ACCORD ENTRE LE GATIA ET LA CMA : Quand l’audace paie
Les affrontements tant redoutés entre les combattants de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et ceux du Gatia suite à l’arrivée impromptue de ces derniers dans la ville de Kidal, la semaine dernière, ont été évités, grâce au bon sens des uns et des autres et certainement à l’intervention des notabilités de la région. Après moult tractations ponctuées de surenchères verbales, le Gatia, considéré comme l’appendice de Bamako, a décidé de retirer une partie de ses combattants de la ville « à statut particulier » de Kidal, pour respecter le pacte de non-agression qui a été scellé entre eux et leurs frères ennemis de la CMA, sous l’égide des chefs des tribus Touaregs (Imghad et Ifogas), depuis leurs dernières confrontations à Anéfis. Au regard de la versatilité des acteurs et de la volatilité de la situation dans « ce septentrion malien compliqué », l’on devrait être prudent dans les analyses et les commentaires sur les tentatives de rapprochement entre groupes rivaux, de même que sur les menaces de destruction réciproques qu’ils profèrent. L’impression qu’on a en observant de près la gestion de la crise politico-militaro-identitaire du Nord-Mali, est que cette partie du pays est devenue un véritable bazar où des criminels de tout poil et des islamistes radicaux viennent se procurer des armes afin de pouvoir mieux rivaliser en roublardise et en initiatives souvent « diaboliquement géniales » pour rester influents. Comment comprendre en effet, les discours conciliants tenus ces derniers temps par les responsables des groupes armés, hier irréconciliables comme la CMA et la plateforme dont fait partie le Gatia ? S’agit-il d’une alliance de circonstance pour faire face au péril djihadiste, ou d’un mariage de raison pour redistribuer les cartes entre groupes ethniques de la région ? En tout état de cause, l’essentiel est qu’ils ne fassent pas un enfant dans le dos de Bamako, en se liguant pour faire valoir des intérêts régionalistes et tribaux, au détriment des solutions globales préconisées par les accords d’Alger. Au regard de l’évolution de la situation sur le terrain et de la prééminence de plus en plus affirmée de l’accord d’Anéfis qui consacre l’harmonie retrouvée entre les tribus de la région de Kidal sur l’accord d’Alger pour la paix et la réconciliation au Mali, on a de quoi douter de l’engagement franc de tous les acteurs à tourner la page des velléités indépendantistes ou, à tout le moins, autonomistes des responsables touaregs. Le doute est d’autant plus fondé qu’il nous est revenu de bonne source que l’arrivée du Gatia dans la ville de Kidal a été discutée et acceptée par la CMA lors des rencontres intercommunautaires organisées successivement à Ménaka, à Talataye, à Inkhalil et à Tinzawaten. Ces rencontres avaient pour but de préparer la réunion prévue le 15 février prochain à Kidal, entre ces groupes, à l’issue de laquelle des patrouilles mixtes de sécurisation de la ville seront organisées. Quel est le rôle de Bamako ou quelle est la place occupée par le Mali dans ce « ballet diplomatique » à l’échelle régionale ? Si le gouvernement malien est resté en marge de ces négociations intercommunautaires, il y a de quoi craindre une arnaque politique et stratégique qui consiste à faire croire que tout se passe dans le cadre des accords d’Alger, alors que les Touaregs de la région de Kidal sont en train de se renforcer en mettant en sourdine leurs querelles byzantines afin de parler à l’unisson face au gouvernement du Mali, au sujet d’une très large autonomie de cette région.
Espérons que le bout du tunnel n’est plus loin
Une osmose entre la CMA et le GATIA, si elle venait à être confirmée, pourrait porter les germes d’une future rébellion au cas où les revendications ne seraient pas acceptées par Bamako ou par la communauté internationale. Car, pour autant qu’on sache, la CMA n’a abandonné ses prétentions indépendantistes que du bout des lèvres, et on a de la peine à comprendre qu’un groupe comme le Gatia, qui est jusqu’ici considéré comme le supplétif de la République dans toute cette partie du pays où l’armée malienne est quasiment aux abonnée absentes, en vienne à marcher à ses côtés, la kalachnikov en bandoulière. A moins que ce ne soit une ruse de la part de Bamako et des responsables du Gatia pour amener la CMA à accepter le baiser de Judas, afin de pouvoir introduire plus facilement le ver dans le fruit et le faire tomber, in fine, dans l’escarcelle de la République. Car, ne l’oublions pas, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui constitue la colonne vertébrale de la CMA, est allé trop loin dans les promesses d’indépendance faites aux populations locales qu’il lui est difficile de rétropédaler sans le courant favorable que leur offre l’accord d’Anéfis. Pourtant, les indépendantistes sont bien obligés aujourd’hui de se rendre à l’évidence, que leur projet est chimérique et utopique à proportions égales, au regard du rapport de force militaire qui leur est largement défavorable, de la situation économique de plus en plus intenable dans leur fief et des pressions tous azimuts afin qu’ils acceptent l’idée d’un Mali « un et indivisible ». En clair, la question n’est plus de savoir si la CMA, à elle seule, peut continuer à entretenir des velléités sécessionnistes, mais plutôt comment sortir de cet engrenage sans trop de casse. Les leaders de la CMA sont bien conscients, en effet, que sans la planche de salut de la solution endogène, ils se retrouveraient très vite entre le marteau de l’armée malienne qui n’oubliera pas de sitôt l’humiliation et le carnage d’Aguelock, et l’enclume de leurs propres populations qui se sentiraient dupées et trahies. Avec tous ces risques encourus, le moindre mal pour la CMA, c’est de sortir du piège par la grande porte de la négociation avec ses cousins du Gatia et plus généralement de la Plateforme, en donnant l’impression de vouloir laver le linge sale en famille. Peu importe la manière ou les motivations des signataires de l’accord du 6 février dernier entre la CMA et le Gatia, qui a permis d’éviter d’envenimer la situation. Pourvu que cet accord soit mis au service de la République, et que Kidal revienne, enfin, dans le giron du Maliba. Espérons que le bout du tunnel n’est plus loin, mais espérons aussi que la communauté internationale surveillera de près ces accords locaux afin qu’ils ne soient pas source de désaccord au plan national et ne compromettent pas la pacification du Nord-Mali à laquelle les soldats onusiens et les maliens eux-mêmes ont payé un lourd tribut. En tout état de cause, il ne reste plus qu’à souhaiter que cet accord entre le Gatia et la CMA serve les intérêts de la République.
Gadiaga Hamadou