CONVOCATION DE L’EX-GOUVERNEUR DU KATANGA : Qui veut tuer Katumbi l’accuse de mercenariat
Moïse Katumbi est dans le collimateur de la Justice congolaise. Celle-ci veut l’entendre à propos d’une enquête ouverte sur demande du ministre congolais de la Justice. Il est reproché à l’ex-gouverneur du Katanga, d’avoir recruté des mercenaires, notamment américains. Ce lundi 9 mai 2016, le désormais ennemi juré de Joseph Kabila, devrait donc répondre à un « deuxième mandat de comparution » du Parquet général de Lubumbashi. En fait, les ennuis judiciaires de Moïse Katumbi n’ont rien de surprenant. Sous les tropiques africains, c’est généralement le sort réservé aux hommes du sérail qui osent défier le chef, en décidant de rompre les amarres. En représailles, ils sont toujours ou presque, soumis à une longue traversée du désert ! En tout cas, tant qu’il faisait l’affaire voire le bonheur de Kabila et ne se prenait pas à rêver d’être calife à la place du calife, l’ex-gouverneur du Katanga était un ange. Un ange subitement devenu démon, dès lors qu’il a bruyamment claqué la porte du parti au pouvoir et décidé de croiser le fer avec Kabila sur le terrain politique. Le divorce à présent consommé, il ne fait aucun doute que pour le satrape congolais, la fin justifiera les moyens pour abattre son nouvel et redoutable adversaire déclaré. Et dans le cas d’espèce, on peut dire de Kabila que « qui veut tuer Katumbi l’accuse de mercenariat ». Cela dit, si le patron du Tout-Puissant Mazembe affiche la sérénité face aux faits dont on l’accable, il devrait toutefois se donner toutes les chances de triompher d’une Justice dont l’indépendance s’arrête aux portes du Palais de la République. C’est connu, en RDC comme dans toutes les Républiques du Gondwana, les institutions judiciaires sont généralement des instruments aux mains des satrapes qui s’en servent à leur guise. Mais Kabila aurait tort de croire que c’est de cette façon qu’il vaincra le péril Katumbi. Assurément, Katumbi fait peur. Il donne des insomnies au pouvoir congolais qui affiche une fébrilité à nulle autre pareille, depuis l’annonce officielle de sa candidature au scrutin présidentiel. Quoi de plus normal ! Katumbi n’est pas n’importe qui ! Riche comme Crésus, donc difficilement corruptible, contrairement à bien des opposants de la RDC comme d’ailleurs, que les satrapes parviennent à « acheter », il a aussi pour lui la sympathie de nombreux Congolais.
Le président congolais devrait savoir qu’à force de semer le vent, il finira par récolter la tempête
Autrement dit, un personnage de grande stature que le pouvoir congolais avait tout à gagner en l’ayant avec lui plutôt que contre lui aujourd’hui. A présent que cet allié de taille s’est affranchi, Kabila se fait sans nul doute du mauvais sang. La menace est d’autant plus sérieuse que les autocrates sont aujourd’hui bien payés pour savoir que leurs malheurs commencent quand survient l’implosion de leur parti. De fait, l’expérience a montré qu’en Afrique, l’alternance démocratique devient réalité seulement quand le parti au pouvoir se voit voler en éclats. Cela a été le cas au Burkina Faso, avec le départ fracassant de Roch Marc Christian Kaboré du CDP, ex-parti au pouvoir ou au Bénin avec le divorce entre Patrice Talon et Boni Yayi.
Mais est-ce une raison suffisante pour casser du Katumbi ? En tout cas, en s’en prenant à son désormais ennemi juré, Kabila le rend davantage sympathique. Plus il multiplie les attaques en dessous de la ceinture, plus il s’enfonce lui-même. Seuls ses courtisans et autres nègres de service sauraient l’encourager dans cette voie suicidaire, eux qui se servent de ce jeune quadra comme d’un instrument pour conserver leurs privilèges.
Si Kabila est visiblement décidé à obtenir, par tous les moyens, le scalp de Katumbi, comment assurer la sécurité de cet opposant ? Même s’il était innocent, Katumbi pourrait finir en prison, car, après tout, on est en RDC où rien n’a jamais vraiment tourné rond en matière de démocratie et de respect des droits de l’Homme. Le scénario du pire n’est pas à exclure non plus pour Katumbi. C’est dire si quelque chose doit être fait avant qu’il ne soit trop tard. Et en cela, la coalition d’opposants qui avait appelé à sa candidature, ne doit pas croiser les bras face à la manifeste cabale dirigée contre lui. Il ne doit pas avoir le sentiment d’avoir été abandonné au milieu du gué. L’Union africaine (UA) devrait aussi se sentir l’obligation morale de donner de la voix car il s’agit à présent de sauver le soldat Katumbi. Pour en revenir aux faits à lui reprochés, Moïse Katumbi affirme avoir demandé une enquête avec la participation de la communauté internationale. Si ce n’est une preuve de sa bonne foi, cela y ressemble. Et puis, il y a ce communiqué de l’ambassade des Etats-Unis, qui dément que les Américains cités dans l’affaire, soient des mercenaires. Cela suffira-t-il au pouvoir congolais pour revoir sa copie ? Rien n’est moins sûr, surtout quand on est dans une logique de démolition d’un adversaire hautement gênant et très craint. Ce dernier a, du reste, dénoncé la perquisition d’une de ses propriétés, une ferme située à 20 km de Lubumbashi, sans sa présence ni celle de ses avocats. Cet acte pour le moins suspect et inélégant, met davantage à nu, la mauvaise foi du pouvoir congolais. Qui dit d’ailleurs que cette perquisition en l’absence de l’opposant, n’a pas été l’occasion de « fabriquer » des preuves, d’enfouir des « pièces à conviction » qu’on exhumera en temps opportun? Mais le président congolais devrait savoir qu’à force de semer le vent, il finira, tôt ou tard, par récolter la tempête. Une tempête dont on espère qu’elle lessivera la République dite démocratique du Congo, des excès de Kabila et de ceux de son clan.
« Le Pays »