HomeA la uneFIN OFFICIELLE DE LA FIEVRE ROUGE EN AFRIQUE DE L’OUEST : Peut-on définitivement vaincre le virus Ebola par décret ?

FIN OFFICIELLE DE LA FIEVRE ROUGE EN AFRIQUE DE L’OUEST : Peut-on définitivement vaincre le virus Ebola par décret ?


L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé, officiellement, et avec un triomphalisme mesuré, la fin de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, hier jeudi 14 janvier 2016. L’institution en charge de la santé dans le monde, s’est réjouie, en effet, de ce qu’aucun cas n’ait été détecté dans tous les pays riverains du fleuve Mano (Guinée-Conakry, Liberia, Sierra Leone) depuis 42 jours,  soit deux fois la durée d’incubation maximum de 21 jours. Elle a donc estimé qu’il était médicalement possible de décréter la fin de la terrible épidémie. Elle a toutefois prévenu que « le travail n’est pas fini », que « des flambées sont attendues » et que le Liberia qui a été le dernier pays à souffrir de ce virus dévastateur d’Ebola, devrait être mis sous surveillance 90 jours durant. Les responsables de l’OMS sont d’autant plus réalistes et prudents qu’ils devraient savoir, mieux que quiconque, qu’on ne peut éradiquer un mal aussi pernicieux que la fièvre à virus Ebola à coup de décrets ou d’annonces officielles. Ils en ont d’ailleurs fait l’amère expérience quand, en mai et en septembre derniers,  ils ont annoncé urbi et orbi et sans la moindre précaution d’usage, l’arrêt de la transmission de la maladie. Mais à chaque fois, le virus a démenti pour ne pas dire défié les spécialistes de l’institution onusienne en infectant une dizaine de personnes, contraignant ainsi les hommes en blouse blanche à revoir leur pronostic. Certes, les derniers tests réalisés en début décembre sur des sujets guéris de la maladie, se sont tous révélés négatifs, mais il y a lieu de ne pas trop vite pavoiser au point de baisser la garde, si l’on ne veut pas assister, dans les semaines et mois à venir, à la réémergence de l’épidémie, même au-delà du triangle de la mort qu’elle a formé autour du Liberia, de la Guinée-Conakry et de la Sierra Leone. D’ailleurs, on pourrait légitimement se demander si l’Organisation mondiale de la santé a été bien inspirée de déclarer, depuis ses bureaux aseptisés de Genève, que l’Afrique de l’Ouest est désormais saine de toute trace du virus Ebola, quand on sait que les modes de transmission de la fièvre hémorragique trouvent un terreau fertile dans le mode de vie des populations vivant dans cette partie du continent. En effet, il suffit que du sang, des sécrétions ou des déjections entrent  en contact avec  des muqueuses ou une plaie, ou que des personnes décédées aient un contact physique avec une personne bien portante, pour que l’infection se propage chez un nouvel hôte. Quand on sait qu’en Afrique, les relations sociales et les rites funéraires ont un caractère sacré, on peut aisément deviner les conséquences dévastatrices de cette maladie sur tous les plans. La combinaison de la méconnaissance de ce virus inconnu en Afrique de l’Ouest jusqu’en 2013, et du rôle amplificateur et sensationnaliste  des médias, avaient contribué à convaincre une bonne partie des populations vivant dans les trois pays « martyrs » de l’Afrique de l’Ouest, à adopter des mesures de prudence et de prévention, en évitant autant que faire se peut le contact avec les malades d’Ebola ou avec ceux qui en sont morts.

Il faut espérer que l’OMS a réuni tous les éléments lui permettant de rendre public «  l’arrêt de mort » du virus Ebola

Mais toutes ces habitudes, certes contraignantes, mais salvatrices dans le contexte d’une épidémie comme celle d’Ebola, risquent d’être abandonnées aussitôt après la victorieuse annonce de l’OMS, même si celle-ci continue de tirer la sonnette d’alarme. Mais combien de Guinéens, de Libériens et de Sierra Léonais vont-ils entendre la partie du message de l’OMS appelant à la prudence et à la veille permanente contre une éventuelle résurgence de l’épidémie ? Très peu, si on se réfère à l’effet d’annonce, ou plutôt à l’annonce sans effet de la fin de la maladie au Libéria en mai 2015 et aux scènes de liesse et d’embrassades qui s’en sont suivies à Monrovia. Pourtant, ces scènes auraient pu se révéler dangereuses au regard des modes de contamination de la maladie. Mais de la même manière qu’on peut comprendre la joie immense de ces populations condamnées à la claustration de se sentir  désormais libres, on peut comprendre l’empressement de l’OMS à célébrer cette victoire à la Pyrrhus contre Ebola en raison des dégâts incommensurables que la maladie a causés sur les plans social, économique, médical et même politique, et du prix humain que son personnel a payé en voulant sauver des vies. Car, ne l’oublions pas, si Ebola n’est pas la maladie la plus mortelle de notre époque (la tuberculose, le Sida, le paludisme causant infiniment plus de décès), l’épidémie qui a sévi sur les rives du fleuve Mano a tout de même fait plus de 11 315 morts sur quelque 28 637 cas recensés en moins de trois ans. D’où la nécessité de veiller au grain tout en desserrant l’étau de l’isolement sur les trois pays. Il faut espérer que pour cette fois-ci, la très respectable Organisation mondiale de la santé a réuni tous les éléments lui permettant de rendre public «  l’arrêt de mort » du virus Ebola, et qu’elle ne reviendra pas, dans quelques mois, nous sortir de son dictionnaire vidal, un autre nom pour désigner la même maladie, juste pour sauver la face au cas où le virus qui a causé tant de frayeurs dans le monde entier, ne s’avouerait pas vaincu.

En tout cas, c’est un pari osé pour la directrice générale de l’OMS, le Dr Margaret Chan, et toute son équipe qui jouent ici leur crédibilité, car  si la très médiatisée annonce du jeudi dernier se révèle être rien moins qu’une vraie fausse victoire de la communauté scientifique mondiale sur la fièvre hémorragique, c’en serait fini de leur image et peut-être même de leur carrière.

Hamadou Gadiaga


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