SECOND TOUR DES LEGISLATIVES AU MALI
Les électeurs maliens ont été de nouveau appelés aux urnes, hier, 19 avril, pour le dernier round des législatives, toujours dans un contexte de peur généralisée et au terme d’une campagne électorale atone et soporifique, sans tambour ni trompette, contrairement à l’ambiance carnavalesque qui précédait chaque scrutin dans ce pays réputé pour être l’un des plus grands fêtards de l’Afrique de l’Ouest. Pour tout dire, rarement une élection malienne n’a été organisée dans un environnement aussi déprimant, avec des rues désertes et des panneaux censés accueillir les portraits et les affiches des candidats, pour la plupart vides, si l’on en croit les images diffusées par la télévision publique. Cette ambiance de sinistrose s’explique non seulement par la désaffection de nombreux Maliens vis-à-vis des discours creux et fades des candidats à la députation, mais aussi et surtout par la paranoïa ambiante créée par les menaces itératives des groupes terroristes, et depuis peu, par la propagation à grande vitesse de la maladie à coronavirus dans ce pays. Qu’à cela ne tienne, le président Ibrahim Boubacar Keita (IBK) est resté droit dans ses bottes et a tenu à organiser ce second tour à…bonne date, malgré de nombreux appels au report du scrutin afin d’éviter la déculottée du 29 mars dernier où seulement 35% des inscrits avaient accompli leur devoir civique au premier tour de ces législatives. Résultat des courses: les Maliens ont encore exprimé de façon claire ce dimanche, leur désintérêt pour ce rendez-vous électoral dans ce contexte de guerre meurtrière au Nord et de maladie infectieuse galopante au Sud, et ils n’ont pas eu tort au regard des menaces qui ont été mises à exécution dans certaines circonscriptions. Conséquence, à moins d’une manipulation éhontée des chiffres, le taux d’abstention sera globalement sans équivalent dans l’histoire électorale du Mali ; ce qui pose évidemment le problème de légitimité des futurs députés qui se satisferont, avec une mauvaise foi de chacal, de leur titre trompeur de représentants du peuple.
Ces législatives ont visiblement ressoudé les liens entre la République du Mali et ses rebelles sécessionnistes
On a, en tout cas, toutes les raisons du monde de douter de l’engagement des futurs élus à défendre davantage les intérêts du peuple que les leurs propres, et de nombreux signes précurseurs observés, ici et là, pendant la campagne, incitent à ce scepticisme: le niveau particulièrement bas de certains « perroquets des plateaux-télé » qui en dit long sur leur incapacité à faire des propositions novatrices et salvatrices pour un Mali en crise, des discours de campagne insipides, des coalitions hétéroclites et souvent même contre-nature juste pour renouveler son bail au Parlement de Bagadadji ou pour y accéder, sans oublier tous ces anciens sécessionnistes qui ont promis monts et merveilles à leurs laudateurs s’ils venaient à être élus, étant entendu que c’est la future législature qui sera chargée de la mise en œuvre effective de l’accord d’Alger qui accorde une large autonomie au fameux territoire de l’Azawad dont ils se réclament. C’est ce qui explique l’engouement des populations du Nord et les taux de participation particulièrement élevés et même surréalistes enregistrés au premier tour dans la région de Kidal, notamment et dans une certaine mesure de Gao, qui vont profiter, à l’heure du décompte des sièges, au parti au pouvoir dont sont issus la plupart des candidats les plus influents dans cette partie du pays. A Bamako par contre, le suspense demeure entier car, comme chacun le sait déjà, aucune alliance n’y a glané de siège lors du premier tour, même pas dans la commune II où l’on pensait qu’au nom du père, du fils et … des intérêts de la majorité présidentielle, cette élection allait être une partie de plaisir pour Karim Kéita. Eh bien, comme en 2013, l’enfant chéri du président IBK va devoir attendre les résultats du second tour pour connaître son sort car, même s’il est en ballotage favorable, son challenger de l’URD ne désespère pas de lui damer le pion dans cette commune centrale de la capitale. Ce serait, en tout cas, la plus belle ‘’prise électorale’’ pour l’URD dont la prise en otage de son chef d’orchestre, Soumaïla Cissé, par des djihadistes qui, dit-on, réclament la bagatelle de 50 milliards de F CFA et la libération de certains prisonniers en contrepartie de son éventuelle libération. Notons que le rapt de Soumaïla Cissé, pendant la campagne en fin mars, n’a pas empêché ce dernier d’être élu dès le premier tour dans son fief de Niafunké. Mais, cruel revers du destin, il ne pourra pas siéger au Parlement, à moins d’une divine surprise après les négociations en cours avec ses ravisseurs. Il ne devait pas y avoir de chamboulement au sein de l’Hémicycle où les députés doivent siéger au plus tard le 2 mai prochain car ce sera vraisemblablement la même configuration et les mêmes forces politiques qui vont s’y retrouver, à quelques exceptions près. Ce qui retiendra plutôt l’attention, c’est le nombre de femmes élues qui va passer du simple au double voire plus, par rapport à la précédente législature qui en comptait 14, grâce notamment à l’actuel Code électoral qui a permis la candidature de 427 femmes cette année, soit 30% des candidats comme l’exige la norme onusienne en la matière. Espérons qu’elles ne feront pas de la figuration lors des débats parlementaires et qu’elles apporteront leur touche contributive au renforcement de la démocratie et au développement du Mali. C’est ce rôle qui sera également attendu des futurs élus des régions septentrionales, quel que soit leur bord politique, afin que le micro se substitue désormais à la kalachnikov dans l’expression des opinions et des particularismes régionaux. L’espoir est d’autant permis que ces législatives ont, pour ainsi dire, visiblement ressoudé les liens entre la République du Mali et ses rebelles sécessionnistes qui ont facilité et sécurisé le scrutin dans leur sphère d’influence. C’est, en tout état de cause, un bon signe de décrispation, et on ne désespère pas de voir les autres groupes armés, les ultra que sont les djihadistes, s’asseoir sur la même natte que les autorités gouvernementales afin de trouver une solution négociée à l’hécatombe en cours au Mali et dans les pays voisins.
Hamadou GADIAGA