RENCONTRE ENTRE LE PRESIDENT NIGERIAN ET LES PARENTS DES LYCEENNES DE CHIBOK :Goodluck ne veut pas perdre la face
100 jours après le rapt de plus de 200 lycéennes, le président nigérian, Goodluck Jonathan, s’est enfin décidé à traduire de vive voix la compassion du gouvernement aux parents des infortunées, accompagnés de responsables politiques de la région. La rencontre a eu pour cadre la présidence de la République, le mardi 22 juillet 2014. L’on peut, à propos de ce rendez-vous présidentiel qui intervient trois mois après l’acte ignoble de Boko Haram, faire le commentaire suivant :
Goodluck Jonathan a failli à ses responsabilités de président
D’abord, l’on peut dire que les raisons de sécurité qui ont été avancées pour justifier l’annulation des rencontres du président avec les parents des lycéennes à Chibok, sont irrecevables. Le principal bénéficiaire de ces rendez-vous présidentiels manqués, peut-on dire, est Boko Haram. Ce dernier peut se targuer d’avoir partiellement atteint ses objectifs. En effet, un des objectifs des mouvements terroristes, en général, est d’installer la peur et la paranoïa au sein des populations. Boko Haram l’a merveilleusement réussi. Mieux, il a réussi l’exploit d’amener le premier responsable du pays à s’enfermer dans son bunker d’Abuja, en raison du climat d’insécurité qu’il a pu instaurer dans la région de Borno dont dépend la localité de Chibok. Par conséquent, Boko Haram peut légitimement se frotter les mains. C’est pourquoi l’on peut affirmer que Goodluck Jonathan a failli à ses responsabilités de président de la République Fédérale du Nigeria. Une d’elle est justement d’être aux côtés des populations surtout quand elles sont en détresse. Par sa présence physique notamment sur les lieux du drame, immédiatement après le rapt des jeunes adolescentes, il aurait envoyé un message fort non seulement aux populations, mais aussi à Boko Haram. Aux populations, il aurait signifié par un tel acte la solidarité et la compassion de l’Etat fédéral dont il est le plus grand symbole. Ce geste aurait pu aussi être décrypté comme un défi que l’Etat fédéral lance à Boko Haram pour lui dire qu’il ne réussira jamais à faire plier l’échine de la puissance publique face à ses exactions, que l’Etat, à travers sa personne, est prêt à braver la peur et l’insécurité pour assister les Nigérians en cas de besoin, où qu’ils soient, au Nigeria et même au-delà. Une telle attitude aurait eu l’avantage d’apaiser, ne serait-ce que moralement, les cœurs meurtris et de doucher un tant soit peu la détermination de Boko Haram à transformer le Nord-Est du pays en une zone où l’Etat fédéral et ses symboles sont absents. De ce point de vue, rien ne peut justifier l’annulation des rencontres que le Président avait annoncées avec les parents des jeunes filles enlevées par Boko-Haram à Chibok. Sous d’autres cieux, il aurait été contraint à la démission pour manquement grave à son devoir. Mais on est en Afrique où souvent, la sécurité des princes qui nous gouvernent passe avant celle des populations.
Il faut obligatoirement l’implication des populations
Pour les premiers, l’on peut injecter des sommes impressionnantes pour mettre en place des gardes prétoriennes, rien que pour assurer la tranquillité de leur sommeil. Les allocations dédiées à la sécurité des seconds sont soit insignifiantes soit purement et simplement détournées en toute impunité. L’autre commentaire que l’on peut faire de la rencontre à Abuja du Président avec les parents des filles enlevées par Boko Haram, est en rapport avec les promesses faites par Goodluck de sécuriser les établissements scolaires de la zone et d’y envoyer de nouveaux équipements. L’on peut d’abord craindre de voir ces mesures rester au stade des intentions. En effet, bien des choses promises aux mêmes populations dans le passé, en rapport avec le développement et la lutte contre l’insécurité, sont restées jusqu’ici lettre morte. Rien ne leur garantit donc que cette fois-ci les promesses seront tenues. Ensuite, l’on peut même douter de l’efficacité de ces mesures même si elles venaient à voir le jour. A ce sujet, l’on peut affirmer que les moyens déployés depuis Abuja, seuls, ne suffiront pas à vaincre les illuminés de Boko Haram qui, pas plus tard qu’avant hier, ont fait des dizaines de morts dans un double attentat à Kaduna. Ce qui sonne comme un pied de nez fait au président nigérian. Il faut obligatoirement l’implication des populations. Leurs contributions sont indispensables pour desserrer l’étau de Boko Haram dans la région. En attendant, l’on peut avoir l’impression que Goodluck Jonathan, en rencontrant dans son palais d’Abuja les parents des adolescentes kidnappées par Boko Haram depuis la mi-avril, veut rattraper les manquements qui ont pu être constatés dans sa gestion de cette affaire. Il veut donc visiblement sauver la face. Et tous les moyens ont été déployés à cet effet, y compris la théâtralisation de la cérémonie.
« Le Pays »