Le Brexit vu d’Afrique : Quelles conséquences pour le continent ?
Le débat sur la sortie ou non du Royaume-Uni de l’Union européenne est clos, du moins pour l’instant, puisque 51.9% des Britanniques ont voté jeudi dernier pour le divorce britanno-européen. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la victoire des partisans du Brexit (British Exit) et donc de la séparation, a provoqué une onde de choc mondiale à cause de ses répercussions économiques et au regard de la place qu’occupe la Grande-Bretagne en Europe et dans le monde. Ils sont d’ailleurs nombreux les Britanniques à avoir tourné le dos à l’Europe dans les urnes sans en mesurer préalablement les conséquences sur leur vie de tous les jours. Et on comprend bien leur acte de contrition dès qu’ils ont pris conscience des difficultés économiques et financières auxquelles ils risquent d’être confrontés du fait du divorce qu’ils ont eux-mêmes formalisé. Mais bon, le vin étant tiré, il va falloir le boire à présent, et les champions du Brexit tels Boris Johnson ou Niggel Farrage se sont fendus de déclarations les unes plus rassurantes que les autres, en se félicitant au passage de la souveraineté retrouvée du Royaume-Uni au travers de ce référendum historique. Il reste qu’en Grande-Bretagne même, tous ne sont pas du même avis, puisque la très europhile Ecosse et l’Irlande du Nord ont fait pour ainsi dire bande à part, en votant majoritairement pour le « remain », c’est-à-dire leur maintien dans le giron européen. Mais cette dissonance dans le bloc britannique n’efface pas les craintes d’un précédent fâcheux pour l’avenir de l’Union européenne, qui ouvrirait la porte à de possibles référendums dans d’autres pays de l’Union où les partis de l’extrême droite et l’euroscepticisme ont le vent en poupe, comme en Autriche, en Pologne, en Hongrie, aux Pays-Bas et dans une certaine mesure, en France. Toutefois, si on écarte le risque de l’effet domino qui pourrait porter un coup fatal à l’Union européenne, la sortie de la Grande-Bretagne peut être l’occasion pour les 27 autres pays membres, de travailler la main dans la main pour une intégration effective et sans ambiguïté, le sortant n’ayant pas toujours joué franc-jeu avec son refus d’intégrer l’espace Schengen et d’abandonner sa Livre sterling au profit de la monnaie commune, l’Euro.
On espère que la victoire du « non à l’Europe » n’est pas l’expression d’un nationalisme de mauvais aloi
On attendra évidemment les résultats des négociations sur les conditions du démariage avant de nous faire une religion sur tous les avantages et les inconvénients qui en découleront pour les Britanniques d’un côté et le reste de l’UE de l’autre. Pour les Etats-Unis en revanche, on sait d’ores et déjà qu’il n’y aura pas fondamentalement de bouleversement dans leur relation avec le Royaume-Uni, et Barack Obama s’est empressé de rassurer le Premier ministre démissionnaire, David Cameron, que « la relation entre les États-Unis et la Grande-Bretagne ne subirait pas l’impact du Brexit ». Quid de l’Afrique, dont une vingtaine de pays sont historiquement et économiquement très liés à la Grande-Bretagne, du fait de la colonisation et du Commonwealth ? Ce sera assurément une douche froide pour certains Etats comme l’Afrique du sud dont la monnaie locale, le Rand, a fait flop depuis l’annonce de la victoire du Brexit, comme le Nigeria qui est le premier partenaire du Royaume-Uni en Afrique, et comme d’autres pays tels le Kenya ou l’Ouganda qui comptent de nombreux investisseurs britanniques. On craint dans cette partie du monde, que la victoire des « anti-Europe » n’ouvre les portes de la récession économique et des difficultés de tous ordres pour la Grande-Bretagne, ce qui fermerait du coup celles de l’aide au développement et surtout de l’immigration alors que Le royaume de « Queen Elisabeth» est aujourd’hui l’une des destinations prisées des migrants venus d’Afrique ou du moyen orient. A contrario, certains analystes pensent que l’Afrique pourrait à moyen terme, tirer profit de cette désunion, d’autant qu’elle aura, en plus de l’Union européenne, un partenaire à part entière qui aura à cœur de garder toute son influence sur la scène internationale, grâce à la diplomatie du portefeuille et aux faveurs qu’il pourrait accorder aux opérateurs économiques africains dans le cadre des échanges commerciaux. On espère bien que la victoire du « non à l’Europe » n’est pas l’expression d’un populisme ou d’un nationalisme de mauvais aloi, fondé sur la peur de l’immigration et de la diversité culturelle, et que les pourfendeurs de l’ouverture et de « Europe-passoire » seront très vite confrontés aux dures réalités d’un isolationnisme qui ne dit pas son nom, dans ce monde globalisé où la tendance sur tous les continents, est aux regroupements, et à la formation de grands ensembles. Boris Johnson et les siens sont prévenus, et les Britanniques qui leur ont peut-être naïvement fait confiance, n’hésiteront pas à leur demander des comptes, s’ils engagent la Grande Bretagne considérée jusqu’ici comme la porte d’entrée des investisseurs étrangers en Europe, sur la voie de la récession, du chômage et de la pauvreté, à cause de leur vision anachronique et rétrograde des relations internationales.
Hamadou GADIAGA