14E EDITION DU FESTIMA A DEDOUGOU « Nous attendons environ 100 000 festivaliers et 2 500 masques » dixit Gaston Gnimien
Reconnu par l’Union africaine comme le plus grand rendez-vous dédié au patrimoine africain, le Festival international des masques et des arts de Dédougou (FESTIMA) se déroule du 24 février au 3 mars 2018. A quelques jours de la cérémonie d’ouverture de cette biennale des masques, nous avons rencontré Gaston Gnimien, secrétaire exécutif adjoint de l’Association pour la sauvegarde des masques (ASAMA) et vice-président du Comité d’organisation du FESTIMA, pour nous imprégner du niveau des préparatifs, les innovations de cette 14e édition, le nombre des festivaliers attendus, etc.
« Le Pays » : Qu’est-ce que le FESTIMA ?
Gaston Gnimien : Le FESTIMA, c’est le Festival international des masques et des arts de Dédougou. C’est une biennale destinée à célébrer le masque africain. Le thème de cette année est : « La valeur ajoutée des festivals aux industries culturelles : le cas du FESTIMA ». C’est pour savoir ce que la culture du masque peut apporter en termes de développement durable aux différentes communautés.
A quelques jours de la cérémonie d’ouverture de la 14e édition du FESTIMA, peut-on dire que tout est fin prêt ?
Chaque fin d’édition du FESTIMA inaugure le début de la préparation de l’édition suivante. Donc, cela fait déjà deux ans que nous travaillons sur la 14e édition du FESTIMA. Je pense que l’essentiel est fait pour que le rendez-vous soit tenu et qu’il tienne toutes ses promesses.
Combien de festivaliers sont attendus à cette 14e édition ?
Nous attendons environ 100 000 festivaliers et une population de 2 500 masques en provenance de six (6) pays, à savoir le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Togo, le Bénin, le Mali et le Sénégal.
Quelle est la particularité de la 14e édition ?
La première particularité est que le Premier ministre, Paul Kaba Thiéba, sera à Dédougou. Il sera accompagné par le ministre de la Culture et de la Francophonie de Côte d’Ivoire, de celui du Bénin et de celui du Togo, sans compter les membres du gouvernement burkinabè. Le deuxième aspect est que nous allons poursuivre dans la dynamique des innovations que nous avons enclenchée il y a deux ans. Nous avions expérimenté la parade internationale du masque africain ; et cette année, nous allons poursuivre dans cette dynamique en ouvrant la cérémonie d’ouverture par une grande parade de 500 masques. Ce sera l’évènement phare du FESTIMA. Autre particularité, c’est la spéciale nuit au village. Habituellement, on a les prestations des masques mais cette fois-ci, on aura un plateau, à partir de 22h, destiné aux artistes. C’est une sorte d’ouverture du FESTIMA aux autres aspects de la culture.
Après une décennie, le FESTIMA a-t-il gagné ou perdu en engouement ?
Aujourd’hui, le FESTIMA a atteint ses lettres de noblesse. Lorsqu’on commençait le FESTIMA, on avait de la peine à rassembler six (6) villages de la commune de Dédougou. Aujourd’hui, il y a environ 60 sociétés de masques qui prennent part au FESTIMA, une quinzaine de pays qui répond présents chaque fois à l’invitation du Secrétariat exécutif, et lorsqu’on regarde les retombées pour la ville de Dédougou, selon une étude de l’Union africaine, on a environ 5 milliards de F CFA comme retombées pour chaque édition du FESTIMA. La notoriété internationale du FESTIMA n’est plus à discuter. Au FESTIMA 2016, nous avons reçu 36 nationalités différentes et nous en attendons autant pour l’édition de 2018. L’évènement a beaucoup grandi et dans les années à venir, si la relève est assurée, cela devait aller dans une même dynamique.
Au-delà des aspects économiques, il y a tout ce que l’association fait allant dans le sens du développement durable. On a un certain nombre de projets qui sont financés par la Coopération suisse, et qui vont dans le sens du paquet technologique que l’on transfère aux sociétés de masques en matière de production agricole. Il y a également les projets que nous menons dans le cadre de la reforestation. La plupart des matériaux qui entrent dans la fabrication des masques provient du couvert végétal. Le FESTIMA intervient donc pour accompagner les sociétés de masques dans la restauration du couvert végétal, notamment dans la préservation des essences utilisées dans la fabrication du masque. Nous intervenons également dans les villages pour aider les communautés à entretenir les infrastructures du masque. Cela évite le vol des masques et la profanation d’un certain nombre de lieux sacrés. Mais le plus important, c’est la prise de conscience des populations elles-mêmes de l’importance de cet objet qu’est le masque qui est créé par les sociétés pour répondre à un certain nombre de besoins.
