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INSTALLATION DE LA NOUVELLE LEGISLATURE SOUS HAUTE TENSION AU BENIN :


 

Au terme d’un scrutin largement contesté, qui aura exclu l’opposition et dont l’issue aura été émaillée de violences, les quatre-vingt-trois nouveaux députés béninois ont monté, pour la première fois, les marches de l’Assemblée nationale le 16 mai dernier. C’est dans une atmosphère extrêmement tendue et potentiellement volatile que la nouvelle législature a pris fonction ! S’il y a eu plus de peur que de mal en ce qui concerne les craintes de nouvelles violences, on peut dire que l’impressionnant dispositif sécuritaire déployé pour la circonstance à Cotonou et à Porto-Novo surtout où siège le Parlement traduit à quel point le régime a tenu mordicus à installer cette nouvelle Assemblée contre vents et marées. Malgré donc la récente et mémorable tribune ouverte de la cinquantaine d’intellectuels et autres appels, notamment ceux des organisations sous- régionales et continentales, des chancelleries occidentales, à invalider les résultats des législatives du 28 avril dernier, ainsi que les mises en garde de l’Eglise catholique béninoise, etc., le président béninois n’aura pas jugé nécessaire de tourner…les talons. Leur cri du cœur aura donc eu le même effet que celui de l’eau sur les plumes d’un canard. Mû par le sentiment d’être quasiment parvenu à ses fins avec l’installation de la 8e législature, le président Patrice Talon peut boire à présent son petit lait. Mais attention à l’indigestion. Car, cette « victoire » qu’il vient de remporter (mais peut-être pas la bataille) pourrait se retourner contre lui. En effet, le tout n’est pas de réussir le tour de force d’imposer un Parlement monocolore et à sa solde.  Gérer la situation après coup, risque de constituer un véritable pensum. En tous les cas, en faisant le dos rond et en n’ayant cure des nombreux appels à l’invalidation des résultats de ce scrutin, le président béninois vient de fabriquer un monstre qu’il ne sera certainement pas en mesure d’apprivoiser : un Bénin plus que jamais divisé. Pire, il manque là, l’occasion de se rabibocher avec un peuple profondément amer et groggy et ôte à son pays, les chances qu’il lui restait encore, de colmater les dangereuses brèches que ces élections atypiques ont laissé ouvertes. En tout état de cause, l’installation manu militari, de ces députés, ouvre une grande période d’incertitudes, du moment que le débat n’a toujours pas été épuisé sur la légitimité de ceux qui sont censés être les représentants du peuple béninois. Emanent-ils réellement de la volonté populaire ? Rien n’est moins sûr. Il n’est donc pas exclu que ce peuple adopte une posture de défiance vis-à-vis de ce Parlement et entre en résistance ouverte. Dans un tel scénario, Talon pourrait le payer au prix fort. Car, c’est le reste de son mandat qui pourrait être mis à rude épreuve, face à un peuple qui ne s’avouerait pas vaincu. Ce n’est pas en usant de la force de dissuasion comme on le voit en ce moment, qu’il sortirait vainqueur d’un bras de fer que le peuple béninois viendrait à engager avec lui. Pour l’illustre magnat de la filière cotonnière du Bénin, ce serait, assurément, très risqué, à court ou à long terme. Mais à qui la faute ? Faut-il plaindre cet homme d’affaires passé président, s’il s’est inscrit dans une logique de détricotage de l’héritage démocratique qui faisait, jusqu’ici, la fierté de l’ex-Dahomey ? Une chose est sûre : tôt ou tard, il lui faudra faire ses cartons au Palais de la Marina. Et, sans doute, rendre des comptes un jour. Quelle image le président Patrice Talon voudrait-il laisser à la postérité ? Cette question habite-t-elle constamment l’homme ? Est-elle celle des députés qui viennent d’être installés malgré le large mécontentement populaire mais qui, de toute apparence, ont choisi de se mettre au service d’un homme plutôt que de celui du peuple ? On peut en douter. Cela dit, les récents événements devraient pousser le peuple béninois à l’introspection, notamment à se demander si sa préférence pour Patrice Talon lors de la dernière présidentielle, a été plutôt mue par l’empathie, à l’époque où l’homme le plus riche du Bénin accusait le président d’alors, Yayi Boni, de persécutions. Si ce peuple a été guidé par ce sentiment, la présente gouvernance décriée de Talon, lui offre l’occasion de tirer toutes les leçons du passé, pour l’avenir.

Cheick Beldh’or SIGUE


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