VISITE DU SAINT-PERE EN AFRIQUE : Baptême de feu pour le pape François
Pour son premier contact avec le continent africain, le pape François entame, du 25 au 30 novembre 2015, une tournée au Kenya, en Ouganda et en République centrafricaine. Et pour son baptême de feu, c’est le pays de Uhuru Kenyatta qui a eu l’honneur d’accueillir la première foulée du pape François sur le continent noir. D’ores et déjà, l’héritage de son prédécesseur, Jean-Paul II, qui jouit d’une grande popularité et d’une grande aura dans cette partie du globe, s’annonce lourd pour celui qui a remplacé Benoît XVI dans le fauteuil de Saint- Pierre au Vatican. D’autant plus que jamais auparavant, l’ex-archevêque argentin n’avait mis les pieds sur ce continent reconnu comme le berceau de l’humanité, mais aussi comme le continent le plus pauvre de la planète. L’on comprend alors l’insistance de Jorge Bergoglio, 265e successeur de Saint-Pierre à la tête de l’Eglise de Rome, et qui se veut le « Pape des pauvres », pour se rendre sur un continent où sévissent la misère, la maladie et la guerre, pour rencontrer des déshérités, malgré les risques sécuritaires liés à un tel déplacement. En effet, au-delà de la ferveur religieuse qui entoure les déplacements du Saint-Père, ce voyage du Pape François se tient dans un contexte particulier, avec la montée en puissance de l’extrémisme réligieux dans le monde en général et en particulier sur un continent démuni et mal armé, pour faire face aux défis du fondamentalisme religieux sur fond de terrorisme à l’échelle mondiale. Le Kenya, première étape de son périple africain, en est du reste un bon exemple, lui qui n’en finit pas de subir les coups de boutoir des extrémistes Shebab. Toutefois, il ne faudrait pas perdre de vue que le Souverain pontife est aussi en mission pour l’Eglise catholique sur un continent où celle-ci est rudement concurrencée par d’autres sensibilités chrétiennes. D’autant plus qu’il s’est inscrit dans des réformes pour essayer de donner un visage plus contemporain à une Eglise de plus en plus traversée par de nombreux scandales.
L’on espère que le message de la paix que l’autorité morale et religieuse qu’il représente va apporter, sera entendu
Aussi, entre messes, discours et visites sur le terrain, le programme du pape s’annonce-t-il chargé dans ces trois pays. Ainsi prévoit-il de visiter un bidonville au Kenya, un dispensaire en Ouganda, un camp de déplacés et une mosquée en RCA. Ce ne sont donc pas les sujets d’interpellation qui manquent. Mais si son déplacement en Ouganda, peut être vu à travers le prisme de l’hommage aux martyrs de ce pays, reconnus comme les premiers martyrs catholiques du continent noir, ses déplacements au Kenya et en RCA revêtent une valeur fortement symbolique en raison des tensions intercommunautaires que connaissent ces pays, sur fond d’intolérance réligieuse et ethnique. C’est en cela que le déplacement du Souverain pontife est source d’espoir car, en tant qu’apôtre de la paix, si son message est bien reçu, l’Afrique peut relever le défi de la tolérance religieuse. François, à l’image de ses prédécesseurs, viendra en messager de la paix, avec pour seules armes sa foi et sa parole pour tenter d’apporter sa pierre à l’édification d’un monde plus juste, plus humain, plus tolérant, plus charitable et plus équitable sur les terres arides de l’Afrique. Et pour le cas spécifique de la Centrafrique, là où les efforts conjugués de la communauté internationale auront pour le moment échoué à ramener la paix, peut-être qu’il saura trouver les mots justes pour désarmer les cœurs des frères ennemis centrafricains. Mais il ne faut pas se faire d’illusions ni attendre forcément des miracles de cette visite pontificale, car ce n’est pas en deux jours que le pape pourra changer fondamentalement le visage de la RCA, ni des autres pays qu’il va parcourir. Toutefois, l’on espère que le message de la paix que l’autorité morale et religieuse qu’il représente va apporter, sera entendu. Et que la graine de l’amour, de la tolérance et de l’acceptation de l’autre dans sa différence qu’il va semer à travers la visite symbolique d’une mosquée à Bangui, pourra éclore et s’épanouir pour contribuer à ramener sur le chemin de la réconciliation, des frères ennemis qui se sont tourné le dos pour des considérations qui n’en valent pas la peine. « Je souhaite de tout cœur que ma visite puisse contribuer d’une manière ou d’une autre à panser vos blessures et à ouvrir un avenir plus serein pour la Centrafrique et tous ses habitants ». Tel était son message à l’endroit des Centrafricains avant d’entamer son pèlerinage africain. Sera-t-il seulement entendu ? Là réside toute la question. Et dans une Afrique en pleine mutation démocratique, il est heureux de constater que le Souverain Pontife a eu, dès sa première escale au Kenya, un mot à contenu fortement politique à l’endroit des dirigeants du continent..
Outélé KEITA