VOTE DE LA LOI D’AMNISTIE AU SENEGAL : Quels lendemains pour le Sénégal ?
Soumis à l’Assemblée nationale pour examen, le projet de loi d’amnistie générale initié par le président Macky Sall au lendemain du report controversé de la présidentielle initialement prévue pour se tenir le 25 février dernier, a été adopté le 6 mars dernier, par les députés réunis en séance plénière pour la circonstance. Défendu par la ministre de la Justice, garde des sceaux, il a fait l’objet de débats houleux entre les pro-amnistie menés par les députés de la majorité et les anti-amnistie conduits par des partis de l’opposition parmi lesquels on compte le PUR (Parti de l’unité et du rassemblement) de Serigne Moustapha Sy et Taxawu Senegal de Khalifa Ababacar Sall. Quant au PASTEF (Patriotes africains pour le travail, l’éthique et la fraternité) de Ousmane Sonko, la posture d’abstention qu’il avait adoptée déjà la veille lors de l’examen du projet de loi en commission, semblait en dire long sur les calculs d’intérêts qui entourent le vote de cette loi controversée et sur une position qui relève du réalisme politique. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le vote de cette loi qui est passée à l’Assemblée nationale, est loin d’être une surprise.
Le Sénégal est encore largement dans l’incertitude
Comment peut-il en être autrement quand on sait que la coalition Benno Bokk Yakaar au pouvoir qui domine déjà le parlement, n’était pas la seule à porter ce projet de loi qui avait, dès le départ, les faveurs de partis comme le PDS (Parti démocratique sénégalais) de Karim Wade qui n’espère pas moins en récolter des dividendes ? Comment peut-il en être encore autrement quand le gouvernement qui l’avait déjà adopté en Conseil des ministres, justifiait son acte par la nécessité de décrisper le climat sociopolitique en vue d’une élection apaisée ? Mais maintenant que la loi a été votée et actée, quels lendemains pour le Sénégal ? La question est d’autant plus fondée qu’en plus de faire polémique, cette loi ne manquera pas d’impacter le processus électoral en cours. A ce propos, la question fondamentale qui se pose est de savoir si le vote de cette loi entraînera le réexamen de certaines candidatures à la présidentielle, ou si le processus électoral se poursuivra avec les dix-neuf candidats admis à concourir par le Conseil constitutionnel. La question est d’autant plus importante qu’une telle éventualité ne manquerait pas de rebattre les cartes de cette présidentielle qui suscite les passions et cristallise les attentions au pays de la Teranga. L’autre grande interrogation est de savoir si en cas de validation des recommandations du dialogue national, l’échéance du 2 juin pourrait être tenue en cas de reprise totale du processus électoral. Autant de questions qui restent encore en suspens, et dont il reviendra au Conseil constitutionnel de tenir compte dans sa prise de décision. En attendant, il y a des raisons de croire que derrière cette agitation frénétique du président Macky Sall, se cache une volonté de rester le maître du jeu pour colmater les brèches et mieux construire, brique après brique, les murs de son après-pouvoir en vue de se mettre à l’abri d’éventuelles poursuites.
Macky Sall se veut le métronome de cette élection présidentielle
Comment ne pas émettre une telle hypothèse quand on voit comment le locataire du palais de la République a louvoyé avec ses compatriotes en maintenant le flou sur les intentions de troisième mandat dont l’opposition lui prêtait l’intention, pour se dévoiler tardivement dans le sens du renoncement dans les conditions que l’on sait ? Comment encore ne pas se perdre en conjectures quand on voit la décision unilatérale de report du scrutin, à la surprise générale, par le président Macky Sall, à la veille du lancement de la campagne électorale ? Aujourd’hui encore, l’opportunité du report de la présidentielle continue d’interroger au-delà même des frontières du pays au point que l’on se demande si cela ne fait pas plus de mal que de bien à la démocratie sénégalaise. Déjà, le chamboulement du calendrier électoral suscite des questionnements, à l’approche du délai constitutionnel de la fin du mandat du locataire du palais présidentiel, qui échoit le 2 avril prochain. C’est dire si le pays est encore largement dans l’incertitude, dans l’attente de la date du vote. Et si, par la suite, les pendules du processus électoral devaient être remises à l’heure, c’est une situation qui ne manquera pas de faire jurisprudence au Sénégal. En attendant, avec ce vote qui le renforce un peu plus dans sa démarche, Macky Sall se veut le métronome de cette élection qui se fera sans lui, mais dont il tient à imprimer le tempo.
« Le Pays »