MONDIAL 2014 Quand Boko Haram dénie aux Nigérians le droit de s’exclamer et de rire !
Le nouveau maître incontesté du Nigeria entend jouir à fond de son statut. Boko Haram, puisque c’est de lui qu’il s’agit, vient de décréter l’interdiction de jubiler. En effet, alors que le Nigeria devait faire son entrée en scène hier lors de la grand’messe du football au Brésil, la secte a réussi à empêcher les Nigérians de s’exclamer et de rire. Gare à celui ou celle que la joie de voir jouer le porte-drapeau du pays, pourrait pousser dans la rue. Pas question de laisser ses sujets jouir ainsi impunément d’une joie « diabolique », une joie tirée d’un sport dont ces impies d’Occidentaux sont les géniteurs. Pas question de laisser les Nigérians s’écarter des prescriptions d’ « Allah », en se laissant divertir par ce diable de ballon, rond comme la tête de Satan. Foi de Boko Haram.
Boko Haram se sent pousser des ailes
Pourtant, c’est connu. Le football n’a pas usurpé son nom de sport roi. C’est un sport qui draine des foules immenses de tout âge et de toute condition sociale, des quatre coins de la planète. Il est un puissant catalyseur. En dépit des reproches plus ou moins fondés qui peuvent être faits à ce sport et qui sont pour l’essentiel inhérents à sa qualité d’œuvre humaine, donc perfectible, force est de reconnaître que c’est un puissant ferment de la vie en commun. Il permet entre autres aux supporters de se retrouver pour partager la joie de voir jouer leur équipe, de l’encourager, même à distance, de prier pour qu’elle sorte victorieuse. C’est très souvent à l’occasion de ces rendez-vous footballistiques que des populations, voire des nations entières, taisent leurs rancœurs, transcendent leurs divergences. L’influence du football sur les activités économiques également, est de notoriété publique. Un évènement comme la coupe du monde de football offre des opportunités d’affaires pour bien des entreprises et des individus à l’image de nombreux médias audiovisuels qui connaissent une certaine augmentation de leur audience. Même dans certaines républiques islamiques, le football est pratiqué. On y trouve même des équipes féminines de football. L’Iran des Ayatolah joue cette même coupe du monde au Brésil et à l’occasion des matchs de l’équipe iranienne, le pays vibre au rythme du mondial. Pourquoi Boko Haram n’a-t-il pas de gêne à utiliser les armes occidentales si tant est que c’est la haine de l’Occident qui guide ses faits et gestes ? N’est-ce pas se souiller que de se servir des armes et de la technologie des « impies » ? Pourtant, ces « illuminés » qui font la pluie et le beau temps au Nigeria, adorent les kalachnikovs, sans oublier les moyens de communication modernes qu’ils utilisent pour ne citer que cela. C’est dire combien l’argument religieux de Boko Haram est farfelu.
Face à Boko Haram et à son interdiction faite aux Nigérians de s’exclamer et de rire à l’unisson derrière leur équipe nationale, l’Etat du Nigeria, dans la droite ligne de ce qu’on voit depuis un certain temps dans ce pays, s’est mis à genou si ce n’est à plat ventre. En tout cas, l’exécutif nigérian n’a pu que prôner d’une manière ou d’une autre, l’obéissance au mot d’ordre de la secte obscurantiste en demandant aux populations de prendre au sérieux cette menace. Si cette situation n’est pas une preuve que c’est désormais Boko Haram qui décide de ce qui se fait ou pas dans le pays et de la manière dont les choses doivent se faire, ça y ressemble fort. A présent, on ne peut s’empêcher de craindre que ce mouvement s’inscrive dans une tendance haussière dans ses exigences. Tout laisse croire, en tout cas, que les injonctions augmenteront en nombre et en teneur dans l’optique d’imposer la doctrine de ce mouvement islamiste. En effet, pourquoi Boko Haram devrait-il s’arrêter en si bon chemin ? Pourquoi devrait-il mettre de l’eau dans son thé du moment qu’« il n’y a rien en face », où l’armée nigériane est inexistante, la communauté internationale atone ?
En réalité, Boko Haram se sent pousser des ailes du fait de la couardise de ceux qui devraient lui tenir tête. C’est en tout cas la lecture qu’on peut faire de l’incapacité des uns et des autres à donner la riposte qui seye à ces islamistes qui, on le sait, ont déjà remporté de nombreuses victoires sur la liberté et la sécurité.
Il est grand temps que les Nigérians prennent leurs responsabilités
Boko Haram est en passe de réussir à assombrir l’avenir de bien des enfants dans le nord du pays en les privant d’école. En effet, ce mouvement, par ses menaces et actions punitives, a réussi à dissuader bien des parents d’envoyer leurs enfants à l’école. Surtout que l’Etat n’est pas à même d’assurer leur sécurité en cas d’attaque islamiste. L’armée nigériane notamment a, pour le moment, capitulé. Elle ne présente pas le moindre signe de vie d’une armée qui a le sens de la bravoure, du devoir, bref, de l’honneur. Cela confirme peut-être l’hypothèse selon laquelle les islamistes sont bien introduits dans les hauts cercles du pouvoir nigérian. Cette incompétence des forces de défense et de sécurité nigérianes pourrait cacher de sordides complicités avec les islamistes. Le ver est, selon toute vraisemblance, dans le fruit.
En narguant de la sorte les autorités officielles du pays, Boko Haram accrédite la thèse de la faillite du régime de Goodluck Jonathan. C’est triste que le pouvoir ne se soit pas encore montré à la hauteur du défi. Du fait de l’incapacité de l’Etat à assumer son devoir de protection des individus, c’est un droit aussi élémentaire que celui de se réjouir, qui a été ainsi arraché aux populations. Pourtant, cette faculté de rire aux éclats, Dieu l’a accordée même aux plus pauvres. En tout cas, en principe, le pauvre n’a pas à déboursé quoi que ce soit pour au moins rire à gorge déployée. Les dirigeants nigérians doivent revoir sérieusement leur copie. L’action de l’armée camerounaise a permis de sécuriser un tant soit peu la zone frontalière de ce pays avec le Nigeria. C’est une façon de dire que Boko Haram peut être vaincu ou au moins réduit à sa plus simple expression, pour peu que les forces de défense et de sécurité du Nigeria fassent leur travail. Mais, c’est visiblement trop leur demander. Le chef de l’Etat devrait en tirer toutes les conclusions.
En créant la psychose au plan sécuritaire, les islamistes plombent aussi l’économie nigériane. Et si cela devait perdurer, tout le potentiel du Nigeria, géant au plan économique et démographique en Afrique, risque d’être sérieusement remis en cause. Il est grand temps que les Nigérians prennent leurs responsabilités pour faire le ménage là où il le faut. Ils devront déployer à cet effet les grands moyens. Et ce n’est pas ce qui leur manque puisqu’il s’agit là d’une question de vie ou de mort pour l’Etat nigérian.
«Le Pays»