leurs activités traditionnelles de production agricole
Les causes de l’insécurité alimentaire au Burkina Faso sont bien connues. Aux difficultés de l’environnement physique caractérisées par l’irrégularité des pluies dans l’espace et dans le temps et la pauvreté des sols qui limitent la production agricole, il faut ajouter la croissance démographique exponentielle qui démultiplie le nombre de « bouches à nourrir ». Face à cette inadéquation de l’offre et de la demande en denrées alimentaires, les politiques de développement de l’agriculture, malgré de grands efforts, peinent à combler le déficit. A ces causes structurelles, se sont ajoutées les conditions particulières de ces dernières années, caractérisées par la crise sécuritaire et sanitaire. L’insécurité a empêché de nombreux Burkinabè de vaquer à leurs activités traditionnelles de production agricole, quand tout simplement, ce ne sont pas les groupes armés qui ont vidé ou incendié les greniers et contraint les paysans à se transformer eux-mêmes en assistés alimentaires. En outre, l’incertitude des voies commerciales rend quasi impossibles la collecte des produits alimentaires dans les zones de production et leur exportation vers les zones de déficit. Quant à la pandémie de la Covid-19, en plus d’avoir entrainé la récession dans tous les secteurs de l’activité économique, elle s’est aussi soldée par la flambée des prix du matériel et des intrants agricoles, notamment les semences, les engrais et les pesticides. Sans doute faut-il ajouter à ce paquet de causes, les contrecoups des récentes sanctions économiques imposées par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) au Mali voisin et la dégradation de l’environnement économique international. Mais quelles que soient les causes de cette insécurité alimentaire, ce qu’il faut redouter, ce sont les immanquables conséquences qui pourraient en découler.
Il faut créer le plus rapidement possible les conditions de reprise des activités économiques
La première de ces craintes est le retour des émeutes de la faim avec leurs corrolaires d’instabilité politique dans un pays qui peine à sortir des effets du coup d’Etat. Même si comparaison n’est pas raison, l’on connait les liens de cause à effet entre la hausse du prix du pain et le départ, au Soudan, du président Omar El Béchir pour ne prendre que cet exemple. L’autre conséquence à redouter, c’est l’aggravation de la crise humanitaire née de la dégradation de l’insécurité au Burkina Faso. Le pays, faut-il le rappeler, abrite près d’un million et demi de Personnes déplacées internes (PDI) dont la précarité des conditions de vie pourrait s’aggraver par l’interruption de la continuité de l’action gouvernementale, induite par le coup d’Etat du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) et l’afflux de nouveaux réfugiés alimentaires. Et tout cela a un impact sur la santé physique et mentale des populations, étant donné que le stress alimentaire est cause de nombreuses maladies. Il faut enfin craindre les impacts possibles de l’insécurité alimentaire et de l’envol des prix des produits de première nécessité sur l’environnement. Les pénuries alimentaires sont toujours à l’origine d’un accroissement de la pression sur les ressources forestières et fauniques avec ce qu’elle comporte comme dégradation de l’écosystème et de ses conséquences. Face à tous ces risques, les Burkinabè, à commencer par les autorités, sont invités à faire preuve d’imagination pour trouver des solutions à cette situation qui pourrait empirer avec l’approche du carême musulman qui a toujours rimé avec inflation des prix des produits alimentaires. La première des solutions est, sans doute, le changement des comportements pour non seulement éviter les gaspillages, mais aussi faire preuve de compassion et de solidarité envers les plus démunis. Mais ce qu’il faut le plus proscrire, c’est l’augmentation artificielle des prix provoquée par certains commerçants qui, volontairement, créent des pénuries en faisant des stocks de produits alimentaires pour pouvoir les revendre plus cher. Les premières autorités du pays sont, particulièrement, à ce sujet, invitées à prendre des mesures urgentes afin de permettre une relance diligente de l’Administration publique et cela, en vue d’organiser et multiplier les missions de contrôle des prix. Parallèlement, elles sont invitées à explorer toutes les voies pour assurer l’approvisionnement du pays dans un contexte de retour du protectionnisme économique sur les denrées alimentaires, décidé par la plupart des pays de la sous-région. Il faut surtout et enfin créer le plus rapidement possible les conditions de reprise des activités économiques en ramenant la sécurité et la paix dans le pays.
« Le Pays »