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PRESIDENTIELLE EN GUINEE  


Depuis qu’il s’est autoproclamé vainqueur de la  présidentielle du dimanche dernier, Cellou Dalein Diallo, le leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), est en prison chez lui à domicile. L’armée a, en effet, bouclé les voies d’accès à la résidence de l’opposant qui y vit reclus avec certains cadres de son parti. Si l’on voulait encore la preuve que la Guinée d’Alpha Condé est une république bananière, l’on ne peut trouver mieux que cet embastillement de l’opposant. En effet, si personne ne peut nier le fait que le challenger du président Alpha Condé a pris des libertés avec la loi électorale, l’on peut tout de même se poser la question suivante : quelle est la base légale de la décision qui consiste à mobiliser les forces armées nationales pour le priver de sa liberté d’aller et de venir ? Et à supposer même que la loi prévoie des sanctions pour l’écart de conduite que l’opposant a eu, dans une république civilisée, ce serait la Justice qui se serait saisie de la question et aurait prononcé et fait exécuter la sentence conformément aux règles en vigueur. Mais l’on est au pays ou du moins dans le royaume d’Alpha Condé où seule compte la volonté du prince régnant. 

 

 

La célérité dans la proclamation des résultats aurait eu l’avantage d’ajouter à la transparence et à la crédibilité du scrutin en Guinée

 

Et parmi les institutions les plus inféodées au tyran, figure la Commission électorale nationale indépendante (CENI) qui n’est véritablement indépendante que de nom. Et pour cause. D’abord, cet organe chargé de l’organisation des élections en Guinée, a largement dépassé ses prérogatives en allant jusqu’à menacer de sanctions le candidat de l’opposition. En effet,  de quels pouvoirs légaux de sanctions dispose la CENI dont le rôle n’est certainement pas de dire le droit en lieu et place du juge ? On peut répondre par la négative mais dans la jungle guinéenne, il faut savoir lire entre les lignes. Et en s’essayant à cet exercice, point n’est besoin d’être rompu à l’art du maraboutage pour comprendre que les sanctions brandies par la CENI ne sont rien d’autre que le tripatouillage de la vérité des urnes en défaveur de l’opposant incriminé. Ensuite, l’inféodation de la CENI au pouvoir en place, s’explique par son refus manifeste de la transparence. Elle aurait pu, en effet, compte tenu de tous les soupçons qui planaient sur elle, réunir toutes les conditions techniques pour livrer les résultats de l’élection dans les plus brefs délais comme l’on a pu le voir dans différentes consultations électorales sur le continent. A titre d’exemple, l’on peut citer le cas du Burkina Faso en 2015 où le jour-J, à minuit, les résultats étaient déjà connus. La célérité dans la compilation et la proclamation des résultats aurait eu l’avantage d’ajouter à la transparence et à la crédibilité du scrutin en Guinée. Du même coup, elle aurait arraché à Cellou Dalein Diallo toute possibilité de s’adjuger indûment la victoire et tout argument de contestation des résultats de l’élection.

 

 

Les signes avant-coureurs d’une forte déflagration sont réunis

 

 

Mais la CENI a refusé cette voie de la transparence pour s’engager sur des chemins tortueux avec de nombreux détours favorables aux braquages et autres guet-apens. De ce fait, on peut lui faire porter la responsabilité tous les dérapages du processus électoral. Si donc, la Guinée venait à brûler, ce serait par sa faute. L’un dans l’autre, on peut donc comprendre pourquoi le domicile de Cellou Dalein Diallo est assiégé. L’objectif est de limiter sa marge de manœuvre pour qu’il ne puisse pas suivre en temps réel les étapes cruciales du processus électoral et surtout, pour qu’il ne puisse pas organiser et lâcher ses troupes dans la rue pour mettre fin à cette mascarade orchestrée par la CENI. Et l’on peut bien se demander pourquoi la communauté internationale qui s’est empressée de blâmer l’opposant quand il s’est précipité de proclamer sa victoire, décide paradoxalement de fermer les yeux sur l’embastillement dont il est victime.  C’est dans ce contexte de jeu trouble que la CENI a commencé, contre toute attente, à publier les résultats encore très parcellaires et partiels du scrutin, dévoyant même son propre calendrier initial. L’on peut s’interroger sur cette brusque accélération du processus. Est-ce du fait de la pression exercée par la revendication de la victoire par Cellou Dalein Diallo ? Ou alors est-ce pour faucher l’herbe sous les  pieds de l’opposant en montrant que la vérité des urnes est contraire à ses prétentions ? L’on est plus tenté de croire à la seconde hypothèse car, si la CENI voulait désavouer publiquement l’opposant, elle n’aurait pas mieux fait que de proclamer les résultats de circonscriptions administratives largement favorables à Alpha Condé.  Mais en proclamant les résultats au moment même où l’un des candidats n’est pas libre de ses mouvements pour participer pleinement au processus électoral, on se demande si ce n’est pas une bombe à retardement que l’organe chargé des élections en Guinée est en train de fabriquer en semant ainsi les graines de la contestation. En tout cas, tous les signes avant-coureurs d’une forte déflagration sont réunis avec ces morts que l’on ramasse déjà dans les rues de Conakry.

 

« Le Pays » 

 


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