8ès JEUX DE LA FRANCOPHONIE EN RCI : On va s’amuser, la peur au ventre
Aujourd’hui, 21 juillet 2017, s’ouvre à Abidjan en Côte d’Ivoire, la huitième édition des Jeux de la Francophonie. Pendant dix jours, la capitale économique ivoirienne vibrera au son des chants et des danses des supporters ainsi que des performances des 4 000 athlètes venus de 53 pays ayant en partage le Français dans le monde, qui rivaliseront dans les domaines artistiques et sportifs. C’est donc à une véritable fête populaire que les organisateurs de cet événement sportif quadriennal lancé en 1987 en réponse aux Jeux du Commonwealth qui regroupent les pays anglophones, invitent le public abidjanais. Mais dans le cas d’espèce, l’on est porté à croire que sur les bords de la lagune Ebrié, l’on va s’amuser, la peur au ventre. Et pour cause. Depuis qu’une partie de la soldatesque est à couteaux tirés avec le pouvoir central pour des questions de primes, de nombreuses villes ivoiriennes sont loin de connaître la quiétude. Sont de celles-là la Perle des lagunes, Abidjan, qui abrite ces Jeux.
Ces Jeux ne s’annoncent pas sous les meilleurs auspices
Et ces bruits de bottes incessants ne sont pas de nature à rassurer les visiteurs et leurs hôtes. D’autant plus que bien avant la tenue de l’événement, des soldats mutins et autres démobilisés avaient clairement affiché leur intention de perturber la compétition, s’ils n’obtenaient pas gain de cause. Et voilà qu’à deux jours de l’ouverture des Jeux, des éléments armés incontrôlés ont fait parler la poudre à Abidjan, alors même que les premières délégations commençaient à prendre leurs quartiers au « Village des Jeux ». Une mauvaise publicité dont aurait certainement aimé se passer le président Alassane Dramane Ouattara (ADO) qui, la veille déjà, avait procédé à un léger remaniement ministériel qui a vu, dans ce contexte trouble de revendications, le maroquin de la Défense échoir à Ahmed Bakayoko, un proche parmi les proches, qui a visiblement pour mission de mieux tenir des troupes qui semblent avoir pris trop de libertés avec la discipline qui fait la force des armées, au point de rompre régulièrement le silence qui est pourtant l’une des caractéristiques fondamentales de la Grande muette. Le moins que l’on puisse dire, c’est que malgré les efforts déployés par les autorités ivoiriennes, ces Jeux ne s’annoncent pas sous les meilleurs auspices. Car, ils s’ouvrent dans un contexte de morosité économique qui est en passe de l’emporter sur l’adhésion des populations à cette fête de la culture et du sport, en plus des soucis sécuritaires qui troublent le sommeil des organisateurs. Cela dit, il faut déplorer le contexte de tensions dans lequel se tiennent ces 8ès Jeux de la Francophonie qui, au-delà de la compétition, étaient censés montrer à la face du monde que la Côte d’Ivoire a définitivement renoué avec la paix. Toute chose qui devrait concourir à ramener la confiance totale des investisseurs qui hésitent encore à franchir le pas. Mais en persévérant dans cette crise, la Côte d’Ivoire montre qu’elle n’est pas encore guérie de sa maladie. L’objectif n’est certainement pas de faire du mal aux nombreux hôtes venus prendre part à la compétition. Mais en cristallisant les passions de la sorte et en attirant l’attention de cette manière, les Ivoiriens sont en train de se tirer une balle dans le pied en vendangeant le capital de sympathie et de confiance nourri à l’endroit de leur pays. Et c’est tout le pays qui sortira perdant de cette situation. Car, ce n’est ni plus ni moins qu’une façon de détourner l’intérêt des autres nations de la Côte d’Ivoire, en envoyant un tel message d’instabilité. C’est pourquoi, quelles que soient les raisons, il faudrait savoir raison garder. Car, il s’agit, ici, de la Côte d’Ivoire, de son image et de sa réputation.
Tout le mal que l’on peut souhaiter à la Côte d’Ivoire, c’est de réussir ces Jeux
En tout état de cause, l’on peut même se demander si la prise en otage de ces Jeux sera la solution aux différents problèmes soulevés. L’on peut en douter. Car, l’on ne voit pas comment cela pourrait décider les autorités à revenir sur leur position. Par contre, l’on peut être sûr que si la situation perdure et que la sérénité ne revient pas, cela portera un coup sérieux à l’image du pays. Et dans le cas d’espèce, il faut toucher du bois pour que rien de fâcheux n’arrive à un athlète, du fait de ces événements. D’autant plus que dans ce contexte d’insécurité sous-régionale, la menace terroriste n’est jamais vraiment loin. Et Dieu seul sait si ces apôtres de l’apocalypse sont friands de tels événements d’envergure qui donneraient indubitablement une dimension particulière à leurs actions d’éclat. C’est pourquoi il faut saluer l’attitude des autorités ivoiriennes qui semblent avoir pris toute la mesure de la menace en ne lésinant pas sur les moyens pour assurer la sécurité des Jeux. Grand-Bassam est encore frais dans les mémoires et les autorités d’Abidjan sont bien placées pour savoir que leur pays est dans le collimateur de ces extrémistes.
En tout état de cause, tout le mal que l’on peut souhaiter à la Côte d’Ivoire, c’est de réussir ces Jeux qui, au-delà de la compétition et des retombées économiques pour le pays organisateur, véhiculent des valeurs de solidarité et de fraternité au sein de la jeunesse francophone. Reste maintenant à espérer que par leurs prestations, les athlètes venus du monde entier, donneront une tout autre saveur à cet événement et feront oublier, un tant soit peu aux Ivoiriens, les difficultés du moment. C’est aussi ce à quoi concourent le sport et la culture.
« Le Pays »