15 ANS APRES LES ATTENTATS TERRORISTES AUX USA : Le monstre s’est métastasé
Voilà 15 ans déjà que le ciel s’était abattu sur la tête des Américains, foudroyant au passage le symbole de la grandeur et de la puissance américaine, c’est-à-dire les deux tours jumelles. En effet, le mardi 11 septembre 2001, un commando de 19 terroristes aux commandes de quatre avions de lignes piratés, ont provoqué l’apocalypse aux USA en les précipitant contre des édifices publics, occasionnant plus de 3 000 morts. Depuis l’attaque de Pearl Harbour en 1941, c’était la première fois que les Etats-Unis étaient attaqués sur leur sol. Cet épisode sanglant resté dans les mémoires comme l’acte terroriste le plus marquant de l’Histoire, avait suscité émoi et indignation dans le monde entier. Pour tous les Américains en général et les politiques en particulier, c’était acté, « plus rien ne sera comme avant ». Le monde, dès lors, est entré dans une nouvelle ère, celle de l’après 11 Septembre.
L’Afrique s’est retrouvée dans l’œil du cyclone
En effet, sous le coup de l’émotion et pour rester fidèle à sa réputation de plus grande puissance mondiale, la première réaction des Etats-Unis a engendré les guerres de l’Afghanistan contre les Talibans et d’Irak contre Saddam Hussein. Mais force est de constater que ces guerres contre la terreur, n’ont eu pour effet que la métastase du terrorisme. En effet, comme par scissiparité, les mouvements se sont multipliés, entraînant une mutation de la géographie du terrorisme. L’Afrique qui, exception faite de sa côte orientale et de l’Algérie, n’entendait parler du terrorisme que par les médias, s’est retrouvée dans l’œil du cyclone, aidé en cela par le chaos provoqué par l’intervention occidentale en Libye. En effet, infesté par les essaims djihadistes qui partent de la Libye, le Nord-Mali s’est cancérisé, menaçant ainsi la sécurité de toute l’Afrique de l’Ouest, comme en témoignent les attentats de Ouagadougou ou de Grand-Bassam. Et pour ne pas arranger les choses, des groupes locaux comme Boko Haram ont gagné en virulence, transformant tout le bassin du lac Tchad en un musée de l’horreur. Aujourd’hui, force est de l’admettre, tous les Africains vivent la peur au ventre, toute chose préjudiciable à la cohésion sociale. Même si l’on ne peut faire fi des grandes théories qui enracinent le terrorisme dans l’injustice historique de la question palestinienne ou aux conflits de civilisations, en Afrique, la misère semble en être le principal terreau. En effet, en se référant aux profils de ceux qui sont commis aux attentats, la misère et l’ignorance en constituent le dénominateur commun. Tout ce passe comme si à défaut d’avoir réussi leur vie, ils voulaient au moins réussir leur mort. Dans l’essor du terrorisme sur le continent, il est donc clairement mis en cause l’échec des politiques de développement. L’omniprésence terroriste a apporté de l’eau au moulin des dictatures en Afrique. En effet, les satrapes du continent n’hésitent pas à y recourir pour mater leur opposition. L’exemple le plus illustratif reste celui du Burundi où le président Nkurunziza, confronté à la contestation de son 3e mandat anticonstitutionnel, taxe ses opposants de terroristes. Se parant de cette fausse légitimité de la lutte anti-terroriste, c’est dans de véritables purges contre l’opposition que s’est lancé le régime. Quelques fois, ces dictatures se sont vu renforcées par les Occidentaux qui, au nom de la lutte anti-terroriste, leur apportent leur soutien. C’est le cas de Idriss Deby Itno au Tchad qui, en raison de ses interventions militaires au Mali et contre Boko Haram, reste l’homme des Français et des Américains, malgré les libertés qu’il s’offre avec les principes démocratiques. Cela dit, l’on peut affirmer que les Américains ont tiré leçon des erreurs commises au lendemain des attentats du 11 Septembre. Ils se font plus discrets dans leurs actions, agissant le plus souvent par des drones que par des interventions de troupes au sol. Ce rôle semble aujourd’hui dévolu à la France qui est au-devant de la scène et qui, par conséquent, subit les coups les plus violents. Malgré cette évolution dans les méthodes de lutte, le terrorisme, 15 ans après, reste dans l’actualité.
Tous les Etats du monde doivent se donner la main pour apporter une réponse commune au terrorisme
Le phénomène est même passé de la clandestinité des bombes posées en cachette à des revendications ouvertes. C’est dire que le phénomène fascine, débordant même des sanctuaires djihadistes traditionnels pour s’incruster dans les Etats occidentaux eux-mêmes, désormais obligés de porter des gants pour traiter la gangrène, au risque de se mettre à dos certaines franges de leur population. Il est évident que la force brute, à elle seule, n’est plus à même d’endiguer le fléau. Pour que la lutte contre la nébuleuse internationale terroriste porte ses fruits, il est impératif de conjuguer les efforts militaires avec une nouvelle orientation de la politique internationale pour mettre fin à l’injustice dans le monde, à commencer par la question palestinienne. Il importe aussi de faire de la lutte contre la pauvreté et l’ignorance, un axe majeur de cette nouvelle stratégie. Et comme aucun pays n’est en mesure de vaincre par lui seul, le terrorisme, tous les Etats du monde doivent, dans un vaste élan de solidarité, se donner la main pour y apporter une réponse commune. Encore faut-il que les USA acceptent de se démettre de leur rôle de gendarme du monde pour faire de la place aux autres. Leur récent rapprochement de la Russie à propos de la question syrienne, laisse espérer un infléchissement dans ce sens. L’Afrique, quant à elle, qui se cache toujours derrière le manque de moyens pour justifier son immobilisme dans la lutte contre le terrorisme, doit désormais se départir de ce « disque rayé ». L’Afrique dispose d’un précieux atout : la population. Elle est au centre du renseignement qui est indispensable pour gagner toute guerre. La grande majorité des populations africaines abhorre la violence religieuse et sublime le vivre- ensemble. Elles n’attendent que la proximité des dirigeants pour mettre la main à la pâte. Mais cette proximité ne doit pas être circonstancielle et unidimensionnelle. Elle doit l’être au quotidien et toucher toutes leurs préoccupations, notamment socioéconomiques. Car dit-on, « il ne faut pas attendre le jour de la battue pour acheter son chien».
« Le Pays »