AUDITION DU CHEF DE L’OPERATION MILITAIRE TURQUOISE SUR LE GENOCIDE RWANDAIS : Va- t-on vers la manifestation de la vérité ?
C’est une première depuis le génocide rwandais de 1994, qui a coûté la vie à plus de 3000 Tutsis. En effet, le Général Jean-Claude Lafourcade, chef de l’opération militaire française Turquoise déployée au Rwanda à l’époque, a été entendu par un juge français courant janvier dernier. Cela fait suite à une plainte déposée par des rescapés et associations sur l’attitude des militaires français accusés d’avoir gardé l’arme au pied pour laisser se dérouler en toute connaissance de cause le massacre des Tutsis. Et comme on pouvait s’y attendre, le Général Lafourcade a nié les faits qui lui sont reprochés, accusant au contraire le président rwandais Paul Kagamé, chef des rebelles tutsis d’alors, d’avoir, après la prise de Kigali, poursuivi sa route jusqu’à Goma en RD-Congo où s’étaient réfugiés de nombreux Hutus. Toute chose qui, dit-il, a provoqué « un drame humanitaire ». C’est dire donc que ce n’est pas demain la veille que se normaliseront les relations entre Paris et Kigali, devenues pour le moins tumultueuses depuis les tueries de 1994.
Le Général français présente le président Kagamé comme un revanchard
Car, il y a fort à parier que les accusations que le chef de l’opération Turquoise vient de porter à l’encontre du président Kagamé provoqueront l’ire de Kigali qui, si ce n’est déjà fait, ne tardera pas à répliquer de la manière la plus cinglante qui soit. Ce d’autant plus que le Général français présente le président Kagamé comme un revanchard qui a pris fait et cause pour un groupe ethnique au détriment d’un autre qui a pourtant aussi payé un lourd tribut pendant le génocide. Ainsi donc, pour le Général français, la meilleure défense, c’est l’attaque puisque de la posture de l’accusé, il est subitement passé à celle de l’accusateur. Peu importe, pourvu que toutes les responsabilités soient situées sur les événements tragiques de 1994 qui ont fortement secoué le pays des milles collines. En cela, il faut se féliciter de la promesse faite par le président français, François Hollande, de déclassifier certains dossiers de l’Elysée sur cette affaire afin de permettre la manifestation de la vérité. Faut-il voir l’audition du Général Lafourcade comme étant l’une des conséquences de la déclassification de ces dossiers frappés du sceau de la confidentialité ? Tout porte à le croire d’autant que c’est la première fois que ce témoin privilégié du génocide rwandais a été entendu en tant que témoin assisté.
B.O