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RESULTATS DEFINITFS DE LA PRESIDENTIELLE CONGOLAISE


Quand la Cour constitutionnelle fauche l’herbe sous les pieds des sapeurs-pompiers de l’UA

Les juges de la Cour constitutionnelle congolaise viennent de valider les résultats de la présidentielle tels qu’ils ont été proclamés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). En effet, les Sages ont considéré la demande de correction des résultats introduite par la dynamique de l’opposition et Martin Fayulu comme recevable mais « non fondée faute de preuves ». A l’occasion, Corneille Nangaa et son équipe ont pratiquement été encensés pour avoir « produit des résultats authentiques et sincères ». Cette décision irrévocable de la Cour constitutionnelle faisant désormais de Félix Tshisékédi le successeur officiel de Joseph Kabila, est loin d’être une surprise.

Tshisékédi a vaincu sans avoir raison

En réalité, tous les observateurs avertis de la scène politique congolaise ne s’attendaient pas à un autre avis, tant Joseph Kabila avait réglé les choses de sorte à obtenir une symphonie parfaite entre la CENI et la Cour constitutionnelle. De ce fait, ce dénouement de la présidentielle s’apparente à une victoire de Kabila. En tout cas, il apparaît désormais comme la superstar. En effet, tout le scénario qu’il a écrit de ses mains a été exécuté, peut-on dire, à la virgule près. Certes, il va falloir qu’il fasse ses valises et qu’il quitte le Palais de marbre de Kinshasa mais la probabilité est forte qu’il ait encore une mainmise sur les institutions de la République au regard des résultats « brillantissimes » engrangés par son camp aux législatives et aux provinciales. Et la présidentielle qu’il a bien voulu concéder à l’opposant Tshisékédi, avec la complicité manifeste de la CENI et de la Cour constitutionnelle, peut être décryptée comme le moindre mal pour lui. Sacré Kabila ! L’homme avait rêvé de cet épilogue. Et il peut tranquillement se retirer dans sa ferme pour jouir de son statut d’ancien chef de l’Etat et laisser Tshisékédi casser du Fayulu. Et ce dernier serait bien inspiré de cesser de rêver. Car, il peut se convaincre que l’appel qu’il vient de lancer aux Congolais à organiser « des manifestations pacifiques sur toute l’étendue du territoire national » pour protester contre la décision de la Cour constitutionnelle, a peu de chances de prospérer. Il peut d’autant plus s’en convaincre qu’en Afrique, plus qu’ailleurs, la politique, pour reprendre Cheik Hamidou Kane, est comme la guerre c’est-à-dire : « l’art de vaincre sans avoir raison ». Et dans le cas d’espèce, l’on peut prendre le risque d’affirmer que Tshisékédi a vaincu sans avoir raison. Et sous nos tropiques, après une élection, les gens se préoccupent plus de savoir qui a vaincu plutôt que de savoir de quelle manière il a triomphé. De ce point de vue, seul Dieu peut contrarier la volonté des dictateurs et des imposteurs. En tout cas, l’une des principales leçons que l’on peut tirer de la présidentielle congolaise est qu’en Afrique centrale et plus particulièrement chez les Bantou, la vérité des urnes est une vue de l’esprit. Et Martin Fayulu et l’Eglise catholique et de manière générale tous ceux qui croient encore en la vertu des urnes dans la mise en place de la démocratie, viennent de l’apprendre à leurs dépens. De la même manière que le Gabon a eu son Jean Ping et le Mali son Soumaïla Cissé, la RDC a désormais son Martin Fayulu. Et les marches de protestation contre la décision de la Cour constitutionnelle auxquelles il invite ses compatriotes ne feront pas de lui le successeur de Joseph Kabila.

C’est en médecin après la mort que l’UA veut se rendre au Congo

L’on peut même craindre qu’elles n’aboutissent à l’effet contraire pour Fayulu, c’est-à-dire la prison ou l’exil forcé. Et ce dernier fait davantage preuve de naïveté politique quand il appelle la communauté internationale à la rescousse. En effet, les grands pays qui font la pluie et le beau temps au sein de cette fameuse communauté internationale, sont plus préoccupés par la qualité des minerais de la RDC que par celle de sa démocratie. Et pour sûr, on les verra très bientôt faire les yeux doux à Félix Tshisékédi à l’effet de s’arracher les contrats les plus juteux en matière d’exploitation des immenses gisements du pays. Martin Fayulu aurait également tort de croire que l’UA dont le déplacement à Kinshasa a été finalement annulé, peut sauver la démocratie en RDC. Le seul mérite de cette institution, si c’en est un, c’est d’avoir incité, peut-on dire, la Cour constitutionnelle à faire diligence dans la validation des résultats de la présidentielle. L’arrivée donc de ces sapeurs-pompiers de circonstance, était sans objet. Car la Cour constitutionnelle lui a déjà coupé l’herbe sous les pieds, foulant ainsi au pied sa demande impérative de recomptage des voix. En réalité, cette façon de la Cour constitutionnelle de mettre l’UA devant le fait accompli pourrait ne pas irriter outre mesure bien des membres de cette institution.

En effet, certains de ses membres pourraient être bien gênés de jouer aux sauveurs de la démocratie en RDC alors que chez eux, le pronostic vital de cette valeur est engagé depuis toujours.

De ce point de vue, l’on peut dire que la Cour constitutionnelle, en précipitant les choses, a abrégé leur supplice. Pour Paul Kagamé par exemple, l’on peut parier que cette mission se présentait comme la plus délicate de son mandat. Il en est de même pour les ¾ de cette fameuse délégation. Et dans l’hypothèse où la délégation de l’UA maintiendrait malgré tout son déplacement de Kinshasa, l’on peut être sûr qu’elle changera de posture et de rhétorique. Car, à l’UA, l’hypocrisie et l’opportunisme sont les choses les mieux partagées. Si cette structure était motivée par la volonté de sauver réellement la démocratie au Congo, elle n’aurait pas laissé le fantôme prendre place dans la maison avant de refermer la porte.   En tout cas, tous ont été témoins des misères que Joseph Kabila a infligées au processus électoral de son pays. Et personne n’avait daigné lui dire quoi que ce soit. Aujourd’hui, c’est en médecin après la mort qu’ils voulaient se rendre au Congo. Et ils devraient en avoir honte. Quant à Félix Tshisékédi, l’histoire le jugera cruellement s’il venait à trahir l’espoir de changement démocratique que son père a incarné jusqu’à sa mort. En tout cas, il a cinq ans pour apporter la preuve qu’il ne marche pas sur les traces de Joseph Kabila. Mais pour cela, il doit au plus vite donner des gages, poser des actes forts allant dans le sens de la rupture, la vraie.

 

« Le Pays »


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