HomeA la unePrésidentielle en Côte d’Ivoire 

Présidentielle en Côte d’Ivoire 


 

Quarante huit heures après la tenue de l’élection présidentielle entachée comme chacun le sait déjà de saccages de matériel électoral et de violences physiques notamment dans les zones acquises à l’opposition politique, la commission électorale indépendante n’a toujours pas « officialisé » la victoire nette et sans bavure du candidat à sa propre succession, Alassane Ouattara sur ses adversaires. Il ne fait l’ombre d’aucun doute en effet que le président sortant l’emportera  avec  un score fleuve, et ne laissera que des miettes qui seront éparpillées entre les trois autres candidats officiels que sont Kouadio Konan Bertin, Henri Konan Bédié et Pascal Affi Nguessan. Mais si la messe sera dite pour ces trois derniers, pour Alassane Ouattara c’est un quinquennat lourd de dangers qui pourrait s’ouvrir dès la confirmation de sa victoire par le Conseil constitutionnel, au regard des tensions politiques grandissantes dans le pays depuis qu’il a déclaré et maintenue sa candidature à cette présidentielle. La situation est d’autant plus inquiétante que des têtes brulées de l’opposition comme Affi Nguessan, Simone Gbagbo et Guillaume Soro disent ne plus le reconnaitre comme le président de la République de Côte d’Ivoire, car selon eux, il n’y a pas eu d’élection présidentielle samedi dernier  au regard du refus de l’écrasante majorité des Ivoiriens d’aller voter. Leur appel à la mise en place d’un gouvernement de transition qui sera chargé d’organiser de nouvelles élections plus ouvertes et transparentes, a certainement fait siffler les oreilles d’Alassane Ouattara qui, on s’en doute, va y opposer une fin de non recevoir.  N’ayant pas pu empêcher la tenue du scrutin le 31 octobre comme elle  l’avait promis, l’opposition dont la stratégie de lutte est jusqu’ici indéchiffrable opte donc à l’évidence pour la non reconnaissance du futur président, en fondant son argumentaire sur le fait que la majorité des électeurs potentiels ont boudé les urnes, là où ces dernières ont échappé aux flammes. A vrai dire, la question n’est plus de savoir si le favori du scrutin va laminer son vis-à-vis, mais plutôt avec quelle légitimité va-t-il diriger un pays politiquement et ethniquement fracturé comme la Côte d’Ivoire, quand on sait que de nombreux bureaux de vote sont restés tout simplement vides comme le cerveau d’un Bwaba de Kongolekan, pendant toute la journée électorale du samedi.  Certes, ce scrutin n’a pas suscité autant d’engouement que celui de 2010 où 83% des électeurs avaient pris d’assaut les urnes, mais il pourrait ne pas être pire en terme d’abstention quand on sait que lors de la présidentielle de 2000, on avait enregistré seulement 37,42% de taux de participation. Par ailleurs, le nombre relativement faible d’électeurs à l’occasion de cette présidentielle ne signifie pas forcément que tous ceux qui n’ont pas glissé leurs bulletins dans l’urne ne reconnaitraient pas le futur vainqueur comme président ou auraient obéi au mot d’ordre de boycott actif ; certains d’entre eux ont peut-être juste préféré rester à la maison pour des raisons de sécurité ou aller à la pêche à cause du manque d’enjeu comme ce fut le cas en 2015 où, bien qu’il n’y avait pas de tensions perceptibles sur le terrain, le taux de participation n’était pour ainsi dire que de 52,86%. Si on ajoute à toutes ces hypothèses le fait que c’est moins d’une centaine sur les 22 381 bureaux qui ont été fermés ou mis à sac, on peut dire que le dossier du procès en légitimité déjà engagé par les ténors de l’opposition contre Alassane Ouattara risque de ne pas être recevable par certains Ivoiriens et par la communauté internationale, surtout que les votes se sont déroulés dans un calme relatif au centre, au nord, dans l’ouest montagneux et dans la métropole d’Abidjan qui est tout de même le plus gros réservoir d’inscrits sur les listes électorales. Cela dit, même si Alassane Ouattara venait à l’emporter avec un taux de participation moyen et un score à la Noursoultan Nazarbaiev, il devra se rendre à l’évidence qu’il ne pourra gouverner ce pays frondeur qu’avec l’implication ou la contribution de tous. Dans cette perspective, et avec la crise postélectorale qui se dessine, il est fort probable que la CEDEAO et l’Union africaine jouent les intercesseurs ou les entremetteurs dès le lendemain de la proclamation des résultats afin de désamorcer cette bombe à fragmentation que les hommes politiques toutes tendances confondues, pourraient être tentés de larguer encore une fois sur ce beau pays, juste pour protéger leurs intérêts individuels ou pour accéder aux privilèges du pouvoir. Espérons que la jeunesse ivoirienne est désormais clairvoyante et avisée, et ne se laissera plus instrumentalisée ou dupée par des politiciens de carrière qui ont pris l’habitude de se servir d’elle comme escabeau ou comme chair à canon  pour parvenir à leurs fins. Car, et le comble, c’est qu’une fois qu’ils ont atteint leurs funestes objectifs, ces entrepreneurs de la haine viendront, toute honte bue, s’arrêter ensemble devant ceux qu’ils avaient injustement dressé les uns contre les autres pour parler de réconciliation entre tous les ennemis d’hier, et de redistribution des cartes ou des postes, mais cette fois-ci uniquement entre eux, leaders politiques, sous la forme d’un gouvernement dit d’ouverture de crise ou d’union nationale.

Hamadou GADIAGA


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