VISITE DU PRESIDENT CONGOLAIS EN ANGOLA, EN AFRIQUE DU SUD ET AU CONGO-BRAZZA
Qu’est-ce qui fait courir Kabila ?
A quelque six jours de la date de clôture du dépôt des candidatures à la présidentielle du 23 décembre prochain, le président congolais, Joseph Kabila, entame une tournée qui le conduira successivement en Angola, en Afrique du Sud et au Congo-Brazzaville. Et l’on croit savoir que c’est le locataire du Palais de marbre himself, qui a pris l’initiative de cette mini-tournée auprès de ses voisins sus-cités. La question que l’on peut se poser, est la suivante : qu’est-ce qui fait autant courir, en ce moment, le maître de Kinshasa ? D’autant que l’homme est connu pour être aussi taciturne que casanier. Et l’on n’aura pas oublié la façon peu élégante dont il avait récemment éconduit les patrons de l’ONU et de l’UA en mission de bons offices pour le dissuader des intentions de troisième mandat qu’on lui prête, après avoir refusé de recevoir l’ambassadeur des Etats-Unis et même décliné une première rencontre avec son hôte d’hier, le président Joao Lourenço d’Angola.
C’est tout un peuple qui est suspendu aux lèvres de Joseph Kabila
Autant de faits qui amènent à se demander si ce n’est pas la pression de la très proche échéance des élections qui fait courir Kabila fils chez ses voisins. Mais pour quoi y faire ? Chercher du soutien en vue d’un tour pendable qu’il s’apprêterait à jouer à ses compatriotes ou faire ses adieux en gentleman respectueux de la Constitution et soucieux de la paix sociale dans son pays ? On attend de voir. Surtout qu’au même moment, c’est tout un peuple qui est suspendu à ses lèvres, attendant qu’il se décide enfin à briser le silence pour lever le voile sur ses intentions.
Cela dit, pour en revenir à ces déplacements du chef de l’Etat congolais en cette période aussi cruciale de dépôt des candidatures, tout porte à croire que c’est un Joseph Kabila acculé de toutes parts, qui cherche quelque peu à couvrir ses arrières. D’autant plus qu’il est attendu par une large frange de ses compatriotes et même au-delà, sur la question de sa candidature. D’ailleurs, le Comité laïc de coordination (CLC) avait déjà annoncé la couleur en prévoyant des manifestations d’envergure à partir de ce mois d’août. Sans doute attend-il la confirmation de la candidature de Kabila pour déclencher les hostilités. Par ailleurs, l’acquittement inattendu, en appel, par la Cour pénale internationale, d’un rival comme Jean-Pierre Bemba dont la candidature a été officialisée hier, vient davantage brouiller les cartes pour le chef de l’Etat congolais. C’est pourquoi il n’est pas exclu qu’en se déplaçant chez ses voisins qui ne sont pas des moindres, Kabila aille à la recherche de conseils pour l’aider dans sa décision. A moins que ce ne soit clairement des soutiens pour l’aider à conserver son pouvoir. Quoi qu’il en soit, on peut dire que beaucoup de Congolais attachés à l’alternance, nourrissent l’espoir que les hôtes de Kabila trouveront les mots justes pour le
dissuader de briguer un troisième mandat, qui pourrait être celui de trop. En particulier le nouveau président angolais dont la position en faveur d’une alternance en RDC, est connue et dont on dit que le pays est, de longue date, l’un des soutiens de taille de Kabila.
Plus qu’une semaine pour savoir, théoriquement, si Kabila est décidé à aller au casse-pipe
Cela dit, à travers cette visite, les deux hommes qui se regardaient jusque-là en chiens de faïence, vont-ils finir par se rabibocher, ou bien cela contribuera-t-il à creuser davantage le fossé entre eux ? On attend de voir. Mais d’ores et déjà, il y a des raisons de croire qu’il va falloir attendre le retour au bercail du président Kabila, pour trouver une réponse à cette question. Car, même si d’aventure il se décidait à quitter le pouvoir pour une raison ou pour une autre, Kabila fera tout pour que cela ait l’air d’une décision profondément personnelle et longuement réfléchie. De ce point de vue, il est peu probable que le maître de Kinshasa fasse une déclaration de l’extérieur, ne serait-ce que pour ne pas donner l’impression d’avoir été contraint par quoi que ce soit.
Mais, les espoirs de ses contempteurs pourraient tout aussi bien être douchés, car la montagne de ces visites auprès de ses pairs de la sous-région, pourrait bien accoucher d’une souris. Et Kabila pourrait regagner son pays comme si de rien n’était. D’autant plus que pour beaucoup, les récents réaménagements qu’il a opérés au sein du Conseil constitutionnel et de l’armée, ne sont pas anodins.
En tout état de cause, il ne reste plus qu’une semaine pour savoir, théoriquement, si Kabila est décidé à aller au casse-pipe, ou s’il aura ce supplément d’âme pour renoncer à une décision qui peut être lourde de conséquences pour son pays. Tout le mal qu’on souhaite à la RD Congo, c’est qu’au sortir de son périple chez ses voisins, le président Kabila soit habité par la sagesse pour éviter à son peuple, les tourments de lendemains incertains.
« Le Pays »