Vous êtes à la 14e édition du FESTIMA et cela prouve que le FESTIMA se porte bien. Qui soutient ce festival ?
Il est vrai que le FESTIMA est soutenu par des personnes physiques mais le plus important, ce sont les communautés de masques parce que l’association, en elle-même, ne peut rien faire si les détenteurs, les praticiens des masques ne sont pas avec elle. Donc, notre premier soutien, ce sont les praticiens du masque. Nous avons évidemment l’accompagnement de la chefferie coutumière de Dédougou. Nous avons également des partenaires qui nous appuient sur le plan financier. Cette année, notre parrain, c’est le Groupe EBOMAF. Mais en plus de lui, on a d’autres opérateurs économiques qui nous soutiennent. Entre autres, la SODIBO, la ville de Douai en France, la Coopération suisse.
Vu le nombre et la qualité des partenaires, le budget a-t-il été bouclé?
Le masque n’est pas une culture marchande. Donc, on ne peut pas compter sur les recettes pour boucler le budget. Notre force, c’est que l’association travaille avec beaucoup de bénévoles. Donc, il y a beaucoup de choses que l’on ne peut pas quantifier sur le plan de l’argent. Mais, je pense que le budget est réuni et le festival devrait pouvoir se tenir sans une grande difficulté.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées cette année ?
La situation économique n’est pas très reluisante. Donc, nos partenaires financiers ne peuvent pas nous accompagner à la hauteur de ce qu’ils ont l’habitude de faire. Il y en a qui n’ont pas pu se porter sur l’évènement pour des raisons liées à la conjoncture économique nationale. Au-delà des aspects financiers, l’association travaille avec des bénévoles. Donc, il y a un peu d’amateurisme et on n’a pas de moyens de contrôle sur les gens, puisqu’ils n’ont pas l’obligation de rendre des comptes. Donc, il faut qu’on aille vers un peu plus de professionnalisme. L’autre grande difficulté, ce sont les questions sécuritaires. Dédougou est proche de la frontière du Mali ; donc, c’est une zone où le défi sécuritaire est grand. Il y a des défis à relever en matière de sécurité quand on sait que les sociétés de masques ne sont pas les plus transparentes possibles compte tenu d’un certain nombre d’interdits liés au sacré. Mais ce n’est pas la première fois que nous tenons une édition du FESTIMA dans des conditions sécuritaires difficiles. Cette année, il n’y aura pas de problèmes particuliers. Nous sommes en plein travail avec les forces de l’ordre pour que tout se passe bien. La quatrième difficulté, c’est la question de la relève. Les générations actuelles n’ont pas connu le masque comme nous l’avons connu au village et il n’est pas évident que l’intérêt soit le même que nous portons à la chose. Peut-être qu’on y va parce que c’est un objet de notre culture mais aujourd’hui, ce qui intéresse les gens, ce sont les affaires que l’on peut faire autour du masque.
Mais qu’est-ce qui est fait pour que les jeunes s’intéressent aux masques afin de maintenir haut le flambeau du FESTIMA ?
Au FESTIMA, il y a une activité qui est essentiellement dévolue à la jeunesse scolaire. C’est l’exposition internationale sur le masque africain où on expose des masques destinés à la sensibilisation sur les menaces et les risques liés à cette pratique. Au cours du FESTIMA, la jeunesse scolaire vient, accompagnée d’enseignants, pour visiter et après, les jeunes rendent compte par des dessins qui sont primés. C’est notre manière de participer à la sensibilisation et à l’éveil des consciences de ces jeunes vis-à-vis de cette culture.
Quelles sont les perspectives ?
On a beaucoup de projets, mais ça bouge très lentement. Toutefois, dans les années à venir, on va continuer à rassembler le nécessaire pour que tous ces projets soient concrétisés. Nous avons un grand projet qui est le Centre d’interprétation du masque africain qui sera une espèce de grand musée où l’on pourra voir les masques africains dans leurs diversités. L’autre projet, c’est de relever le défi d’intéresser la jeunesse à cette activité.
Un appel particulier à lancer ?
Nous donnons rendez-vous à tous les amis du masque à Dédougou. Le spectacle sera assuré. Il y aura les mythiques masques vaudous du Bénin, ainsi que le zaouli de la Côte-d’Ivoire qui est inscrit sur la liste du patrimoine de l’UNESCO. Il y aura aussi toute la variété de masque qui existe sur le territoire national. Nous invitons tout le monde à se rendre à Dédougou. L’entrée est très accessible parce que le masque ce n’est pas une culture marchande.
Interview réalisée par Françoise DEMBELE