HomeA la uneDELEGATION DE CHEFS D’ETAT AFRICAINS AU BURUNDI : Quand l’UA va à Canossa*  

DELEGATION DE CHEFS D’ETAT AFRICAINS AU BURUNDI : Quand l’UA va à Canossa*  


 

« Trop d’honneurs pour un dictateur » ; ainsi titrions-nous dans notre édition du 23 février dernier, à l’issue de la visite de 48 heures que le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, avait rendue au dictateur Pierre Nkurunziza. On ne pensait pas si bien dire. Car, à peine le patron de l’ONU a-t-il quitté Bujumbura qu’une autre délégation y accourt. Dépêchée par l’Union africaine (UA), cette délégation de haut niveau est composée des présidents sud-africain, Jacob Zuma ; mauritanien Ould Abdel Aziz ; sénégalais Macky Sall et gabonais Ali Bongo Ondimba ainsi que le Premier ministre éthiopien, Hailémariam Desalegn. L’objectif de cette visite est de « faire pression sur le président burundais, Pierre Nkurunziza, pour qu’il passe de la parole aux actes en ouvrant un dialogue politique inclusif avec son opposition ». C’est donc clair. Il n’est plus question d’exiger le départ de Nkurunziza qui a pourtant  violé l’esprit et la lettre de l’accord d’Arusha, encore moins d’envoi sans condition de forces étrangères à Bujumbura mais plutôt de contraindre le maître de Bujumbura d’ouvrir un dialogue inclusif avec son opposition. Quelle victoire pour Nkurunziza qui n’en demandait pas mieux ; lui qui, envers et contre tous, a réussi à s’octroyer  un nouveau mandat ! Pourtant, Dieu seul sait le nombre de Burundais qui ont été tués et massacrés dans les violences qui ont secoué le pays depuis le début de la contestation, il y a bientôt un an.

Nkurunziza a su exploiter les incohérences de la communauté internationale

L’UA voudrait aller à Canossa qu’elle ne s’y prendrait pas autrement ; elle qui, contre le gré de Nkurunziza, avait annoncé l’envoi de 5000 hommes au Burundi avant de se dégonfler comme un ballon de baudruche. Et l’envoi de cette délégation dite de haut niveau en terre burundaise n’est rien moins qu’une manière de laver l’affront que lui a infligé le pasteur-président resté égal à lui-même. Si la honte  pouvait tuer ! En tout  cas, Nkurunziza est plus que jamais renforcé ; lui qui, hier seulement, était mis au ban de la  communauté internationale et qui, subitement, devient maître du jeu. De quoi avoir envie d’être dictateur. Car telle une superstar, Nkurunziza apparaît de plus en plus comme le Bachar-al Assad de la région des Grands lacs avec qui même les grandes puissances sont obligées de négocier. Pouvait-il en être autrement quand on sait que Nkurunziza n’a fait qu’emboîter le pas à ses pairs de la sous-région. Et tel un microbe en milieu favorable, il a su exploiter les incohérences de la communauté internationale qui, suivant le jeu des intérêts, a toujours appelé à l’ouverture d’un dialogue politique avec un dictateur aux mains tachées de sang.

B.O

* Aller à Canossa signifie se faire humilier


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