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MESURES PREVENTIVES CONTRE LE COVID-19 EN AFRIQUE


L’Afrique, jusque-là relativement épargnée par l’épidémie du coronavirus, commence à se relever de ses illusions selon lesquelles le climat chaud du continent serait un frein à la propagation du virus. En effet, ces derniers jours, de nombreux Etats sur le continent, se lançant dans la dynamique mondiale du confinement, ont annoncé une batterie de mesures préventives, avec pour dénominateur commun l’interdiction des rassemblements des populations.  Alors que les populations s’inquiètent de l’impact de ces mesures sur leur quotidien, dans certains pays africains, les dirigeants qui faisaient face à des mouvements de contestations se frottent les mains. Le COVID-19 sert d’alibi pour casser la dynamique de la fronde sociale. C’est le cas en Guinée où le président Alpha Condé, prenant prétexte de la pandémie, a ajourné la visite de ses pairs africains qui s’étaient fixé pour mission de le ramener à la raison dans son projet de modification constitutionnelle pour s’accrocher au pouvoir.

La tendance des tenants du pouvoir est d’en user pour contenir les mouvements sociaux

C’est aussi le cas au Niger où la pandémie a servi de prétexte à une violente répression d’une manifestation avec à la clé des morts sur le carreau. Au Burkina Faso, même si l’affrontement a été évité de justesse autour de la marche projetée par le mouvement syndical, le 17 mars dernier, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer l’utilisation du coronavirus pour tenter de noyer la contestation. Si l’on ne peut remettre en cause la justesse des mesures prises par les pouvoirs publics aux fins de freiner l’expansion de la maladie, force est d’admettre que, tout comme le terrorisme, la tendance des tenants du pouvoir est d’en user pour contenir les mouvements sociaux. Mais la question que l’on peut se poser est de savoir s’il existe un secteur de l’organisation humaine qui est à l’abri des conséquences de cette pandémie. En tout cas, les libertés démocratiques, même dans les pays occidentaux qui en ont développé les modèles les plus achevés, sont mises à rude épreuve par la pandémie, à commencer par les plus élémentaires comme la liberté de déplacements et la liberté de réunions. Quoi qu’il en soit, les dirigeants africains qui usent du COVID-19 pour mettre sous le boisseau les revendications politiques et sociales de leurs peuples, doivent se mettre à l’idée qu’il ne s’agit que d’un court répit et que les grandes tragédies humaines constituent souvent le terreau de grands bouleversements politiques, économiques et sociaux. Tout laisse croire que dans le cas d’espèce, il y aura un avant COVID-19 et un après COVID-19 et les dirigeants qui l’ont compris, ont usé de la pandémie pour négocier avec leurs peuples une trêve sociale en renonçant comme l’a fait Emmanuel Macron en France, à certaines réformes impopulaires.  Cela dit, l’on peut se demander si les mesures prises par les dirigeants africains, aussi coercitives soient-elles, suffisent à endiguer l’expansion de la maladie sur le continent. Ils sont, en tout cas, nombreux ceux qui en doutent et se demandent encore pourquoi les Etats ne ferment pas les frontières aériennes, maritimes et terrestres pour s’isoler comme le font les Etats européens.

L’Afrique ne peut pas se payer le luxe d’une épidémie comme on la vit en Italie ou en France

L’incident du vol d’Ethiopian Airlines à Ouagadougou, le 16 mars dernier, semble apporter de l’eau au moulin de ces partisans du repli sur soi et vient donner raison à des Etats comme le Maroc ou l’Algérie ou encore le Sénégal, qui ont suspendu les liaisons aériennes avec certains pays de l’Europe devenue l’épicentre de la pandémie, après la Chine. Mais l’on comprend l’embarras des pouvoirs publics qui redoutent les conséquences économiques de cette fermeture des frontières.
En effet, nul n’ignore les tragiques répercussions de cette pandémie sur de nombreux secteurs de l’activité économique. A la crise sanitaire, les décideurs politiques craignent de voir se greffer une crise économique dont les effets sont aussi dévastateurs. C’est donc à un véritable dilemme que font face les gouvernants en Afrique.  Quoi qu’il en soit, une chose est certaine. L’Afrique dont on connaît la fragilité des systèmes sanitaires et qui fait déjà face à de nombreuses maladies ravageuses comme le paludisme et autres, ne peut pas se payer le luxe d’une épidémie comme on la vit en Italie ou en France. C’est donc le moment ou jamais de briser les chaînes de la propagation du virus par des mesures audacieuses. Mais là aussi, le premier pas revient aux dirigeants. En attendant de voir les effets des décisions prises au sommet des Etats, les populations africaines à la base, se doivent aussi de s’impliquer pleinement dans la lutte contre le coronavirus. Et cela commence par le respect des consignes et des gestes barrières édictés par les autorités sanitaires. Cela passe aussi et surtout par l’émergence d’une nouvelle citoyenneté à l’africaine où chacun se sent solidaire et responsable de la santé de l’autre. Et en la matière, le continent a peu à apprendre des autres parties du monde, tant il est établi dans nos traditions que ce que nous sommes, nous le devons aux autres. C’est d’ailleurs ce que véhicule le concept de « Ubuntu » dans les langues bantou : « Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous ». C’est donc en asseyant sa citoyenneté sur ses propres valeurs sociales et culturelles que l’Afrique, connue pour la porosité de ses frontières, peut durablement freiner le coronavirus.

« Le Pays »


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