La diffusion des éléments vidéo s’est poursuivie à la salle d’audiences du Tribunal militaire, le 3 avril 2019. Ces éléments vidéo ont d’ailleurs occasionné un incident entre le parquet et les avocats de la défense et ceux de la partie civile. Un incident que les parties ont réglé « diplomatiquement », pour emprunter l’expression de l’un d’entre eux.

Débuté dans l’après-midi du 1er avril, la présentation des éléments vidéo s’est poursuivie hier 3 avril 2019 à la salle des Banquets de Ouaga 2000. Après avoir visionné ces pièces la veille, Me Pierre Yanogo, un des avocats de la partie civile, estime que tout est désormais clair. Pour lui, ces éléments viennent corroborer la thèse des avocats de la partie civile qui croient que les prévenus sont bel et bien les auteurs des actes de meurtres et de violences commis en septembre 2015. « Des accusés sont passés ici à la barre. Ils ont dit qu’ils sont allés faire des contrôles de zones, d’autres ont parlé de maintien d’ordre. Ces vidéos montrent ce qu’ils ont réellement fait sur le terrain », a-t-il fait observer. Mais qu’à cela ne tienne, ils ont toujours le temps de faire leur mea culpa avant d’implorer le pardon du peuple burkinabè. Et Me Guy Hervé Kam de déplorer ce qu’il qualifie d’attitude méprisante des accusés après avoir revu ce qu’ils ont fait en septembre 2015 en images alors qu’ils devraient avoir du remords au regard des actes de violences perpétrés contre des personnes civiles. Avant de formuler ses observations, Me Prosper Farama a invité le parquet à procéder à la rediffusion de l’élément vidéo enregistré au domicile du général Diendéré. Dans cette vidéo filmée par le fils du président du Conseil national pour la démocratie (CND), on voit le général Diendéré, son épouse Fatou Diendéré et certains proches, visiblement heureux d’avoir pris la tête du pays. « Je voudrais rendre hommage à ceux qui ont eu le réflexe et le courage de filmer les scènes dans un tel contexte, sauf le fils du général Diendéré qui, lui, a voulu exprimer sa joie parce que son père est devenu président du Faso. Je vais m’excuser auprès de certains accusés parce que je parlerai au RSP alors que je sais que tous les soldats du RSP n’ont pas le même degré d’humanité. Il y a certains qui sont passés à la barre, je loue leur humilité, leur sincérité ; en un mot, leur humanité. Pour moi, c’est un film d’horreur. “Pendant les 365 jours qu’on a passés ici au procès, hier, c’était le jour le plus difficile. (…) “Tous ces morts, tous ces blessés, tous ces impacts de balles, rien que pour ça ? Pour que son fils prenne le plaisir de filmer et de dire que son père est devenu président du Faso ? Rien que pour que ses proches soient dans une famille présidentielle ? Qu’adviendra-t-il à un homme s’il n’est pas président un jour ? Qu’adviendra-t-il à un fils si son père n’est pas président un jour ? Qu’adviendra-t-il à une femme si son mari n’est pas président un jour ? Qu’adviendra-t-il à un papa qui perd son enfant ?”. Il m’est revenu que le général est un croyant, qu’il fréquente l’église. J’espère qu’au jour du jugement, au-delà de ce tribunal, il tiendra la tête haute pour répondre à son Dieu” », a-t-il dit. A ces observations, Me Sawadogo, un des avocats de la défense, pense que les actes contenus dans les éléments vidéo expriment la violence, mais leurs causes sont à rechercher ailleurs. Pour lui, il est vrai que certains ont commis des actes de violence, mais il est important de savoir ce qui les a poussés à les commettre. Pour Me Olivier Yelkouni, ces éléments vidéo n’apportent aucune preuve qui permette d’établir la culpabilité des accusés. D’ailleurs, estime-t-il, la diffusion de la vidéo du domicile du général Gilbert Diendéré viole l’intimité familiale de l’accusé. Le parquet avait dit qu’il ne boxe pas en dessous de la ceinture. Mais aujourd’hui, il a donné un coup en dessous de la culotte, a fait observer Me Olivier Yelkouni.

Indécent de parler des honoraires des avocats en salle d’audience

Notons qu’un incident s’est produit entre le parquet et les avocats des deux parties. En effet, réagissant aux observations des avocats de la défense, le parquet a relevé que certains d’entre eux s’absentent beaucoup et reviennent ralentir les choses et avancent certains arguments pour justifier leurs honoraires. Et de menacer de faire recours au bâtonnier afin de gérer cette situation. Face à cette déclaration du parquet, les avocats (de la partie civile et de la défense) se sont concertés pour attirer l’attention du parquet militaire. Et ce, après avoir sollicité et obtenu une suspension de 15 minutes. Et, Me Prosper Farama, au nom des avocats, d’inviter le parquet à la retenue. Pour lui, il est indécent de parler des honoraires des avocats en salle d’audience. Selon ses dires, cette attitude porte atteinte à la dignité de l’avocat qui, du reste, assure le service public lorsqu’il est commis d’office. «La question des honoraires des avocats et leur absentéisme au cours du procès ne sauraient être traduits devant un bâtonnier comme si les avocats étaient des enfants », a-t-il relevé. Après ces observations, l’audience a été suspendue pour quelques minutes. De retour, le ministère public a, à son tour, pris acte des observations avant de présenter ses excuses. Tout en prenant acte de ce qui s’est passé, le président du tribunal a remercié le parquet militaire et les avocats pour leur sens élevé de responsabilité qui a permis de régler cet incident avec beaucoup de sagesse.

Issa SIGUIRE


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